Triple médaillée paralympique, la sprinteuse Mandy François-Élie se prépare activement pour les championnats du monde de para-athlétisme (8-17 juillet). Pour la première fois, elle tentera de décrocher une médaille également au saut en longueur. Sa coach, Sylvie Talmant, l’accompagne dans cet entretien.
Comment vous préparez-vous pour les championnats du monde de para-athlétisme de Paris ?
Mandy François-Élie : Je me prépare pour le 100, 200 m et le saut en longueur. J’ai un stage de prévu.
Sylvie Talmant : Durant cette semaine de stage, la dose d’entraînements va être un peu plus élevée. Cela sera une grosse semaine de préparation avant les championnats du monde. Après, on partira sur un petit cycle de compétition. Le 29 avril à Talence et le 13 mai à Maisons-Alfort. Ce sont des meetings sans enjeux. Derrière, les séances seront plus en qualités et moins en quantités.
Il y a 10 ans, vous étiez sacrée championne du monde à Lyon (sur 100 et 200 m). Cela serait beau de récidiver ces performances, une fois de plus en France, mais cette fois-ci à Paris…
MF-E : Pour moi, cela ne change pas grand-chose (sourire). Mais oui, c’est vrai, cela ne nous rajeunit pas (rire).
ST : Mandy, c’est tellement une compétitrice, qu’elle soit à Paris, à Lyon ou même dans son jardin. Pour elle, dès qu’il y a un stade de compétition, il faut gagner.
Comment percevez-vous votre évolution ?
MF-E : Avant, je piétinais du pied droit (Ndlr : elle est atteinte d’hémiplégie du côté droit). Maintenant, ce n’est plus le cas. Ma technique a évolué.
ST : Elle a pris conscience qu’il y avait des choses à améliorer dans son handicap. À force de travail, d’exercices, elle a bien progressé. Elle travaille comme n’importe quel sportif.
Depuis 10 ans, vous êtes toujours médaillée et performante sur les grands événements. Comment parvenez-vous à garder un tel niveau face à la concurrence ?
MF-E : C’est dans la tête.
ST : Mandy a une force de caractère qui la fait se transcender sur des compétitions. La concurrence a tellement évolué. Il y a 10 ans, Mandy survolait l’épreuve tandis que maintenant, c’est moins le cas. Elle a une capacité à encaisser, mais elle a le défaut de son handicap qui fait qu’elle est très vite fatigable. On arrive à doser la quantité et la qualité qu’il faut pour qu’elle puisse encore performer.
Dans ces championnats du monde, vous visez quel métal Mandy ?
MF-E : L’or bien sûr !
ST : On ne va pas y aller pour faire du tricot ou planter des choux (rire). On vise forcément la plus haute marche même si la concurrence va être difficile.
Sur quelle distance (100 ou 200m) vous vous sentez la plus à l’aise ?
MF-E : Le 200 m.
ST : Sur cette distance, les athlètes partent en décaler. Elle n’a pas ses adversaires à côté d’elle. Sur le 100 m, il faut encore s’adapter là-dessus, le fait de partir sur la même ligne. Mandy a un départ explosif, elle part bien devant. Mais après ses concurrentes reviennent forcément sur elle, et dans ce cas-là, elle a tendance à se désunir. C’est encore un peu compliqué.
Qu’espérez-vous sur le saut en longueur Mandy ?
MF-E : Je viens de commencer cette épreuve. J’avais envie de me dépasser. C’est un challenge.
ST : Elle n’a pas encore réalisé de grands championnats dans cette discipline. Elle voit que cela marche et qu’elle peut aller chercher une médaille. Cela permet aussi, à l’entraînement, de travailler autre chose et de renforcer ses qualités en course. Mandy “s’amuse” sur le saut en longueur, car c’est nouveau pour elle. Cela lui permet de faire d’autres exercices. L’an passé, lors des championnats de France, avec la performance qu’elle a réalisée, elle était numéro 2 mondial. C’est aussi pour cela qu’on insiste un peu. On va tout faire pour que cela soit un super challenge.
Les Jeux paralympiques de Paris avancent à grands pas…
ST : C’est l’apothéose de sa carrière. Elle dit qu’elle aimerait arrêter ensuite, mais on verra ce que cela donne. L’objectif est avant tout de finir une boucle devant son public.
Ces Jeux seront donc les derniers de votre carrière ?
MF-E : Peut-être, peut-être pas.
ST : Elle avait déjà qu’elle arrêterait après les Jeux paralympiques de Tokyo (rire). C’est bien qu’elle parte faire ces Jeux avec cet état d’esprit. Mandy a 33 ans. C’est jeune et en même temps, on sait que la fin de carrière est bientôt là. Elle a aussi une vie professionnelle, une vie de femme à construire. Il faut aussi voir la vie autrement qu’avec uniquement le sport. La question se posera après la fin des Jeux.
En parallèle de votre carrière, qu’est-ce-que vous faites comme métier ?
MF-E : Je ne fais rien. Le sport, c’est ma vie. Après, il y a l’armée des champions…
ST : L’armée des champions va l’accompagner en la formant et en l’accompagnant pour qu’elle puisse y rester après sa fin de carrière. On est en train de voir ensemble ce qu’elle pourrait faire avec elle.
Quelle relation entraîneure-athlète entretenez-vous ?
MF-E : Des fois cela se passe bien, des fois pas (rire).
ST : On a une relation très fusionnelle (sourire). Mandy je l’accompagne au quotidien, aussi bien à l’entraînement que dans sa vie tout court. Parfois quand on doit mettre des choses au point, cela la dérange, elle a du mal à exprimer ce qu’elle ressent. Dans ces cas-là, elle se renferme. On parle de tout ensemble, on ne se cache rien donc on met rapidement les choses à plat. On sera toujours proche l’une de l’autre, même après la fin de sa carrière.
Propos recueillis par Séverine Bouquet