Sacré champion du monde de VTT descente pour la troisième fois, le Niçois Loïc Bruni ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. À 24 ans, il mène sa carrière entre pratique de haut niveau et collaboration avec ses sponsors.
Quel regard portez-vous sur votre troisième titre mondial, conquis au début du mois de septembre ?
Avant moi, seuls trois autres pilotes ont réussi à remporter autant de titres mondiaux. Alors oui, je ressens une grande fierté. D’autant plus que j’ai été blessé au début de l’année : un coude déboîté m’a fait manquer la première épreuve de Coupe du monde, mais j’étais présent sur la deuxième. L’important à ce moment-là n’était pas de penser à la défense de mon titre mondial, mais de parvenir à retrouver mon meilleur niveau, ce qui s’est heureusement produit en milieu de saison. Pendant cette période de galère, mon équipe (Specialized) m’a apporté le soutien dont j’avais besoin. Lors de ces Championnats du monde en Suisse, j’ai senti de bonnes ondes pendant toute la semaine, le public a répondu présent. Juste avant la compétition, nous avons procédé aux derniers réglages mécaniques et nous avons réfléchi au choix des trajectoires. La compétition était très ouverte, une dizaine de pilotes pouvait prétendre au titre : des Anglais, des Américains, des Australiens et des Néo-Zélandais, en plus de la forte représentation française. Cette année, notre équipe est très forte, portée par la génération des 20-25 ans : chez les femmes, Myriam Nicole a décroché le bronze mondial en descente, et Amaury Pierron a remporté le classement général de la Coupe du monde.
> Découvrez en intégralité le dernier numéro de SPORTMAG
Comment avez-vous débuté le VTT ?
Je suis né à Nice et j’ai grandi à Cagnes-sur-Mer. Mon père pratiquait le VTT cross, je l‘ai suivi sur les courses et j’ai vite développé la même passion. J’adorais rouler en compagnie des copains. J’ai commencé avec le BMX et le VTT cross-country. J’ai finalement mieux accroché avec la mentalité fun de la descente : les sensations et les sauts m’ont plu. Jusqu’à l’âge de 16 ans, j’ai pu suivre l’école normalement tout en participant à des compétitions. Les entraînements intenses, mais pas trop longs, m’ont permis de concilier le sport avec mes études en fac (licence d’économie), jusqu’à mon entrée en école de commerce, à la SKEMA à Sophia Antipolis.
« Le mental compte autant que le physique »
Que vous apporte votre équipe ?
Depuis l’âge de 16 ans, je fais partie d’une équipe internationale. Son nom a changé, mais le manager et les mécaniciens sont les mêmes depuis le début, ils m’ont vu grandir et progresser. La préparation mentale, que j’ai adoptée il y a quelques années, compte autant que l’entraînement physique. Comme la descente est un sport de sprint, il faut rester efficace pour éviter les erreurs, les pertes de temps et les chutes. Je pense justement que le mental est un de mes points forts. J’ai réalisé un rêve de gosse, je me régale en voyageant, en Amérique du Nord, Océanie, Afrique du Sud…. Je parle anglais, je « kiffe » mon sport et le milieu dans lequel j’évolue. J’espère que mes victoires feront passer un message aux jeunes et pourront aider à rendre le VTT de descente plus accessible.
Quels sont vos objectifs à présent ?
Triple champion du monde, j’ai aussi été quatre fois champion de France Élite. Mon objectif est de continuer à réaliser de belles choses et de marquer l’histoire, par exemple en remportant le classement général de la Coupe du monde. J’ai déjà remporté des épreuves, mais je me suis classé deuxième au général, au mieux (en 2015). Certains pilotes continuent leur carrière jusqu’à 35 ans, on verra si j’y arrive ! Dans le VTT de descente, on ne peut pas ignorer les chutes. Les blessures touchent les articulations, coude, épaule, fémur, bras, clavicule ou traumatisme crânien. Nous portons bien sûr des protections, dorsales et autres, mais elles ne doivent pas être trop épaisses pour ne pas gêner le mouvement.
« Mon expérience aide les marques à faire évoluer leurs produits »
Quel type de relations entretenez-vous avec vos sponsors ?
J’ai la chance d’avoir de très bons rapports avec eux. Il s’agit de marques qui demandent aux sportifs de collaborer à leurs collections : les vélos Specialized, les vêtements Fox Racing et les suspensions Ohlins. Après mon titre mondial, en septembre, je suis allé rendre visite à Ohlins en Suède. J’apprécie d’avoir mon mot à dire, de réfléchir aux innovations techniques ou au design, à la couleur et à la coupe des vêtements. Ainsi, mon expérience de sportif aide un peu les marques à faire évoluer leurs produits.
Que pensez-vous du développement de l’activité VTT dans votre département des Alpes-Maritimes ?
On a un potentiel de fou dans la région en ce qui concerne la pratique du VTT. Les stations de ski chez nous comprennent que le VTT est une activité importante pour le tourisme en été. Il existe déjà beaucoup de pistes dans le département, des magasins spécialisés et une communauté de sportifs. Le Conseil départemental débloque des moyens pour développer la discipline, créer des sentiers, et incite les stations à accueillir de nouvelles infrastructures pour les vacanciers. Il fait aussi des efforts en matière de communication, en valorisant le VTT comme argument touristique, compatible avec la défense de l’environnement. Même s’il y a parfois des problèmes de cohabitation avec les randonneurs qui utilisent les mêmes espaces. Si le Championnat de France 2013 s’est tenu à Auron, nous n’avons pas encore de grand événement VTT international organisé chez nous. Une épreuve de la Coupe du monde aura peut-être lieu en 2020 à Valberg.
« Le VTT bénéficie du soutien des marques »
Votre discipline n’est pas olympique. Le regrettez-vous ?
La Fédération ne nous accorde pas la priorité, car le VTT n’est pas inscrit au programme olympique. Elle soutient donc davantage les autres disciplines. L’Union Cycliste Internationale (UCI) organise et réglemente, mais nous ne sommes pas pris dans les jeux politiques qui changeraient la mentalité du milieu. Finalement, rester dans l’ombre n’est pas une mauvaise chose ; nous sommes tranquilles et bénéficions du soutien des marques et de l’industrie du cycle. Un média internet, Redbull Media House, diffuse les courses. La Fédération m’a accordé des aides en tant que sportif de haut niveau pour payer mon entraîneur, acheter du matériel… quand j’étais plus jeune. Figurer sur la liste ministérielle me permettait de participer aux compétitions, et donc de m’absenter des cours sans être sanctionné.
Comment voyez-vous votre après-carrière ?
Je suis passé professionnel il y a 3 ans et je vis bien de mon sport pour le moment. J’ai suspendu mes études, car il m’était devenu impossible de suivre les cours de master à la SKEMA, étant sans arrêt en déplacement à l’étranger. Je reprendrai peut-être le cursus plus tard. Le digital m’intéresse, c’est un secteur d’avenir. Aujourd’hui, tout tourne autour de la communication et des réseaux sociaux. J’envisage de rester dans le milieu cycliste et de mélanger ces deux centres d’intérêt. La vie que je mène me convient parfaitement. Si on m’avait dit ça quand j’étais gosse, j’aurais signé tout de suite ! Je rencontre plein de gens, des sponsors qui deviennent des amis, des pilotes qui sont proches, des amis des pilotes. Dans ce grand réseau, tout le monde se côtoie tout au long de l’année.
–
La bio express de Loïc Bruni :
24 ans – Né 13 mai 1994 à Nice (Alpes-Maritimes)
Équipes : Specialized (depuis 2016), Lapierre (2012-2015)
Palmarès : Champion du monde (2015, 2017, 2018), champion du monde junior (2012), champion de France (2013, 2014, 2015, 2017), champion de France junior (2011)
–
Michel Callot : « Un athlète hors-normes »
Le président de la Fédération française de cyclisme, Michel Callot, salue la performance de Loïc Bruni : « Loïc est un pilote déjà très expérimenté, mais aborder la compétition comme il l’a fait, en tant que favori, et réussir à tenir ses promesses dénote un très fort caractère de la part d’un athlète hors-normes. Avec trois titres mondiaux, il fait partie des grands noms de la descente, une discipline spectaculaire et télégénique. Sa réussite témoigne d’une réussite plus globale, celle de l’école de descente française, capable de faire des podiums depuis plusieurs années, aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Depuis 25 ans, le VTT a pris sa place au sein de la FFC, avec 20 % des effectifs, soit 23 000 licenciés, et continue à croître. La Fédération déploie des efforts pour maintenir un calendrier d’épreuves de descente dense, car la discipline exige un terrain de jeu et une organisation spécifique (en région montagneuse, donc remontées ou camions sont nécessaires) ».
–
La région Sud : Terre de sport et de passion
Forte de 2 millions de pratiquants, 1,2 million de licenciés et plus de 11 000 clubs et associations, la région Sud est une terre de sport par excellence ! Cette passion se traduit dans les innombrables manifestations qui s’y déroulent, de la plus petite compétition aux plus grands événements qui contribuent à notre attractivité et à notre rayonnement. Ce dynamisme est inscrit dans les résultats de nos champions de haut niveau comme en témoigne les seize athlètes régionaux qui ont ramené une médaille des JO de RIO en 2016, et les quatre autres des jeux d’hiver de PyeongChang en 2018. Parmi ces sportifs qui portent haut les couleurs régionales, citons aussi le Niçois Loïc Bruni, triple champion du monde de descente en VTT. Cette excellence prend ses racines dans le talent de nos sportifs. La Région les accompagne par la réalisation d’équipements sportifs, le soutien au sport scolaire et universitaire, la collaboration sans faille avec le mouvement sportif. Avec un budget de près de 14 M€ pour 2018, elle participe à développer le sport de haut niveau, elle aide à l’organisation de manifestations sportives, elle encourage l’accès à l’emploi dans le domaine sportif. J’ai voulu que la Région mène cette politique ambitieuse qui nous permet d’être partenaire des JO 2024. Ici c’est le Sud, une terre de sport, de passion, de talents !
Renaud MUSELIER, Président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Député européen