L’escalade sur la voie olympique

Avec 35 millions de grimpeurs dans le monde, l’escalade, dont la popularité ne cesse de grandir, fait ses premiers pas vers la grande aventure olympique. Les athlètes français se préparent désormais pour faire partie du voyage à Tokyo en 2020, où ils rêvent de ravir la première médaille de l’histoire de leur sport.

 
Rio, 3 août 2016. Une grande nouvelle vient de tomber : l’escalade va enfin devenir une discipline olympique. Un événement attendu depuis près de 30 ans par la Fédération française de la montagne et de l’escalade (FFME) et la fédération internationale (IFSC) qui se félicitent d’entrer dans une nouvelle dimension. Désormais, le cap est fixé sur Tokyo l’an prochain. Tous les grimpeurs de l’équipe de France ne jurent que par ce voyage olympique. « Les JO, c’est un rêve pour tous les sportifs. C’est la compétition de référence, on veut tous en faire partie », explique Anouck Jaubert, codétentrice du record du monde de vitesse et vainqueur de la Coupe du monde 2017. Comme ses partenaires, la tricolore sait pour autant que le chemin qui mène à l’Asie est encore long. « Seuls 20 femmes et 20 hommes seront sélectionnés à l’échelle mondiale pour deux médailles à prendre », explique Pierre-Henri Paillasson, le directeur technique national, qui ne cache pas son rêve de voir la France frapper un grand coup en ramenant la première médaille d’or olympique de l’histoire de l’escalade. Si le rêve bleu est permis, le défi n’en demeure pas moins semé de difficultés… Car le format choisi par la fédération internationale et par le Comité olympique (CIO) constitue un combiné inédit. Chaque grimpeur devra en effet défendre ses chances sur un combiné réunissant les trois épreuves d’escalade sportive : la vitesse, le bloc et la difficulté…

Bloc, vitesse, difficulté : le combiné olympique

« Plus vite, plus haut, plus fort ». Les trois disciplines collent au plus près de la devise olympique. La vitesse consiste à gravir le plus rapidement possible une voie tracée sur un mur vertical de 15 mètres. L’enjeu du bloc est de réussir un maximum de « blocs », – structures de 4 mètres de haut -, avec le moins d´essais possible en un temps donné. La difficulté, qui est la plus ancienne des trois épreuves, consiste quant à elle à grimper sur un temps donné le plus haut possible un mur de 15 mètres inconnu des athlètes. « Pour réussir, il faudra que les athlètes soient très bons dans au moins deux des trois disciplines… », décrypte Pierre-Henri Paillasson. Une polyvalence requise qui les a poussés à revoir leur façon de se préparer. « Je m’étais spécialisée pendant cinq années sur de la vitesse et il a fallu d’un coup se préparer sur les deux autres disciplines », explique Anouck Jaubert. « Ma stratégie sera de garder mon niveau en vitesse et de progresser à la fois en bloc et en difficulté qui ne sont pas mes domaines de prédilection. » Même stratégie pour Mickaël Mawem, spécialiste du bloc et 4e aux championnats du monde 2016. « Quand on a appris le programme des JO on a changé de cap pour être polyvalent. À haut niveau, chaque détail est déterminant. Une compétition ça se gagne à des millimètres ou à des microsecondes. »

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Manuel Cornu, autre spécialiste de bloc et vice-champion du monde du combiné en 2016, a lui aussi adapté ses stratégies d’entraînement : « Je m’entraîne à peu près 35 heures par semaine. Travailler sur trois disciplines à la fois c’est complètement différent ! Mais au-delà de l’aspect technique, il y a aussi un planning athlétique à élaborer avec des pics de forme à atteindre à des moments clés. Il faudra être prêt pour les étapes de Coupe du monde et prendre des bonnes places dans la course à la qualification mais surtout être au top en août au moment des championnats du monde. » Technique, force, endurance, explosivité. Les programmes de préparation sont denses. Anouck Jaubert s’est par exemple entourée de trois entraineurs spécialistes chacun dans leur domaine. « Chaque discipline a ses spécificités techniques et physiques. La vitesse demande des efforts très explosifs sur 8 secondes. Avec la difficulté, on est presque sur des efforts d’endurance avec beaucoup de changements. En bloc, on est sur des efforts très courts mais avec une intensité de force très élevée et répétée. L’enjeu avec les trois coaches est qu’on réussisse à harmoniser le travail pour un projet commun. Ça demande beaucoup d’organisation et de communication. »

Une ascension grandissante

La fédération, qui enregistre chaque année une hausse de 3 000 à 5 000 licenciés supplémentaires avec un pic l’an passé à 8 000, se réjouit de l’obtention des Jeux olympiques. « En 25 ans, ce sport est devenu universel, aussi bien au niveau de la compétition qu’au niveau du loisir. Les JO vont lui donner une envergure encore plus grande ! », poursuit le DTN. « L’escalade est un sport complet, éducatif, de bien-être qui séduit beaucoup de monde dès le plus jeune âge. On est passé de 35 000 licenciés sur l’ensemble de la FFME à plus de 100 000 en quelques années. Quand on découvre ce sport on a rapidement des sensations, c’est ce qui plaît aux débutants… » La grimpe, mouvement naturel du corps enfoui dans nos jeux d’enfant, l’adrénaline de la hauteur et la sensation de dépense physique sont les grandes forces d’attraction de la discipline. « Se confronter à un mur, c’est se confronter à soi-même », poursuit Mickaël Mawem. « J’ai très vite été séduit par son côté ludique étant gosse. Aujourd’hui, ce qui me plait c’est le dépassement de soi et faire face à la pression et à l’adrénaline à laquelle nous sommes confrontés en compétition. » Cette ascension rime avec démocratisation. L’engouement va de pair avec le développement de nouveaux équipements qui permettent de pratiquer dans des endroits où il n’y a pas de falaises. Le secteur marchand ne s’y est pas trompé et de nombreuses salles ont éclos partout en France. « À partir du moment où l’on a commencé à rendre l’escalade urbaine en construisant des murs, l’effet a été immédiat », poursuit Pierre-Henri Paillasson. « Avant, on montait uniquement dans des falaises, aujourd’hui, on peut aller grimper dans des salles après le travail ou le week-end en famille. Ce côté urbain de l’escalade tout en gardant une image « outdoor » fait que notre discipline répond à tous les besoins de compétition ou de loisirs. » Puis de préciser que la fédération, forte de son expertise, dispose d’un service spécifique qui conseille les collectivités territoriales et les maîtres d’ouvrages « pour construire des agrès pertinents pour permettre de développer l’activité, de la pratique scolaire jusqu’au plus haut niveau. »

Des athlètes de haut niveau dans l’ombre des stars

À l’instar de nombreux athlètes olympiques, les grimpeurs de l’élite continuent de consentir de nombreux sacrifices personnels dans la quête de leur rêve. « L’escalade demeure un sport amateur », précise Pierre-Henri Paillasson. « Nos athlètes sont étudiants ou détachés partiellement de leur travail grâce à la fédération. La pratique de ce sport au plus haut niveau demande de grands sacrifices. On essaie de trouver des aides avec le ministère des Sports pour les mettre dans les meilleures dispositions. » Les prochaines échéances internationales dans les mois à venir, avec notamment les épreuves de Coupe du monde et le championnat du monde en août prochain, seront déterminantes pour obtenir le sésame pour Tokyo. Les Jeux sont bel et bien lancés…

Les chiffres clés de l’escalade en France :

1 000 clubs, 16 ligues, 86 comités départementaux
Plus de 100 000 licenciés
40 médailles aux championnats du monde dont 12 en or, femmes et hommes toutes catégories confondues
109 médailles en Coupe du monde dont 44 en or, femmes et hommes toutes catégories confondues
37 médailles aux championnats d’Europe dont 16 en or, femmes et hommes toutes catégories confondues

Par Hugo Lebrun
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