Marc Sanchez est le président de l’Association Nationale des Élus en charge du Sport (ANDES). En septembre dernier, il a remis à la ministre des Sports une motion en faveur de la mobilisation pour le sport français. Avec un objectif en tête : faire entendre la voix des collectivités.
Dans le contexte actuel, quel est le rôle de l’ANDES ?
Notre association permet d’exprimer les fortes inquiétudes émanant des élus en charge des sports. De nombreuses annonces ont été faites ces derniers temps, dont plusieurs sont brutales et très fortes. Je pense notamment aux 1 600 postes supprimés au Ministère des Sports et à un budget annoncé à la baisse. L’annonce de la suppression des contrats aidés avait déjà été un coup dur important. Dans un contexte où nous devrions être en pleine accélération avec la perspective des Jeux olympiques 2024, le sport français est en train de faire marche arrière. Une refonte du système de fonctionnement du sport en France est nécessaire, tout le monde en est convaincu. Mais les collectivités ne doivent pas supporter seules tout le poids du sport. C’est aujourd’hui le rôle principal de l’ANDES : permettre au sport d’avancer, tout en préservant les intérêts des collectivités.
« Nous ne restons pas les bras croisés »
Pour cela, quels sont les moyens d’action de l’ANDES ?
Il est certain que, face à cette situation, nous ne restons pas les bras croisés. Durant le mois d’octobre, nous avons rencontré le chef de cabinet du Premier ministre afin de faire part de nos inquiétudes. Ce dernier nous a confié que nous devrions sans doute être moins inquiets, puisque l’État pourrait faire plusieurs annonces prochainement. Des réunions sont également prévues en ce mois de novembre avec Roxana Maracineanu, ministre des Sports. Des discussions devaient avoir lieu avec Laura Flessel mais, suite à sa démission, beaucoup de retard a été pris, ce que je déplore. Le 20 septembre dernier, j’ai d’ailleurs remis en mains propres à Madame Maracineanu notre motion en faveur de la mobilisation pour le sport français. C’est un document sur lequel nous avons travaillé lors de notre Comité directeur qui était organisé à Lyon et qui fait état de nos inquiétudes et de nos propositions. La parole des élus locaux en charge des sports doit être écoutée, car ce sont eux qui sont au contact du terrain.
L’État est-il en train d’abandonner le sport et les collectivités ?
C’est en tout cas le sentiment qu’ont eu de nombreux acteurs du sport, le sentiment que l’État nous abandonne. Le mouvement sportif et les collectivités ont réagi, car nous ne pouvons pas laisser faire tout cela sans nous battre. Ce sentiment d’abandon n’est pas venu de nulle part, des déclarations ont été faites et ont entraîné ce climat de suspicion vis-à-vis des intentions de l’État concernant le sport. Des choses ont été annoncées sans que l’on sache quelle est la stratégie exacte qui va suivre. Nous sommes dans l’expectative. Ce qui est certain, c’est que le sport ne doit pas être une variable d’ajustement. Aujourd’hui, le sport représente 0,13 % du budget de l’État, soit 450 millions d’euros. Ce n’est donc pas en faisant des coupes dans ce budget que l’on va rétablir les finances de la France. Aujourd’hui, il est important de maintenir ce qui existe, notamment au travers du CNDS (Centre national pour le développement du sport). Concernant les propositions, nous sommes d’ailleurs sur la même position que le mouvement sportif qui préconise le déplafonnement des taxes affectées au sport. Je pense que les parlementaires doivent sérieusement se pencher sur ce sujet.
« Le modèle actuel doit évoluer »
Quel modèle les collectivités doivent-elles adopter ?
Ce qui est sûr, c’est que le modèle actuel doit évoluer. Nous ne pouvons pas continuer de la sorte. Les collectivités ne pourront pas se substituer au désengagement de l’État, puisqu’elles assument déjà plus de 80 % du financement du sport. Mais, concernant le nouveau modèle à adopter, c’est quelque chose sur lequel nous devons travailler tous ensemble. On parle notamment d’une nouvelle agence de financement du sport qui serait à 30 % pour l’État, 30 % pour les collectivités, 30 % pour le mouvement sportif et 10 % pour le secteur privé, et serait une bonne répartition. Cela permettrait d’amener de la nouveauté et d’impliquer un peu plus le secteur privé dans le financement des équipements sportifs notamment. On espère que cette solution, si elle est adoptée, permettra de faire évoluer le modèle de façon positive. On est tous d’accord pour faire quelque chose, mais il ne faut pas faire n’importe quoi.
Justement, le financement du sport par le secteur privé devient-il vital ?
Il est certain que cela le devient dans certains domaines, je pense notamment au financement du sport professionnel. Aujourd’hui, les collectivités n’ont peut-être plus forcément vocation à prendre complètement en charge le soutien accordé au sport professionnel. Dans certaines disciplines, le secteur privé peut prendre le relais, d’autant que le sport est un facteur économique très important. Les entreprises peuvent donc y trouver leur intérêt. C’est en tout cas quelque chose qu’il faut encourager dans certains domaines.
« Rénover les équipements est essentiel »
Aujourd’hui, à quoi doivent servir les subventions dans le sport ?
Les collectivités territoriales sont des actrices essentielles du développement du sport. S’il n’y a pas d’équipements, il n’y a pas de sport et donc pas de sportifs. Au moment de l’attribution des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, l’État a affiché son ambition d’obtenir trois millions de pratiquants supplémentaires d’ici là. Mais soutenir les collectivités et rénover les équipements est essentiel pour arriver à cela. Il n’y a qu’à regarder l’état vieillissant de nos piscines. Ce n’est que par le développement du sport pour tous que nous aurons de grands champions dans le futur. Pour répondre à la question, je dirais que la grande priorité des collectivités doit être la maintenance des équipements sportifs. C’est grâce à cela que le sport peut attirer de nouveaux pratiquants, c’est avec des équipements de qualité. Mais, aujourd’hui, l’État doit aussi nous aider à assumer cela. Avant, le CNDS mettait 75 millions d’euros là-dessus, c’est descendu à 25 millions d’euros. Un chiffre dérisoire quand on connaît l’importance du chantier des équipements sportifs en France.
Vous parliez de l’échéance de 2024. Le sport français sera-t-il prêt à cette date ?
Si l’État veut vraiment obtenir trois millions de pratiquants sportifs en plus, cela se fera grâce aux collectivités. Ce ne sont pas les JO qui vont permettre de mobiliser une telle pratique de masse, ce sont bien les collectivités, par la maintenance des équipements sportifs et la mise en place d’une politique sportive de qualité. J’ai peur que, pour l’État, les Jeux olympiques et paralympiques ne soient une finalité. Or, pour nous, ces JO sont simplement un moyen de changer les choses et de mettre en place une politique sportive ambitieuse. Ce n’est que de cette manière que nous pourrons développer le sport pour tous, attirer de nouveaux pratiquants et ainsi laisser un héritage.
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ANDES : Un réseau de 5 000 villes
Présidée par Marc Sanchez, l’Association Nationale des Élus en charge du Sport prend de l’ampleur, année après année. Elle regroupe les élus en charge des sports de l’hexagone et d’outre-mer. Aujourd’hui, ce réseau ne rassemble pas moins de 5 000 villes. L’ANDES permet notamment d’échanger sur les politiques sportives des villes et de représenter les intérêts des collectivités locales auprès de l’État et du mouvement sportif. Depuis le mois d’octobre, dans sa volonté de se rapprocher toujours plus des acteurs de terrain, l’ANDES a lancé sa première tournée des régions.