Loïc Rosetti, président de l’ANESTAPS, a écrit ce lundi une lettre ouverte au ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer. L’objectif : rassembler le mouvement sportif et réfléchir à une nouvelle dynamique entre l’école et le sport.
Loïc, pourquoi avoir décidé d’écrire cette lettre ouverte à Jean-Michel Blanquer ? Quel est votre objectif ?
Quand le dispositif 2S2C a été mis en place, nous avions échangé sur ce sujet et nous avions décidé d’inclure les étudiants dans ce dispositif, car c’était la période du déconfinement, un esprit de solidarité s’était créé. Comme nos étudiants avaient les compétences nécessaires pour encadrer dans les écoles, l’idée de donner un coup de main nous est venue naturellement. Cependant, avec cette lettre, nous souhaitons réaffirmer notre opposition à la continuité de ce dispositif 2S2C à la rentrée 2020. Il faut faire comprendre à nos étudiants, au milieu de l’EPS et au monde du sport que nous sommes contre la poursuite de ce dispositif.
Quand le dispositif 2S2C est arrivé, le monde de l’EPS s’est montré plutôt réfractaire, pour diverses raisons (craintes d’une externalisation de l’EPS, d’un manque de garanties pédagogiques, du développement des inégalités). Y a-t-il, selon vous, une réelle envie de développer le sport à l’école ?
Je pense que oui. Dans le primaire par exemple, cela fait des années que la formation des professeurs des écoles au niveau de l’EPS est diminuée. On apporte de moins en moins de compétences aux professeurs des écoles pour pouvoir encadrer de l’EPS. Cela n’a jamais fait partie des savoirs fondamentaux. Pour être clair, dans les écoles, dès qu’il y a quelque chose qu’il faut faire sauter, c’est l’EPS ! D’une part parce que les professeurs ont moins de compétences et d’aptitudes à encadrer, et d’autre part parce que ce n’est pas un savoir fondamental. Le temps de l’EPS a toujours été diminué, à part dans le Secondaire, au collège, où on avait eu 1 heure en plus il y a quelques années. A part cela, il n’y a jamais eu de réinvestissement sur l’EPS. On part donc du principe qu’avant même de proposer un nouveau dispositif, il faut déjà soulever cette problématique. L’objectif est de renforcer l’EPS au sein des écoles, et en plus de cela, d’opérer un rapprochement du mouvement sportif avec les clubs pour créer un système avec de la continuité sur une journée, sur une semaine, sur un mois, sur un an, où le temps de pratique des jeunes augmente parce qu’ils ont différents outils pour aller dans les clubs et à l’école pour pratiquer.
« Réunir l’ensemble des personnes autour de nous »
Comment est-ce que l’ANESTAPS peut participer à la mise en place de ce nouveau dispositif pour rapprocher sport et école ?
Pour nous, c’est une opportunité d’avoir rouvert le dossier du rapprochement sport-école avec 2S2C. C’est l’occasion de réunir les différents acteurs autour de nous. On a pu échanger avec le mouvement sportif, qui semble également intéressé. On a été auditionné à l’Assemblée Nationale avec les fédérations scolaires, et on a pu voir que l’on pouvait trouver un consensus sans prendre leur place, en apportant un complément. Pour le monde de l’EPS, tant que ça ajoute du temps de pratique mais pas forcément dans le temps scolaire pour ne pas venir empiéter sur les enseignements qui existent déjà, cela peut être une opportunité pour les jeunes et leur temps de pratique. L’objectif, c’est de réunir l’ensemble des personnes autour de nous, afin de construire notre position et qu’elle soit comprise par tout le monde.
Vous parlez dans votre lettre « d’initiatives locales existantes qui ont fait leurs preuves ». Quelles sont-elles ?
Quand on parle de cela, c’est pour expliquer qu’il y a déjà des clubs qui, avec les collectivités territoriales – la municipalité généralement, ont déjà créé des temps extrascolaires où après l’école, le club vient chercher les jeunes licenciés à l’école, il les emmène au club pour faire une heure de devoirs en les accompagnant, avant de les faire pratiquer. Ce sont des initiatives très intéressantes, parce que cela permet une continuité de la pratique pour les jeunes. C’est ce genre d’initiatives que l’on aimerait développer. L’objectif est que nos propositions prennent ce modèle-là.
« Lancer rapidement une dynamique de travail »
Avez-vous déjà eu un retour du ministère ?
Nous n’avons toujours pas eu de retour du ministère. Nous sommes très étiquetés sport et on a souvent du mal à avoir des contacts avec le ministère de l’Education nationale. On espère que cette lettre permettra d’avoir un contact, de prendre rendez-vous afin de pouvoir échanger et exposer notre nouveau dispositif qui viendrait en complément de l’EPS.
A quelle date espérez-vous une mise en place de ce rapprochement entre le sport et l’école ?
L’objectif est de lancer une dynamique de travail assez rapide afin de pouvoir expérimenter ce nouveau dispositif l’année prochaine dans certains établissements. Cela permettra de voir ensuite si ça a fonctionné et si on peut le généraliser. Il ne faut pas proposer quelque chose à la va-vite, il faut expérimenter le dispositif, pourquoi pas dans les quartiers prioritaires des villes. Comme nous l’avons dit dans la lettre, ça demande un financement, une prise de conscience du gouvernement sur les infrastructures sportives, sur les personnes qui encadrent et sur l’accompagnement des clubs également. On sait qu’ils sont ou qu’ils vont entrer dans une phase compliquée dès la rentrée de septembre.
Ce projet, vous y croyez vraiment ?
Nous, on y croit sincèrement. On voit que la crise sanitaire du Covid-19 a touché principalement les personnes en surpoids ou souffrant d’une ALD (affection longue durée), en plus des personnes âgées. Si les jeunes commencent à pratiquer plus régulièrement à l’école et hors de l’école, la population future sera plus épargnée en cas de nouvelle crise sanitaire. On aura une nation un peu plus sportive. Aujourd’hui, il y a encore énormément de freins à la pratique. Il faut proposer un maximum d’outils aux jeunes, afin qu’ils pratiquent plus souvent et qu’ils soient en meilleure santé.
Lettre ouverte 2S2C ANESTAPS
Propos recueillis par Simon Bardet