Députée de Seine-Saint-Denis et ancienne ministre des Sports, Marie-George Buffet est très inquiète pour le monde du sport à l’occasion de cette rentrée. Selon elle, l’État est aux abonnés absents sur la question sportive.
L’impact du Covid-19 sur le monde du sport a-t-il été dramatique selon vous ?
Tout à fait. Je pense avant tout au sport amateur. Les différentes initiatives leur permettant d’assurer un minimum de trésorerie ont été annulées. Il y a désormais beaucoup de craintes sur l’encadrement bénévole et concernant la volonté des familles de réinscrire leurs enfants dans les clubs à l’occasion de cette rentrée. Aujourd’hui, je suis très préoccupée concernant l’avenir du sport amateur. Je le suis également à propos du sport professionnel, qui a vu son modèle sportif et financier, basé sur les droits de retransmissions, bousculé. Le mouvement sportif, dans sa globalité, vit une situation qui demande que l’État s’en mêle.
Justement, l’État a-t-il pris les bonnes décisions depuis plusieurs mois concernant la gestion de cette crise ?
Je n’ai rien à dire sur le fait que l’État ait décidé de l’arrêt des grandes compétitions sportives qui drainent un nombre important de spectateurs. C’était une décision juste par rapport à la santé de nos compatriotes. En revanche, au moment où le sport a besoin d’une intervention forte de la part de l’État, il n’existe aucun réel plan de relance pour la pratique sportive et l’aide aux clubs amateurs. Beaucoup d’argent a été injecté dans la culture et dans d’autres domaines, mais le ministère des Sports est l’unique ministère qui ne s’est pas vu attribuer un plan de relance. Le plan de secours mis en place par l’Agence nationale du sport est de la redistribution, mais il n’y a pas eu de moyens supplémentaires mis à disposition des clubs. Le sport est donc l’oublié de cette période de crise.
« Nous avons un ministère qui n’a plus de politique propre »
En l’absence de plan de relance, quelles seront les conséquences pour les clubs à l’occasion de cette rentrée ?
Je suis très inquiète, car je pense que les municipalités ne pourront désormais pas aider plus les clubs qu’elles ne le font déjà. Elles vont devoir lutter face à un taux de chômage et une pauvreté aggravés. Si l’État ne joue pas son rôle, de nombreux clubs seront amenés à mettre la clé sous la porte. Or aider le sport est essentiel, c’est un acteur majeur de développement et d’épanouissement de notre jeunesse.
« Nous n’avons pas été en mesure d’obtenir un centime de plus pour le sport »
Désormais, le ministère des Sports est placé sous l’égide du ministère de l’Éducation. Est-ce un signal d’alerte pour le sport ?
Je pense que c’est un pas en arrière pour le sport. Cette mise sous tutelle est justifiée par la mise en place d’un grand plan éducatif. Mais qui s’occupe aujourd’hui du sport professionnel ? Qui va gérer la régulation du financement du sport ? On nous dit désormais que le haut niveau et le sport amateur sont gérés par l’Agence nationale du sport. Le ministère des Sports est donc réduit à l’animation des 2S2C durant le temps périscolaire. Nous avons donc un ministère qui n’a plus de politique propre, qui ne sera plus capable de prendre des décisions fortes et de mettre en place une politique à long terme. Je crains qu’à plus ou moins long terme, le sport professionnel se dise que le moment est venu de créer des ligues privées.
Avec un ministère des Sports affaibli, est-ce justement à vous, députés, de défendre les intérêts du sport à l’heure actuelle ?
Le problème est que nous, députés, avons été contournés. C’est le cas pour cette nouvelle orientation du ministère des Sports, mais aussi lorsque l’Agence nationale du sport fût créée. J’ai même appris la création de l’ANS lors d’une conférence de presse du CNOSF. Nous avons été obligés de voter un budget pour cette agence alors qu’elle n’était même pas encore créée. Aucun débat parlementaire n’a eu lieu sur la politique qu’allait mener l’ANS et sur son rôle véritable autour du sport. Même chose pour le ministère des Sports, nous avons appris sa mise sous tutelle lors de l’annonce du gouvernement Castex. Nous avons été mis devant le fait accompli. Avec des collègues d’autres groupes parlementaires, nous avons essayé de déposer des amendements visant à déplafonner les taxes sur les paris sportifs, les jeux en ligne et les droits télévisés afin que l’ANS bénéficie de plus de moyens pour une meilleure redistribution. Mais à chaque fois, le refus a été catégorique de la part du gouvernement et de la majorité. Face à cela, nous n’avons donc pas été en mesure d’obtenir un centime de plus pour le sport. De mon côté, je travaille autour d’une résolution visant à reconnaître le sport comme un droit essentiel. Je vais me battre, avec d’autres députés, pour la faire inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Cela va ensuite nous permettre de faire passer une série de diligences sur des questions essentielles concernant le monde du sport. Nous allons continuer à nous battre.