À l’occasion des Ceintures, Leclerc Nogaus, qui a frôlé l’amputation de sa jambe après une agression par balle en 2018, affirme son ambition de remonter sur les plus grands rings de boxe.
Qu’est-ce qui vous a amené à pratiquer la boxe ?
Pour commencer, j’ai toujours aimé le combat. J’ai toujours été un compétiteur. Puis, j’ai commencé à m’intéresser aux sports de combat. Je regardais des vidéos, au début, je regardais du pieds-poings, notamment les Rocky (ndlr : les films sur la boxe de Sylvester Stallone). Enfin, j’ai découvert et beaucoup apprécié regarder Mike Tyson.
En 2018, vous avez été victime d’une agression, vous avez reçu 3 balles dans la jambe et vous avez failli perdre votre jambe. Est-ce que c’est votre passion pour la boxe qui vous a poussé à refuser cette amputation ?
Alors non ! C’était pour moi, c’était pour ma vie avant tout (rires) ! Se faire amputer, ce n’est pas anodin, ce n’est pas quelque chose où tu peux te dire « Ça y est, maintenant, je vais la récupérer », non. Si c’est fait, c’est fait pour de bon, c’est fini. Se faire amputer, alors que j’ai toujours eu mes jambes, et d’un seul coup, on te dit que tu auras une jambe en moins… Je crois qu’à mon âge, (ndlr : âgé de 23 ans lors de l’incident), personne n’aurait accepté.
Quelle a été l’importance de Belkeir Houri, votre coach qui vous suit depuis très longtemps ?
Il me suit depuis le début. C’est un coach et plus que ça. Ce que je veux dire par là, c’est qu’il a toujours été présent. C’est lui qui m’a formé à mes débuts. Le mental que j’ai, je lui dois beaucoup. J’avais déjà un mental solide quand j’ai commencé, parce que j’avais beaucoup d’égo et de fierté. Je ne m’admettais pas vaincu, et lui a contribué à renforcer tout ça. Belkeir a également été présent dans les moments les plus durs de ma vie, quand j’étais à l’hôpital. Il a notamment soumis l’idée de changer d’hôpital (ndlr : Leclerc Nogaus a été transféré de l’hôpital Bichat à l’hôpital militaire Percy de Clamart), quand on parlait d’amputation. Si ça se trouve, sans lui, je n’aurai plus qu’une seule jambe, puisque je n’y aurais même pas pensé. C’est difficile à exprimer, c’est un coach et en même temps plus qu’un simple coach. C’est comme un deuxième père pour moi. La relation, elle est comme ça, quand il faut s’entraîner dur, on s’entraîne dur, même si on rigole beaucoup. On se charrie pas mal aussi (rires) !
« Je me suis vraiment dit que ce n’était pas fini »
Malgré cet accident, vous êtes quand même resté dans le monde de la boxe, cela vous a notamment permis de devenir entraîneur…
Oui, c’est surtout grâce parce que je n’arrivais pas à me dire que c’était réellement fini, je n’arrivais pas à me dire que c’était mort que je ne pourrais plus reboxer. J’étais toujours dans le milieu, je regardais les gens boxer et lorsqu’on regarde les gens boxer, ça donne envie de reprendre et cela m’a permis de rester proche. Par conséquent, j’ai passé les diplômes et j’étais là, je regardais, mais j’avais toujours dans un coin de ma tête cette idée que ce n’était pas fini. Quand tu es blessé, tu es éloigné, tu t’éloignes de plus en plus, et à la fin, tu laisses tomber. C’est pour ça que quand tu veux faire quelque chose, il faut rester proche et garder un pied dedans. De plus, cela me permettait de transmettre les choses que j’avais apprises, que je connaissais. C’est une expérience où tu boxes à travers les gens lorsque tu transmets ton savoir.
Cette expérience en tant que coach semble vous avoir plu, est-ce qu’à terme Leclerc Nogaus pourrait devenir coach ?
Oui ! J’aime bien ! J’avais des boxeurs qui n’avaient pas de bases, je leur enseignais juste les bases, mais je ne les ai pas montés jusqu’à devenir des compétiteurs. Je n’ai pas fait d’ascension de A à Z. Même si je n’avais que des débutants à qui j’apprenais les bases ou des compétiteurs que j’aidais à perfectionner, j’ai pris plaisir à faire cela.
Vous n’aviez qu’un seul objectif en tête, c’était de remonter sur le ring et de remettre les gants. Qu’est-ce que votre retour sur le ring vous a procuré ?
La gratitude. Je suis quelqu’un de croyant, alors oui, je dirais la gratitude. Même si je me disais que je l’ai fait, ce n’était vraiment pas fini, puisque j’avais boxé et j’avais gagné, je n’étais pas fier. Je n’étais pas fier de ce j’avais fait puisque c’était une autre garde. Quand j’avais repris, j’avais seulement 10 jours d’entraînements (rires). Ça veut dire que je n’avais plus mes marques et surtout plus la même garde et coordination. Finalement, il y avait pleins de trucs qui n’allaient pas, ce n’était pas ouf, mais mine de rien, j’ai réussi à gagner ! Après cela, je me suis vraiment dit que ce n’était pas fini et qu’il y avait quelque chose à faire. Ensuite, lors du deuxième combat, je me suis rendu compte que ça me renforçait mentalement à me dire que c’était vraiment vrai et possible. Puis, j’ai enchainé un, deux, trois, quatre, cinq combats contre des mecs de plus en plus forts. Ça m’a vraiment renforcé.
« C’est sûr que cela a changé ma manière de boxer »
Cet épisode de votre vie vous a vraiment renforcé mentalement et physiquement. Cela vous a-t-il surtout contraint à changer votre manière de boxer ?
C’est une certitude ! Il y a pleins de choses que je ne peux plus faire maintenant. Progressivement, tu changes. Désormais, je suis droitier, je n’ai plus les mêmes repères au niveau de mes bras, je n’entreprends plus les combats de la même manière. Évidemment, parce qu’un gaucher et un droitier c’est différent, quand tu attaques ton adversaire ce n’est pas pareil, la majorité des mouvements sont différents. Même pour l’œil directeur, ce n’est plus le même. Avant, j’étais plus aérien, je jouais davantage sur mes déplacements. Maintenant, je suis plus un bloc qui avance. Je ne suis donc plus aussi à l’aise que lorsque j’avais ma garde d’origine. C’est sûr que cela a changé ma manière de boxer.
Les Ceintures ont démarré, c’est quoi l’objectif pour vous lors de cette compétition ?
L’objectif, c’est de les gagner. Sinon, j’espère également combattre des étrangers durant l’évènement. Puisque les boxeurs étrangers n’ont pas la même manière de boxer que les Français. Les Français, je peux les affronter plus facilement. Alors que les étrangers ont d’autres styles, j’apprendrai d’autres choses.
Comment avez-vous préparé peu cet événement ?
Comme d’habitude (rires) ! C’est-à-dire très classique, beaucoup de technique avec du sparring, beaucoup de cardio, j’essaye de fractionner tout ça.
« Paris, c’est une ville qui me doit beaucoup ! »
Vous aviez le rêve de participer aux Jeux de Tokyo, malheureusement cela ne s’est pas réalisé. Y’a-t-il une chance que Leclerc Nogaus soit présent pour les Jeux de Paris ?
Bien sûr que c’est possible (rires) ! Qu’est-ce qui est impossible ? Bien sûr, c’est possible. Déjà, Les Ceintures rentrent dans la préparation, c’est la raison pour laquelle je veux affronter un boxeur étranger afin de me confronter à des styles différents. J’ai beaucoup d’expérience en boxe en tant que gaucher, mais pas tant que ça en droitier. En gaucher, j’ai 80 combats et dans ces combats-là, il faut multiplier par 20, voire 30 le nombre de sparring. Alors qu’en droitier, j’ai une dizaine de combats et en sparring, j’en ai eu très peu (rires). Toutefois, comme je l’ai dit, rien n’est impossible.
Au-delà de la compétition Les Ceintures, quels sont vos prochains objectifs ?
Mon objectif est clairement de participer aux Jeux de Paris. Il y a un tournoi qualificatif qui se déroule fin mai, et on va tout faire pour se qualifier. C’est à Paris, et c’est une ville qui me doit beaucoup (rires) ! J’ai des choses à récupérer, et je vais les récupérer.