Les clubs français de volley sont capables d’exploits, mais ils ne luttent pas à armes égales avec les mastodontes russes, polonais et italiens dans la plus prestigieuse des compétitions européennes. Les présidents ne s’en cachent pas, plusieurs choses ne fonctionnent pas au sein de l’organisation du volley en France.
« C’est forcément un problème de moyens, puisqu’il faut de bons joueurs pour gagner la Ligue des champions, les meilleurs joueurs vont à Kazan, et Kazan, sur les quatre dernières Ligues des champions, ils en ont gagné trois. CQFD. » Le constat de Jérémie Ribourel, le président de Narbonne est difficilement contestable. Les clubs de Russie, de Pologne et d’Italie ont des budgets nettement supérieurs à ceux des clubs français. Pour le président de Chaumont, club qui a atteint les quarts de finale l’an dernier, il faut nuancer : « Ce n’est pas seulement une question de moyens. Évidemment les moyens sont souvent le premier sujet, parce qu’on se dit qu’avec plus d’argent on peut embaucher de meilleurs joueurs. Mais, progresser passe aussi par le staff qui accompagne une équipe. Nous, on a commencé à performer non pas en augmentant le budget de manière conséquente, mais en le consacrant à un staff médical, en faisant venir un entraîneur de renom. Ce qui nous a permis de revenir sur le devant de la scène. Et puis, il y a un autre sujet, récurrent, qui est quand même le travail de fond d’un club… Je ne suis pas là pour stigmatiser d’autres clubs français, mais à un moment il faut bosser, se faire connaître, voir ce qui se fait ailleurs. »
La Ligue des champions, une compétition qui ne rapporte rien
La Ligue des champions, son prestige, sa dotation… Eh bien non ! Bruno Soirfeck en a fait l’expérience avec Chaumont l’an passé : « On vient de faire la Ligue des champions avec dans le cahier des charges une obligation de déménager et on l’a vu cette année, ça a failli nous mettre en danger financièrement. Ce qui est problématique. Quand vous regardez les clubs qui ont brillé ou qui ont fait une Ligue des champions, en championnat dans les deux années qui ont suivi, ils ont été moribonds. Je pense à Toulouse, à Sète. Et ils n’y peuvent rien, c’est juste un constat. Cette compétition coûte tellement d’argent que vous le payez les années suivantes. » Nouvelles réglementations, absence d’aide de la part des instances et le drame sportif n’est pas bien loin. « Ce qui nous est arrivé, ce serait arrivé à 80 % des clubs français, ils mettraient la clé sous la porte. Je remercie les élus, parce qu’ils nous ont suivis. Là aussi c’est de la politique. En l’espace de trois mois le règlement a changé. Comme la France n’est pas en odeur de sainteté, ils s’en foutent. Donc, on est passé de deux clubs qualifiés directement à un club qui passait par des tours préliminaires. On a donc fait 6 matches de plus que les autres. L’année dernière, on a fait 49 matches ! C’est énorme. C’est l’année où la Fédération française dit « on ne prend plus en charge les droits TV, on limite notre participation à 60 %, et si vous dépassez les quarts de finale, la production TV n’est que pour vous ». Ce qui est logique, vous mettez le volley en avant en étant dans le Top 5 européen et la charge financière est pour vous… Les prize money, ça a été un sujet, pour l’instant la Fédé les a gardés. On ne les a pas. La LNV, qui dans un premier temps avait dit « allez, pour les 40 % qui restent, on vous filera un coup de main ». Il y a un changement d’avis même s’ils l’ont mis au vote. Donc voilà, je vais finir par en avoir pour 35 000 euros de production TV dans mon budget. C’est magnifique, vous m’expliquerez dans quel autre sport ça existe », peste le président de Chaumont, agacé mais pas résigné.
Un déficit de popularité
En France, le volley est bien loin du football, du rugby, du basket et même du handball si l’on parle de succès populaire. « À Paris, il y a de la place pour tout le monde. Le problème, c’est que les gens ne connaissent pas le volley ou en ont perdu connaissance : notamment la jeune génération. Il faut donc faire de la publicité pour le volley. C’est un sport exceptionnel, tous les gens qui viennent en voir veulent revenir. Ils adorent le spectacle, les émotions, il y a un vrai public derrière », explique Vladan Jelic, qui est à la tête du Paris Volley. Son acolyte de Chaumont est du même avis et prône l’huile de coude : « C’est du travail, de la rigueur à avoir, on a moins de visibilité avec 95 % des joueurs français qui sont à l’étranger. C’est difficile de s’identifier à une équipe. Au hand, ils ont Karabatic, au foot je n’en parle même pas avec Mbappé et les autres. Au basket, il y a quelques grands noms. Au volley, à part Earvin qui en plus est un peu blessé… Donc il faut bosser ! C’est une stratégie à long terme, mais le hand y est arrivé comme ça. »
Les droits TV, une utopie ?
Cette année, le championnat de France de volley ne sera pas diffusé à la télévision. Un frein important au développement de la notoriété des clubs français. « Les droits TV, le problème, c’est que ça ne se décrète pas. Il faut que les télés soient friandes. (…) Le volley, ça ne marche pas bien à la télévision, ça ne plaît pas trop aux chaînes parce que c’est un format comme le tennis, on ne sait pas quand le match se termine, donc c’est difficile à intégrer dans votre grille de programmes », explique le président de Narbonne. Même si le président niçois Alain Griguer, aussi à la tête de la LNV, explique que les droits TV ne permettraient pas aux clubs français de rivaliser avec les mastodontes européens, les présidents attendent un diffuseur pour attirer des sponsors. « Nous, on a un problème, c’est que le volley n’est pas télévisé. Il n’y a pas d’intéressement, donc c’est un peu plus compliqué pour faire venir les partenaires », confirme Vladan Jelic.
Les clubs livrés à eux-mêmes ?
Ce qui revient souvent dans les propos des présidents des clubs de Ligue A, c’est qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même et que la situation actuelle du volley français implique un engagement de tous les instants et des idées novatrices. « Narbonne n’a pas encore accédé au niveau européen, on espère que ce sera le cas avec notre nouvelle salle qui sera livrée au mois de janvier. Elle va nous permettre d’avoir plus de public et donc plus de ressources. Pour que le volley s’en sorte mieux, franchement, il faut déjà qu’on remplisse nos salles. Il faut qu’on ait de belles salles et qu’on les remplisse », estime Jérémie Ribourel. « L’organisation du sport français n’est pas bonne, clairement », juge de son côté le président du Rennes Volley 35, Brice Chambourg. « Pour le cas de Rennes, on est en train de créer une société sportive parce qu’on y est contraint. Et s’entendre avec des amateurs alors que vous gérez un club sportif comme une entreprise, vous entendre avec des gens qui ne sont pas forcément dans l’entrepreneuriat, c’est difficile. Souvent, dans les associations sportives du monde amateur, ce sont des gens qui viennent de l’éducation nationale, des gens qui font bien ce qu’ils font et heureusement qu’ils sont là dans une certaine mesure, mais qui n’ont pas les capacités pour faire évoluer le sport avec une gestion vraiment professionnelle. Je pense que c’est un vrai problème. »
Que fait la ligue nationale de volley ?
C’est la question qui fâche… Sans en vouloir aux clubs qui défendent leurs intérêts, le président de Chaumont Bruno Soirfeck tire à boulets rouges sur la LNV. « Aujourd’hui, clairement, la Ligue ne nous aide pas. Elle a voulu assainir ses comptes, ce que je peux comprendre. Mais, pour être poli, on a la Ligue qu’on mérite. (…) À un moment, il faut se poser les bonnes questions. Et je l’ai redit il y a peu, si on veut du professionnalisme, on ne peut pas tirer vers le bas. Aujourd’hui, le volley français est un sport sous tutelle, je l’appelle comme ça. Ça montre l’état du volley en France, pour les clubs professionnels, on est subventionné par les collectivités locales entre 50 % pour Tours, qui doit être le mieux loti (car dépendant le moins des subventions, NDLR) et 95 % pour certains », explique-t-il. En regrettant fortement que la Ligue n’ait aucune vision à court et moyen termes : « Aujourd’hui, je vous mets au défi de trouver dans nos instances une stratégie. Montrez-moi le business plan et la stratégie de la Ligue nationale de volley. C’est plus qu’embêtant, c’est une faute professionnelle. Vous connaissez des entreprises qui ne font aucun plan, aucune stratégie sur deux, trois ans, sur ce qu’il faut mettre en place, sur les objectifs ? » Le président de Narbonne atténue la sentence en évoquant des soucis financiers : « Je peux vous en parler, puisque je suis au comité directeur et au bureau depuis un an. Je vois ce qui est fait. Le problème, c’est qu’on n’a pas de moyens. Quand vous n’avez pas de droits TV, la Ligue elle a quoi ? Le budget qu’elle met, c’est pour organiser le championnat, faire respecter les règlements et essayer de faire un peu de com, mais c’est limité. » Le pouvoir en place à la Ligue a des soutiens, mais l’opposition sait se faire entendre. « On a une Ligue et une Fédération qui n’ont aucune envie de prendre des risques ou de faire avancer les choses », détaille Brice Chambourg. « Je peux vous donner un exemple concret, la Ligue nous dit l’année dernière qu’elle a réussi à gagner quelques dizaines de milliers d’euros, peut-être 100 ou 200 000 euros, et quand les clubs demandent « alors du coup vous allez nous aider et les reverser ? » elle répond : « ah non, car l’année prochaine, on ne gagnera peut-être pas d’argent, on est quand même 8 et il y a les salaires à payer. » »
Un immobilisme dévastateur de la part des instances ?
« On est le quatrième championnat européen en termes d’importance, expliquez-moi pourquoi nous n’avons plus qu’une équipe qualifiée, comme la Macédoine. C’est ridicule. On paye l’incurie de la Fédération, cette incapacité à se mobiliser et à comprendre les enjeux en dehors du petit microcosme franco-Français. Les décisions se prennent à la CEV où a la FIVB. Malheureusement, aujourd’hui, on ne pèse pas dans les débats », regrette le président tourangeau Yves Bouget. Et, à en croire le président de Chaumont, à la LNV, le changement, ce n’est pas pour maintenant. « J’essaye de faire bouger les choses, on m’a traité il y a peu de club dissident. Moi, je préfère me considérer comme un club qui se fait entendre, mais qui est force de propositions. Je n’en fais pas une question d’hommes, mais de choix stratégiques. Je suis intimement convaincu qu’en participant et en contribuant au développement du volley, mon club en recevra les bienfaits. » Le président de la LNV, Alain Griguer, se défend et pointe du doigt l’individualisme de la communauté volley. « Le plus gros souci, c’est de mobiliser la communauté volley qui est un peu individualiste et je crois que notre travail est plutôt là. Dans la communauté volley, il y a certainement des chefs d’entreprises, des gens bien placés pour nous donner un coup de main. Il y a toujours des petites guerres entre tout le monde, le Français est ainsi fait. Mais, il n’y a pas d’incompréhension entre la Ligue et les clubs. La Ligue est là pour faire appliquer des règlements qui sont votés par les présidents de clubs. Alors, si les règlements ne sont pas bons, il faut que les présidents de clubs se remettent en cause eux-mêmes, c’est déjà le premier point. Après, on est tous là pour essayer de faire progresser le volley, avec des politiques différentes, mais c’est normal, on ne peut pas être tous d’accord sur tout. Mais de là, il faut sortir un consensus et le problème c’est de ne pas réussir à sortir de consensus. J’espère qu’on y arrivera un jour. »
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