Revenu des jeux paralympiques de Tokyo avec trois médailles d’argent autour du cou, le cycliste roannais vise forcément mieux dans trois ans à Paris. A bientôt 43 ans (il les aura le 1er décembre), il force l’admiration par sa motivation toujours bien ancrée d’aller s’entraîner seul sur les routes de la Loire.
Loïc, on vous a vu assister au derby Saint-étienne-Lyon début octobre. Il est vrai que vous avez été un fan de foot…
Oui j’ai été invité au stade Geoffroy-Guichard avec Axel Bourlon (autre pensionnaire du club Handisport Roannais, également médaillé d’argent mais en haltérophilie) aux côtés de l’ancien joueur Jérémy Clément. Du foot, j’en ai pratiqué toute ma jeunesse jusqu’à mon accident (qui lui a fait perdre l’usage de la jambe droite) puis je me suis mis au foot en béquille. J’aime encore le foot mais je suis moins et surtout je me suis mis au vélo.
Pour quelles raisons ?
C’est un ami paraplégique, Jean-Paul Michel, qui m’a proposé un jour d’essayer. C’était cinq ans après mon accident et j’ai tout de suite adhéré. Ça me permettait de faire du sport sans penser à mon handicap et de me dépenser bien assez sur les routes de Roanne. J’ai commencé les compétitions un an après et en 2011 j’ai démarré une saison complète. J’ai commencé par le handbike couché puis je me suis mis au handbike à genou en 2017 même si ça m’arrive de faire du couché comme lors du marathon de Berlin en 2018 où j’ai fini 8e.
Exercez-vous une activité professionnelle ?
J’ai repris le travail en 2008, quatre ans après mon accident, en exerçant jusqu’en 2016 des missions d’intérim en travail d’équipe dans le domaine de la mécanique et de la maintenance industrielle. Puis j’ai suivi une formation qui m’a permis de travailler plusieurs années chez Decathlon à mi-temps. En 2019, la Caisse d’épargne Loire-Drôme-Ardèche m’a proposé un contrat qui m’a permis d’arrêter de travailler et de me consacrer entièrement à mes entraînements, à savoir environ 15 heures de vélo par semaine, 2 heures de cross fit, et environ 2 heures de kiné, et de m’occuper de toute la mécanique du vélo que je fais moi-même.
Comment trouvez-vous la motivation ?
Par rapport à l’objectif fixé ! Tous les matins, en partant à l’entraînement, je pense aux Jeux. En vélo, on ne peut pas s’arrêter très longtemps car on perd vite le rythme. Les sorties varient de 40-45 km et jusqu’à 120 km par jour. La motivation est là par rapport aussi à tous les gens qui me soutiennent, mes sponsors, mes clubs (Vélo club roannais et Club Handisport Roannais), ma famille aussi, ma femme et mes deux enfants (de 15 et 10 ans) qui réalisent beaucoup de sacrifices et se privent pour moi.
Quel a été votre sentiment à votre retour de Tokyo ?
Une grande satisfaction d’avoir remporté 3 médailles d’argent. Il y a forcément un peu de regret sur une course où je me fais coiffer sur le poteau par le Néerlandais Mitch Valize. D’autant qu’on me refuse, quelques minutes avant le départ, une roue que j’avais soigneusement préparée pour l’adapter au parcours. Soi-disant elle n’était pas conforme alors qu’elle l’était. J’ai donc dû emprunter une roue d’entraînement d’une collègue, ça m’a rendu la course plus difficile. Malgré cela, ma performance a été énorme et je suis content de ramener cette médaille au vu du scénario. En pensant aux objectifs que je m’étais fixés il y a 5 ans, ces résultats sont bien au-dessus de mes espérances.
Votre objectif, dans trois ans à Paris, sera de ramener au moins une médaille d’or ?
Le premier objectif sera déjà d’y aller. Car la concurrence en France est rude. Cette année, des collègues auraient mérité d’aller à Tokyo et n’ont pas pu. L’idéal donc, c’est d’engranger beaucoup de points dans les épreuves de Coupe du monde qui vont débuter au printemps prochain pour qu’un maximum de gars de l’équipe de France puisse se qualifier. Ensuite, à Paris en 2024, oui, c’est sûr, j’aimerais changer la couleur du métal et transformer tout cet argent en or.
C’est votre rêve ultime ?
Disons que j’irais bien chercher aussi un petit maillot arc-en-ciel de champion du monde. J’ai fini 2 fois vice-champion du monde lors des Mondiaux en juin à Cascais (Portugal), sur le contre-la-montre et la course en ligne. Ces Championnats du monde sont organisés aussi par l’UCI : on a le même maillot que les valides mais nous, on n’a pas de prime du tout !
Décidément, vous avez été abonné à l’argent en 2021…
J’ai fait quelques victoires aussi (rires). J’ai remporté un contre-la-montre d’une épreuve en Belgique, ainsi que le premier Tour des Flandres organisé pour les athlètes handisport. Mais c’est vrai que j’ai gagné cinq médailles d’argent et à quatre reprises, Mitch Valize m’a devancé. Il a 26 ans donc il est plus jeune, il ne m’a pas manqué grand-chose à chaque fois. J’espère prendre ma revanche l’an prochain. »
Propos recueillis par Sylvain Lartaud