Depuis 30 ans, la pratique de la marche nordique enregistre une croissance exponentielle dans le monde. En France, elle repose majoritairement sur l’activité de loisir et le sport-santé, mais l’émergence de la compétition peut ouvrir de nouveaux horizons…
La « marche bâtons » est née en 1988 à Helsinki en Finlande, lors d’un événement de ski… en l’absence de neige. Elle a séduit le public et poussé la Fédération finnoise de ski loisir et randonnée à exploiter ce filon dans le domaine du sport-santé. C’est Arja Jalkanen-Meyer, éducatrice sportive en fitness, qui l’a fait connaître en France en 1997.
Des bienfaits multiples
La marche nordique, qui s’inspire de la technique d’entraînement du ski de fond en période estivale, suit une gestuelle bénéfique pour le corps. Conviviale et facile au premier abord, elle nécessite néanmoins de maîtriser la poussée des bâtons. Si la pratique active le cœur de façon modérée, elle optimise la circulation sanguine, car 90% des muscles sont sollicités. L’endurance sans contraintes articulaires fortifie les os. Travaillant en alternance, bras et jambes mettent à l’épreuve l’équilibre et la coordination du cerveau. « Les bâtons soulagent les articulations, le dos et les épaules. Ils font travailler les triceps et les trapèzes », indique Francis Bonte, accompagnateur. Une séance de 2 h comprend un échauffement, du renforcement musculaire, du cardio et des étirements. La pratique fractionnée, en montée, est plus intense. Sur le bitume, des rondelles en caoutchouc au bout des bâtons évitent les chocs au sol, mais la marche nordique est idéale dans des chemins larges et meubles, sans cailloux.
Intégration dans le giron de l’athlétisme
Une dizaine de fédérations proposent l’activité : Sport en entreprise, Retraite sportive, Cardiologie, Gymnastique volontaire… mais c’est la Fédération française d’athlétisme (FFA) qui a reçu la délégation en 2009, faisant ainsi sortir la marche nordique de la confidentialité. La Fédération, qui compte désormais 30 000 licenciés en marche nordique, a codifié la discipline et les postures autorisées. Loisir/santé et compétition se côtoient. Ce rattachement l’a fait connaître auprès des médecins, qui pratiquent encore peu la prescription de sport sur ordonnance. Le volet sport-santé s’adapte aux personnes de plus de 80 ans et à celles souffrant d’arthrose, d’un cancer, en rééducation… Laurent Manevaux, entraîneur au club de Sainte-Marguerite à Marseille (Bouches-du-Rhône), estime que cette optique permet à la FFA d’étendre son champ d’activité : « C’est la preuve qu’en club, on ne fait pas que du sprint ». Le championnat de France, créé en 2015, et dont l’édition 2017 a rassemblé plus de 400 participants, est l’aboutissement du « Marche Nordique Tour » qui compte 15 épreuves aujourd’hui.
Un large public
Si la marche nordique s’adresse à des sportifs qui ne peuvent plus courir, elle convient aussi à des gens n’ayant jamais pratiqué d’activité physique, et lutte ainsi contre la sédentarité et l’ostéoporose. L’immense majorité des pratiquants sont des femmes entre 50 et 70 ans mais, selon les observateurs, un rajeunissement s’amorce. Le club de Sainte-Marguerite (220 adhérents encadrés par 4 coachs) a aménagé de nouveaux créneaux pour les actifs. Certains clubs de rugby remplacent la course par de la marche nordique, dans une optique cardio. Les patients souffrant de la maladie d’Alzheimer peuvent améliorer leur condition, car pratiquer la marche nordique entraîne la collaboration des deux hémisphères cérébraux. Certains EPHAD (Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) organisent des séances. Le tourisme est un secteur où la pratique de loisir s’épanouit. Francis Bonte organise des séjours clés en main, dans la baie de Somme, au Pays basque ou en Corse : « Actifs ou retraités, les participants viennent souvent pour la destination et découvrent à cette occasion la marche nordique ». Il propose 80 dates par an à des particuliers ou comités d’entreprise, depuis son site internet (www.nordicwalking-altitude.com).
Les compétitions montent en puissance
Différentes manières de pratiquer se développent, offrant des perspectives variées, par exemple vers le handisport. La FFA travaille sur le Nordic Fit, qui combine marche nordique et ateliers (squats, pectoraux…) autour d’un stade. Le club Nordic Fit de Montargis (Loiret) a un projet d’atelier maman-bébé pour les jeunes mères qui veulent reprendre une activité physique. L’emploi de bâtons lestés peut s’intégrer dans des cours de fitness en pleine nature. Par ailleurs, Décathlon, avec sa marque de bâtons, vise un public jeune à travers des collaborations avec des clubs. À côté de la pratique libre qui permet de sortir de son canapé, les compétitions, moteur de nombreux pratiquants, montent en puissance, se mélangeant parfois avec le trail sur de très longues distances (jusqu’à 50 km). Les meilleurs atteignent une moyenne de 9,5 km/h, l’équivalent de 18 km/h en course à pied. « Comme des anciens de la course et du trail rejoignent la marche nordique, le public ne peut que se développer », estime Annabel Lascar, organisatrice de l’Euro Nordic Walk Vercors. Champion de France par équipe en 2016 avec son club de Fontainebleau (Seine-et-Marne), Gilles Pinsard court 8 à 10 épreuves fédérales par an. Il retrouve les mêmes qualités physiques qu’en course à pied, d’où il est issu. Trois à quatre fois par semaine, il alterne les longues séances, de 12 à 16 km, et les fractionnés à allure spécifique. « L’effort est similaire, les blessures aussi, dues aux excès et au manque de récupération et d’étirements », observe-t-il. Selon Francis Bonte, la marche nordique entre dans les mœurs et ne suscite plus la même surprise (« des bâtons sans neige ! »), mais certains peuvent se décourager devant son image sportive. Un côté que Gilles Pinsard apprécie : « La marche nordique sera de plus en plus vue comme un sport à part entière, pas seulement une pratique de loisir ou de sport-santé ».
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Les chiffres-clés de la marche nordique :
– 15 millions de pratiquants dans le monde
– 4 millions de pratiquants en Allemagne
– 1 million de pratiquants en Finlande pour 5 millions d’habitants (uniquement sport-santé)
– 1 million de pratiquants en France (étude Décathlon), pour 60 millions d’habitants
– 30 000 licenciés à la FFA
– 200 coachs athlé-santé à la FFA