Les joutes nautiques alsaciennes, un patrimoine identitaire

À Strasbourg, la joute nautique alsacienne est pratiquée depuis le XIVe siècle. Rencontre avec Bruno Geiss, le champion local.

 

Quel est le concept de la joute nautique strasbourgeoise ?

Le principe des joutes est simple : deux bateaux se croisent pour permettre au jouteur, situé à l’arrière, de pousser son adversaire à l’eau en utilisant une lance généralement en bois. De nombreuses régions ont leur propre méthode, souvent à l’origine d’une ville comme la provençale, la lyonnaise, la parisienne, ou encore l’orsoise… À Strasbourg, il s’agit de barques à fond plat, typiques de la région, dans lesquelles on trouvait deux rameurs et le jouteur à l’arrière du bateau. L’intérêt grandissant, les barques ont été rallongées afin de pouvoir placer quatre rameurs, et donc d’augmenter la vitesse et l’impact. Le jouteur, lui, a été surélevé pour faire ressortir visuellement la joute au-dessus des rameurs. Ces modifications ont développé le côté spectaculaire de la joute dite strasbourgeoise ou alsacienne, et ont ainsi permis de passer d’une pratique folklorique à un véritable sport.

Quand est-elle apparue ?

Le 20 juillet 1377, deux importantes corporations de la ville, les pêcheurs et les bateliers, ont voulu imiter les tournois de joutes des chevaliers. Utilisant les barques qu’ils avaient à leur disposition, ils créèrent les premières joutes nautiques de Strasbourg. Au fil de l’histoire, le lien entre la ville et les joutes est devenu très important. Mais à partir de 1990, elles ont été écartées du centre-ville pour être placées sur un plan d’eau en bordure de la ville. Dès lors, cette pratique a connu un déclin dû en grande partie à sa perte de visibilité. Nous entendons beaucoup de personnes dire : _« Je m’en souviens quand j’étais jeune, j’allais les voir en centre-ville avec mon père, c’était super. »_. Lorsqu’on explique ensuite où nous sommes, les gens sont étonnés.
« Retrouver le cœur de Strasbourg »

Quel est le secret pour gagner à la joute alsacienne ?

De mon point de vue, il s’agit d’une sorte d’équation avec plusieurs variables. Il faut allier l’équilibre, la force, l’endurance, la coordination, la technique et le mental. N’ayant pas de catégorie de poids, en avoir est un plus mais ça ne suffit pas. Pour la partie technique, elle est propre à chaque jouteur en fonction de ses sensations. Il est aussi important d’écouter les conseils des aînés qui ont des années de pratique. Commencer jeune est aussi un plus, mais pas une garantie. J’ai vu des jouteurs commencer sur le tard et parvenir au sommet du classement.
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Quel est votre meilleur souvenir dans ce sport ?

Certaines confrontations m’ont apporté de magnifiques sensations. Mais, le meilleur souvenir reste les rencontres humaines. On est toujours bien accueilli lors de nos déplacements en Allemagne, en Belgique et en Suisse. Beaucoup de jouteurs sont plus que des adversaires, ce sont des amis. Ces rencontres ont enrichi ma vie au quotidien.

Quelques mots sur la prochaine édition ?

Pour la prochaine saison, nous travaillons avec les équipes de la Ville pour retrouver le cœur de Strasbourg et le lien avec les Strasbourgeois. Nous espérons redynamiser cette pratique qui fait partie intégrante du patrimoine historique et identitaire de Strasbourg.

Par Laurence Théry
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