2022, une année exceptionnelle pour Margot Chevrier. Championne de France en salle, puis en extérieur, la perchiste de la Team SPORTMAG a explosé son record, désormais hissé à 4,70 m. Assez haut pour faire son entrée sur la scène internationale, avec une place en finale à la fois aux Mondiaux et aux Championnats européens. Lancée vers Paris 2024, la Niçoise de 22 ans poursuit son ascension vers les sommets, en parallèle de ses études de médecine.
Alors que la saison est enfin terminée pour vous, qu’est-ce que vous retenez de cette année 2022 ?
C’était une saison de folie ! Elle était si longue, il s’est passé tellement de choses. Depuis que j’ai passé 4,65 m aux championnats de France à Miramas, avec la médaille d’or au bout, tout est allé très vite ! A Belgrade, pour les Mondiaux en salle, c’était ma première expérience internationale chez les seniors. L’enjeu, le public, l’ambiance avec l’équipe de France, tout cela ne m’a laissé qu’une seule envie : retourner sur un grand championnat ! Aux championnats du monde d’Eugene [Etats-Unis], comme aux Europe à Munich [Allemagne], je ne suis pas pleinement satisfaite de moi. La fin de saison était vraiment compliquée. J’étais cramée, je n’avais plus de jus. Dans les grands moments comme dans les plus difficiles, cette année était vraiment formatrice.
Au fil de la saison et de nos entretiens sur SPORTMAG, on a eu la sensation que vous vous sentiez vraiment à votre place au plus haut niveau international…
Passer les minimas des Mondiaux m’a fait beaucoup de bien. A Belgrade, j’avais été appelée avec une dérogation. Cette fois, à Eugene, j’avais arraché mon ticket moi-même, et je méritais pleinement d’être là. Concourir avec des adversaires qui multiplient les grands résultats, mais aussi les voir au quotidien et se rendre compte que ce sont des personnes comme moi, avec des galères et des émotions, ça donne beaucoup de confiance. Avant la finale des championnats du monde, je fais un échauffement de dingue, avec des sauts à 4,70 m et même 4,80 m, de quoi commencer à jouer une médaille. Mais en finale, je suis gênée par mes blessures aux pieds, mes straps se desserrent. Sur le coup, j’étais très déçue. Avec le recul, je me dis que je n’y peux rien, et que j’aurai d’autres occasions.
« A l’entraînement ou à l’hôpital, on cherche des solutions en permanence »
Après cette belle année, les choses ont-elles changé autour de vous ? En termes de sollicitations médiatiques, de partenaires…
Carrément ! Maintenant, je passe systématiquement en zone mixte, en conférence de presse, je suis plus souvent au téléphone avec les médias, plus de sponsors s’intéressent à moi… Tout ça alors qu’il y a trois ans, je ne rentrais pas en finale des championnats de France ! C’est quelque chose de nouveau à gérer, pour ne pas trop être débordée, mais tout en donnant des nouvelles et en communiquant sur notre actualité. Finalement, en plus de ce qu’on peut faire sur la piste, c’est aussi ce qui nous apporte de la visibilité et des sponsors. Plus on cherche des partenaires, plus on en trouve, plus on est sollicité un peu partout, etc. Mine de rien, ça prend du temps, et il faut réussir à s’organiser. Avec un double projet, ce n’est pas non plus évident.
Justement, vous êtes toujours en études de médecine, en cinquième année. L’athlétisme est-il désormais la priorité ?
Maintenant, oui, c’est clair. Au début de ma 4e année, j’étais encore sur du 50/50. Et surtout, je n’avais pas tant besoin de choisir, j’arrivais à gérer les deux. Désormais, avec toutes les compétitions, les déplacements, je me suis rendu compte que c’était nécessaire. Déjà pour les périodes de cours, mais aussi pour les semaines de stage à l’hôpital. J’avais déjà des aménagements, mais j’en aurai un peu plus à partir de cette année. Du côté de l’université, ils sont vraiment compréhensifs. C’est important pour planifier mes entraînements, mais aussi pour mes compétitions qui sont de plus en plus souvent à l’autre bout du monde.
Et ça ne vous est jamais venu à l’esprit d’arrêter ou mettre en pause ces études ?
Pour moi, pour mon équilibre et mon projet de vie, ces études sont super importantes. Je retrouve beaucoup de points communs entre le sport et la médecine. A l’entraînement, en compétition ou à l’hôpital, on cherche des solutions en permanence, souvent dans l’urgence. Et il n’y a pas de réponse magique, on se bat pour se débrouiller du mieux possible. D’autant qu’à la perche, il y a énormément de paramètres à prendre en compte, entre l’élan, l’impulsion, la souplesse de la perche… Forcément, avec l’ampleur qu’a pris l’athlétisme pour moi, je me pose des questions sur mon avenir. Mais je pense qu’il y aura quand même une période de ma vie où je serai médecin, histoire de me dire que je n’ai pas fait tout ça pour rien !
« Il y a quelques années, on me disait que je sautais mal, et que jamais je n’irais loin »
Vous qui êtes pleinement de cette « génération 2024 » (voir encadré), quelles attentes avez-vous autour de ces prochains Jeux à domicile ?
J’y pense tous les jours. A chaque séance qui se passe bien, je me dis que je progresse, que c’est un pas de plus vers les Jeux. Et inversement, quand c’est plus difficile, ça me pousse à me motiver et à me botter les fesses pour donner plus. Et même quand je ne pense pas à Paris 2024, il y a toujours quelqu’un pour m’y faire penser. Parfois, je trouve ça dingue de me dire que c’est mon objectif premier. Il y a encore quelques mois, quelques années, je me battais sur les concours départementaux. Les grands meetings auxquels je participe au cours de l’année étaient un Graal pour moi, désormais c’est bien plus courant.
Dans votre biographie Instagram, il y a cette petite icône de jeune plante qui pousse… Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
De palier en palier, je découvre sans cesse de nouvelles choses et je définis de nouveaux objectifs. Les progrès que je fais me font découvrir d’autres lacunes que je dois travailler pour aller plus haut… J’ai l’impression que chaque saison, je passe un cap qui me pousse à remettre toute ma vie en question ! Tout va si vite qu’avec mon coach, on est toujours en train de courir. Il y a parfois des éléments de base que je n’ai pas acquis à 100%. Il y a quelques années, on me disait beaucoup que je sautais mal, que jamais je n’irai loin. Et quand j’ai eu ce déclic technique, tout s’est accéléré. Je me vois aller encore plus haut, m’améliorer techniquement, être toujours plus juste. Un jour, peut-être, je remplacerai cette petite branche par un arbre…