Marion Salmon-Thomas, 29 ans, athlète de haut niveau en escalade sur glace, réinvente les règles du sport.
En équipe de France depuis 2017, elle révolutionne l’idée qu’on se fait d’une athlète, puisqu’elle est à mi-temps sportive de haut niveau et à mi-temps ingénieure chez Danone dans l’équipe performance et développement durable. “Je me sens utile grâce à mon travail et ça me rend meilleure dans mon sport. Je pense que j’ai besoin de cet équilibre pour être performante et épanouie”. Et en plus de cela Marion sera bientôt maman. Un bel exemple pour toutes les athlètes qui souhaite allier sport de haut niveau et vie familiale. Lumière sur son histoire et son parcours inspirant.
Une nouvelle discipline qui arrive à point nommé
Grenobloise d’adoption et fière de l’être, Marion commence l’escalade à l’âge de 8 ans à Lyon, alors qu’elle grandit dans une famille qui pratique la voile. Elle, est plus intéressée par grimper sur les mâts plutôt que de naviguer, et se retrouve donc inscrite au club d’escalade. Ce sport la passionne tout de suite, elle y entraine d’ailleurs toute sa famille, qui se met également à grimper. Adorant les trois disciplines, Marion a pratiqué le combiné, soit bloc, difficulté et vitesse, le tout en compétition. Mais alors qu’elle entame ses études supérieures, Marion découvre l’escalade sur glace se fait par le biais de ces amis, déjà en équipe de France. Une découverte qui arrive au bon moment puisque Marion avait envie de nouveauté dans sa pratique sportive, d’une nouvelle gestuelle, et d’être en extérieur. Elle met ainsi tout en œuvre pour évoluer dans cette nouvelle discipline – “l’escalade mais version hiver” – puisqu’elle change d’école de Lyon à Grenoble pour se rapprocher des athlètes et structures. Après exploré la danse, le ski, le piano et les sports de montagne, Marion s’en tient à sa passion première : la verticalité … mais sur la glace !
La version hiver de l’escalade !
L’escalade sur glace est la discipline sœur de l’escalade. Elle consiste à gravir des structures glacées à l’aide de piolets et de crampons. En plus de la force et technique requises, il faut savoir gérer les conditions hivernales parfois extrêmes. Le circuit international d’escalade sur glace se crée dans les années 1990. Il existe deux disciplines : la vitesse et la difficulté. Les athlètes français en escalade sur glace se sont au fil des années spécialisés en difficulté car les structures de vitesse sont peu nombreuses dans le pays, même si le combiné des deux est intéressant et enrichissant. Mais surtout, l’escalade sur glace pourrait devenir olympique. Elle a effectivement postulé pour les Jeux 2030 dans les Alpes françaises. Ce serait tout-à-fait naturel de voir ce sport émerger aux JO 2030 puisque c’est la discipline qui se rapproche le plus de l’alpinisme, elle-même au cœur des Alpes depuis des années. D’autant plus que la structure de cascade de glace est déjà totalement prête, viable et efficace, économiquement comme écologiquement.
La coupe du monde d’escalade sur glace à La Plagne fin janvier a permis d’investir dans des modifications pour la mettre au goût du jour. Cette cascade est homologuée pour les compétitions internationales, et c’est d’ailleurs la seule en France. Située à Champagny-en-Vanoise (Savoie), cette structure artificielle mêlant bois et glace se forme de manière naturelle, puisque c’est l’endroit le plus froid de la région. La glace provient de l’eau de la rivière, située à 10 mètres. L’eau de la rivière est captée en amont et gèle une fois les robinets ouverts en haut de la tour de glace. La glace étant 100% naturelle – aucun additif n’y est ajouté – elle repart directement dans la rivière quand elle fond, ce qui a permis de créer un circuit ouvert.
Un sport reconnu haut niveau par l’Etat français
Il y a un an et demi, l’escalade sur glace obtient le statut de sport de haut niveau, marquant le début d’un nouveau tournant pour la discipline. Ce statut donne aux sportifs accès aux aides de l’Etat, faisant ainsi une grande différence dans l’entraînement et la vie d’un athlète. En équipe de France d’escalade sur glace, ils sont deux à travailler à côté de leur sport. C’est possible grâce à des conventions d’insertion professionnelle, qui, par le biais de l’entreprise et de l’Agence Nationale du Sport, permettent aux athlètes d’être compensés d’une partie du mi-temps, et d’être affilié à leur fédération pendant périodes de compétitions. Bien que les compétitions d’escalade sur glace apparaissent dans les années 90, la professionnalisation du sport elle, est encore toute récente.
Une seconde grande avancée dans le sport est notable : depuis le décret du 16 octobre 2024, en cas de grossesse d’une athlète, l’Etat maintient le statut de sportive de haut niveau un an de plus. Les aides financières sont donc maintenues, malgré l’arrêt des compétitions suscité par la maternité. Un énorme soulagement pour Marion, qui voit sa chance de revenir sur le circuit mondial beaucoup plus certaine. Sans ce maintien de statut, le double projet maternité-sport ne pourrait quasiment pas fonctionner.
Être athlète et enceinte c’est possible
Depuis le début de sa grossesse, Marion est accompagnée par de nouvelles personnes pour continuer sa pratique sportive, et développe un nouvel état d’esprit. Et pour aider les autres athlètes à vivre cette aventure en cours de carrière, elle partage avec nous ce qui a changé.
Après avoir terminé 3e mondiale sur la saison 2024, Marion a mis du temps pour s’autoriser à penser que maternité et sport était faisable. Il y existe encore peu de contenus sur la possibilité d’un tel projet et les athlètes ne connaissent pas les dispositifs qui peuvent être mis en place. Depuis qu’elle est enceinte, Marion est accompagnée par un nouveau staff :
- Une préparatrice physique pour adapter toutes les séances, isoler les muscles, et travailler ce qui est d’habitude délaissé.
- Deux kinésithérapeutes pour l’accompagner sur le côté médical de la grossesse : gérer les abdominaux, le périnée et la posture. Elle s’est mise également au yoga, et continue pour le moment une bonne partie de ses pratiques sportives. ”Mes règles d’or sont des entrainements moins intenses, moins longs, mais plus fréquents”. Elle sort aussi de cette optique de performance pour se fier uniquement à ses sensations : “Je n’ai plus cette approche de haut niveau où on peut tirer sur la corde”.
Incroyable mais vrai !
Juste avant d’arrêter les compétitions, Marion a été sacrée championne de France … tout en étant enceinte de quatre mois ! Deux semaines plus tard, elle réitère l’expérience podium avec une troisième place en coupe d’Europe : “C’était génial. Avant de quitter le circuit international, c’était une belle manière de dire au revoir pour la saison et à l’année prochaine”. De belles réussites, mais survenues sans objectif de résultat, puisqu’elle grimpait avec un autre état d’esprit : se donner des objectifs de moyens, et non de résultats. Autrement dit, elle visait certaines manières de grimper et d’appréhender les prises. Une nouvelle approche qui lui a donné des ailes, alors qu’elle ne s’attendait pas à être championne de France.
L’auto entreprenariat : outil indispensable pour les athlètes de haut niveau dans les sports de niche
Ingénieure, athlète et future maman ne sont pas les seules casquettes de Marion, puisqu’elle est aussi conférencière. Marion donne des conférences auprès d’entreprises via l’agence Maggy qui a pour but d’aider les athlètes à financer leurs saisons, des athlètes dans des sports de niche. L’objectif est de leur partager des compétences en planification, préparation mentale, prises d’initiative et gestion d’énergie. Aujourd’hui, ces athlètes ont besoin d’être polyvalent, presque auto entrepreneur, pour pouvoir avoir un maximum de chances de réussir dans leur sport. Un rôle qui plait beaucoup à Marion car il lui permet de sortir de son intimité d’athlète et de l’étendre aux autres sportifs et sportives de haut niveau.
Marion s’épanouit durant cette période particulière de sa vie. Elle prend plaisir à faire du sport d’une autre façon et à s’impliquer dans de nouvelles activités sportives. Elle s’est par exemple investie dans l’organisation de la coupe du monde en France, et a commenté le live : “S’investir aussi de l’autre côté était une super expérience ! On prend conscience de tout ce qui est mis en place dans l’ombre pour nous permettre de vivre des émotions aussi intenses, c’est important pour moi de donner à mon sport en apportant ce regard d’athlète ! Je vis vraiment une très belle aventure (les 3 premiers mois nauséeux passés), même si j’ai hâte de revenir grimper à haut niveau. Un merci particulier à mes partenaires qui continuent de me faire confiance”.