Passé à deux doigts de la qualification pour les Jeux olympiques de Tokyo, Mamadassa Sylla (-67kg) ne veut pas rater son rendez-vous avec 2024. En vrai guerrier, le lutteur du 93 est bien déterminé à être de la partie à Paris.
Ce goût amer, il ne veut plus le revivre. En Bulgarie en mai dernier, Mamadassa Sylla arrive en demi-finale du TQO (tournoi de qualification olympique) pour les Jeux de Tokyo. A une victoire d’un ticket pour le Japon, le lutteur français est battu par l’Arménien Karen Aslanyan (1-3). Les Jeux attendront. On parle bien ici d’attente, car si le Francilien a laissé passer cette chance, il compte bien saisir la prochaine. « Sur mon miroir, j’ai des post-it où j’ai écrit «J’irai aux Jeux à Paris», «Je vais me qualifier». Alors tous les matins, je vois ces mots et je suis conditionné pour la journée. Ce n’est pas «j’aimerais» ou «je voudrais», c’est «j’irai», point, clame le lutteur, la voix ferme et le ton déterminé. Je suis comme ça. Quand je veux quelque chose, je me bats jusqu’à ce que j’y arrive. Et je compte bien tout faire pour être à Paris en 2024. »
Une côte cassée et un rendez-vous manqué
Les Jeux olympiques, le rêve de tous les sportifs. Pour Mamadassa Sylla c’est encore plus, un « objectif ultime ». Il faut dire que le lutteur de Bagnolet ne manque pas de sources de motivation supplémentaires. Sa discipline, la lutte gréco-romaine, est un des sports emblématiques de l’olympisme, hérité de la Grèce Antique et repris dans la forme moderne des JO. Pour le lutteur de Bagnolet, en Seine-Saint-Denis, les Jeux de Paris 2024, c’est à la maison : « Quand j’ai appris ça, j’étais fou ! Tous mes proches et ma famille sont à Paris, alors directement je me suis fait des films où je combattais devant eux, soutenu par le public… C’est incroyable ! » Concentré sur son objectif d’arracher la qualification, Mamadassa Sylla est habité par un sentiment de revanche après son rendez-vous manqué. A l’issue d’un beau TQO (-67kg) marqué par cinq victoires consécutives, le lutteur tricolore arrive jusqu’au match décisif diminué par une côte cassée, stigmate de son combat précédent. « Sur le coup, je ne sentais rien avec l’adrénaline. Mais plus l’attente se prolongeait avant mon prochain match, plus je me sentais refroidir et la douleur monter. Pendant le combat, je n’étais pas dedans, j’avais trop mal. J’ai essayé de ne pas le montrer, et d’oublier la douleur. Mais voilà, je suis passé à côté… » Plusieurs mois après, le ressentiment est encore palpable. Pourtant, Mamadassa Sylla ne pense déjà qu’à rebondir et à faire de cette volonté de revanche une force pour la suite.
Une fin d’année 2021 réussie
Rebondir, celui qui est surnommé « Baba » y parvient dès la reprise post-olympique. Sur les derniers mois de 2021, il va chercher plusieurs beaux résultats sur des tournois internationaux, à l’image de sa médaille d’or glanée en Roumanie. Enfin, il arrive à décrocher un titre qui lui a longtemps échappé : celui de champion de France à Schiltigheim fin octobre. En finale, il bat le tenant du titre Stefan Clément (Besançon CPB). « C’est sûr que ce titre m’a fait beaucoup de bien ! Ça faisait longtemps que je tournais autour, avec plusieurs places sur le podium depuis presque dix ans. » Avant ce titre national, Mamadassa Sylla était allé défendre ses chances aux championnats du monde à Oslo (Norvège). Au pays des fjords, le Français décroche une 17e place. Un résultat significatif, puisqu’il y avait exactement 17 lutteurs en lice aux Jeux olympiques de Tokyo. « J’aurais espéré mieux c’est sûr, mais c’est un résultat qui montre que j’ai ma place dans les meilleurs mondiaux de ma catégorie, rappelle le lutteur. En 2024, j’aurai 31 ans, c’est un âge où on est performant dans la lutte. D’autant plus en gréco-romaine, où la victoire se décide à 80% à la stratégie, au mental. Alors l’expérience est une donnée encore plus importante dans le combat. »
« La lutte était un moyen de me dépenser, me canaliser »
Le lutteur de Seine-Saint-Denis s’est toujours servi de ces expériences, échecs comme réussites, pour aller de l’avant. Son meilleur résultat à l’international, une place de 5e aux championnats du monde, reste aujourd’hui un des plus beaux souvenirs de sa carrière. Pourtant, il l’avait vécu sur le moment comme une déception. « Sur le coup, j’étais super déçu de ne pas faire un podium. Mais j’ai mis cet échec dans un coin de ma tête et je suis reparti au combat. » Une combativité et une force de caractère qu’il a depuis ses débuts dans la lutte. C’est dans un centre de loisirs de son quartier, en banlieue parisienne que le jeune Mamadassa a découvert son futur sport. « Un des animateurs nous a emmenés dans le club local, faire quelques corpsà-corps, découvrir les bases. J’ai tout de suite accroché, et je n’arrêtais pas de vouloir y retourner. Alors on m’a dit «si tu es si motivé, tu n’as qu’à venir au club» et c’est ce que j’ai fait. J’étais un gamin plein d’énergie et la lutte était un moyen de me dépenser, de me canaliser. Puis j’ai fait mes premières compétitions, j’ai gagné ma première médaille d’or à 13 ans. Ça m’a mis en confiance et j’ai continué. »
Un lutteur bien entouré
Très vite, ses qualités physiques font de lui un lutteur talentueux. Longiligne, avec de grands bras et une solide endurance, Mamadassa Sylla prend souvent l’avantage sur ses adversaires grâce à sa taille. Autour de lui, le Francilien sait s’entourer : en plus de ses entraîneurs, il compte au quotidien sur un préparateur physique, un coach mental, un nutritionniste et un psy. « Avec mon psy, on parle beaucoup de lutte mais pas seulement. On parle de ma vie, mes objectifs, mon entourage. Ça m’aide beaucoup », précise le champion de France. Au moment de notre interview, Mamadassa Sylla aurait dû être en stage, mais le lutteur se remet du Covid. « Une de mes forces, c’est le cardio, alors j’avais peur de perdre de la caisse à ce niveau-là. Mais j’ai vu les cas d’autres lutteurs qui étaient dans la même situation que moi et qui sont bien revenus. Ça m’a rassuré, et j’espère vite être à 100% ». Et surtout à Paris 2024.