Promue en Mondial élite grâce à son succès au niveau inférieur la saison passée à Angers, l’équipe de France féminine de hockey sur glace va tenter de se maintenir au plus haut niveau international à Brampton au Canada. Les Bleues ont quatre matches pour remplir leur mission. Début des hostilités dans l’Ontario le 5 avril.
IceParc d’Angers, le samedi 30 avril 2022. Devant 3 586 spectateurs – record pour un match de hockey féminin en France -, les Bleues étrillent la Norvège 4 à 1. Pour leur dernier match du Mondial D1A, antichambre de l’élite, elles s’adjugent le titre. Dans le Maine-et-Loire, Lore Baudrit et ses équipières ont mis fin à une attente de trois ans. Ce titre leur ouvrait la porte d’un retour en Mondial élite. L’opus 2023 est programmé du 5 au 16 avril à Brampton (Canada). Ce sera leur deuxième participation après celle de 2019. L’expérience a donc été brève. Sitôt promues, les joueuses de Grégory Tarlé avaient repris l’ascenseur vers le bas, non sans avoir appris face aux meilleures équipes de la planète. Le Mondial élite est une caste réservée à dix formations.
« Cette première participation était positive, admet l’entraîneur en chef. C’était un apprentissage à tous les niveaux mais il y a eu deux descentes contre une habituellement. » Finalement dixièmes et dernières, les Bleues avaient tout de même réussi à arracher un succès (2-3 face à l’Allemagne après prolongation). Assistante-capitaine de la sélection, l’attaquante Clara Rozier était déjà de l’aventure. « On était toutes euphoriques de participer mais avec cette double relégation, on avait conscience que se maintenir serait très dur. Malgré la déception de la descente, on a vu qu’on était capable de rivaliser avec des équipes d’élite, prolonge la joueuse de l’IFK Helsinki en Finlande. Malheureusement, les années Covid n’ont pas aidé. Cela a repoussé l’échéance pour y retourner. » En 2020 et 2021, les Mondiaux sont passés à la trappe. Angers est arrivé et a offert une nouvelle chance aux Bleues de s’installer en élite.
Une équipe rajeunie par rapport à la saison passée
Avant de s’envoler pour l’Ontario, il a fallu rebâtir un groupe. « Après le titre de la saison passée, on a eu une vague de départs. Ces transitions ne sont jamais évidentes, reconnaît Grégory Tarlé, mais on peut le faire avec une certaine patience. S’il avait fallu refaire un Mondial D1A avec autant de départs, cela n’aurait pas été l’idéal. » A 25 ans, Clara Rozier a vu ses responsabilités augmenter. « C’était bizarre de perdre autant de joueuses d’un coup, concède la jeune femme. Celles qui sont parties étaient là depuis un moment. Elles ont construit ce que l’équipe de France est aujourd’hui. Il y a eu un vide et beaucoup de jeunes sont entrées d’un coup. Heureusement, le pôle France fait du bon boulot. Les jeunes nous ont apporté leur fraîcheur. »
Grégory Tarlé est conscient des forces et faiblesses de cette nouvelle génération. « L’équipe a moins d’expérience que la saison passée mais on a eu le temps de travailler sur cette reconstruction. » Dans sa quête du maintien, le sélectionneur s’appuiera sur une dizaine d’éléments nés à partir de 2000. « Les U18 vont bien au niveau international. C’est un bon signe », constate Clara Rozier. En Mondial D1A, le vivier français a multiplié les prestations abouties. L’équipe avait été médaillée d’argent la saison passée. En janvier, elle a décroché le bronze. Cela démontre la bonne santé de nos juniors. Leur acclimatation en seniors est ainsi facilitée », dixit le coach.
Quelques joueuses sélectionnées se trouvaient déjà sur le continent nord-américain. Elles ont retrouvé le reste du groupe sur place. Les Bleues se sont envolées pour le Canada fin mars, une fois leurs saisons en clubs achevées. « C’était plus simple de partir avec l’effectif européen et de lancer notre préparation au Canada, souffle Grégory Tarlé. Cela nous laissait une dizaine de jours avant notre premier match du Mondial. Faire rentrer les joueuses du Canada et des Etats-Unis pour repartir ensuite n’avait pas de sens. » Dans son groupe, il a retenu huit filles évoluant sur le continent nord-américain. Si l’équipe de France est montée en puissance ces dernières saisons, elle le doit à ces départs vers les meilleurs championnats au monde. « En dix ans, on a inversé la tendance. Aujourd’hui, plus des trois-quarts de l’équipe évoluent à l’étranger. C’est l’une des stratégies du projet de performance féminin à la Fédération », éclaire Grégory Tarlé. « Beaucoup de jeunes sont parties au Canada et aux Etats-Unis pour se développer. Jusqu’à présent, cela nous manquait », acquiesce Clara Rozier.
La course à la qualification olympique est déjà lancée
La jeune femme s’est aussi expatriée pour passer un cap. Elle a bouclé sa troisième saison avec l’IFK Helsinki. Elle était auparavant au pôle France. « En Finlande, mon niveau a beaucoup évolué, plaide la Haut-Savoyarde. Je dispute le double de matchs par rapport à la France. Plus tu joues et plus ton jeu évolue vite. » Saison régulière et play-offs confondus, elle dispute une quarantaine de matchs par saison. « Jouer à l’étranger et voir ce qu’il se passe ailleurs, c’est incomparable. En Finlande, j’ai la chance d’évoluer dans de très bonnes conditions. Hormis la Suède, c’est selon moi le deuxième meilleur championnat européen. » Les joueuses restées dans l’Hexagone se sont mises au diapason d’un groupe qui, de l’extérieur, peut sembler hétérogène. « Les filles à l’étranger apportent une telle plus-value que cela tire tout le monde vers le haut, plaide Grégory Tarlé. Celles qui sont en France évoluent dans un bon contexte. L’écart est réel mais elles ne sont pas éloignées des attentes du haut niveau. »
Malgré ses progrès, l’ensemble tricolore va devoir lutter pour ne pas reprendre l’ascenseur dans l’autre sens. « Si on atteint les quarts de finale, on sera automatiquement maintenu », glisse un Grégory Tarlé ambitieux. Versées dans la poule B, les Bleues, en vertu d’un règlement particulier (voir par ailleurs), devront décrocher l’une des trois premières places pour accéder aux quarts-de-finale. Allemagne et Hongrie semblent être leurs principaux adversaires dans cette quête. Par-delà ce Mondial, les Bleues ont déjà le regard tourné vers les Jeux de 2026 en Italie. Elles n’ont encore jamais participé au rendez-vous olympique. « On a la volonté de garder une majorité du groupe actuel pour la courser à la qualification », lance Grégory Tarlé. « Si on réalise une bonne performance sur ces championnats du monde, ça pourrait changer la donne pour la suite », complète Clara Rozier. Tous les détails auront leur importance. « Le ranking de la Fédération internationale déterminera l’ordre des équipes pour la qualification olympique. Les points acquis lors des championnats du monde comptent avec un système dégressif », prévient Grégory Tarlé. Les Bleues ne veulent pas traîner en route.
Par Stéphane Magnoux