Martha Fawaz : « Du harcèlement scolaire aux tatamis »

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Plutôt grande, un joli sourire, et les yeux pétillants. Martha Fawaz est une jeune judokate talentueuse. A bientôt 22 ans, elle évolue au sein du PSG Judo. Elle est à l’Insep et combat dans la catégorie des moins de 57 kilos. Sa passion pour le judo est née d’une situation difficile : victime de harcèlement scolaire durant son enfance, c’est grâce à ce sport qu’elle a retrouvé confiance en elle et a pu se défendre.

Le harcèlement

Durant la maternelle, Martha est harcelée par un petit garçon plus âgé. Ce dernier la frappe régulièrement, ce qui lui vaut de nombreux bleus. Bien que ses parents alertent les enseignants à plusieurs reprises, ces derniers ne prennent pas la situation au sérieux. La récréation est un moment redouté par Martha, qui n’ose pas parler de ses souffrances et se réfugie dans les pleurs.

« Je ne libérais pas forcément la parole à mes parents, comme j’étais petite cela me paraissait « normal » et je m’étais habituée à ça. » Le harcèlement dure environ trois ans et demi, jusqu’à ce que ses parents décident de l’inscrire au judo pour lui redonner confiance.

Le judo, une issue de secours

En plus du harcèlement, Martha subit des réflexions sur son poids, jugée trop maigre. « Les réflexions sur mon poids, c’est quelque chose qui m’a marqué, voire traumatisée. » Marre qu’on lui colle des étiquettes « d’enfant fragile », elle se sent forte et confiante le jour où elle met les pieds pour la première fois sur un tatamis de judo.

« C’est venu d’un coup. Il y a eu quelque chose en moi qui s’est passée. » Le sport de combat, contrairement à la danse classique qu’elle pratiquait auparavant, lui permet de se défendre et l’arrêt du harcèlement de ce garçon. “Le lendemain, quand le garçon est revenu pour me porter des coups, je me suis défendue, ce que je n’avais jamais fait avant.”

Le judo a d’abord été une activité de loisir pour Martha, qui pratique également le basket. Bien que le basket lui plaise aussi pour l’aspect collectif et les amitiés qu’elle y a formées, Martha a trouvé dans le judo une satisfaction personnelle unique. Elle apprécie le fait de gagner ou de perdre par elle-même, sans dépendre des performances d’une équipe. « Au basket, ce qui peut être compliqué, c’est que toi tu peux être bonne sur le terrain mais pas l’équipe et ça c’est difficile. »

Après avoir décroché une deuxième place à son premier championnat de France cadette de judo, elle est sélectionnée en équipe de France pour disputer sa première European Cup en Pologne. Elle se rend compte de ses capacités et se voit faire aussi son premier choix de vie à l’âge de 12 ans. Un choix du cœur qui la guide au judo. Elle le sait, c’est sa vocation. « J’ai compris que c’est le judo qui m’animait, que c’était ce que je voulais faire de ma vie. »

La place des parents

Il est toujours difficile, en tant que parent, d’avoir la bonne position et les bons mots pour accompagner son enfant, surtout quand il s’agit du haut niveau. Un secteur qui peut paraître vaste et complexe quand on n’y a jamais mis les pieds. Et pourtant, les parents de Martha sont des soutiens indéfectibles tout au long de son parcours. Ils l’encouragent à tester des opportunités, comme l’intégration de la section sportive en 6e, malgré ses réticences initiales à quitter ses amis. « Je voulais juste aller dans le même collège que mes copains, copines, je ne voyais pas forcément la chance que j’avais de pouvoir intégrer la section sportive. »  Leur vision et leur soutien permettent souvent à Martha de faire les bons choix. « Heureusement qu’ils étaient là pour me guider car il y aurait plein de choix que je n’aurais pas fait moi-même », dit-elle reconnaissante.

Une entrée en structure sport-études et une vie à 100 à l’heure

Comme prévu, Martha intègre donc le pôle espoir de Poitiers. Très dur pour elle de devoir se séparer de ses amis d’enfance à son âge. « Pour un enfant, c’est difficile », dit Martha en se remémorant ce moment qui pour elle est douloureux.Les sacrifices étaient nombreux, ceux des amis, mais aussi celui de devoir quitter son petit village de Lusignan (Vienne). « Je suis une fille de la campagne », souligne fièrement Martha.

Un train de vie perturbant pour la jeune athlète qui doit se lever à 6 h tous les matins et jongler entre les cours et le judo. Une fatigue accablante qui entraîne une baisse des notes à l’école. Mais ses parents et les coachs assurent un suivi rigoureux qui lui permet de réussir les deux.

Les performances de Martha débutent vers 13-14 ans. Malgré un niveau pas très élevé au pôle espoir de Poitiers, elle y trouve son équilibre. Elle évolue rapidement, devenant une source de fierté pour son pôle espoir. Cependant, la distance avec sa famille et les sacrifices personnels pèsent lourd. La vie d’athlète durant l’adolescence est intense pour Martha. Gérer les études, les entraînements et les déplacements quotidiens est épuisant. Néanmoins, elle parle de ses difficultés et demande de l’aide sans honte.

« Mes parents m’ont toujours appris à parler quand ça n’allait pas. Je ne me voyais pas entrer en pôle France, je décide de rentrer chez moi. » Martha rejoint Paris, où sa famille a déménagé. Sans structure officielle, elle continue à performer, rejoignant l’IJ (institut du Judo) et un lycée avec des horaires aménagés. Malgré les difficultés, elle s’accroche et décroche plusieurs podiums en junior et senior. « Je me dis que, de toute façon, si c’est fait pour moi, j’y arriverais ! » Une belle détermination qui lui donne raison : elle gagne à peu près tous les tournois et embête même les seniors en montant sur la 3e marche du podium au championnat de France de 1ère division. « Honnêtement, je pensais que j’avais le niveau. Moi, je me voyais gagner ! »

Une dernière saison junior stoppée

C’est la hantise de tout athlète et malheureusement, Martha n’échappe pas à la règle. C’est sur le banc de touche qu’elle finit son année. « Ça a été l’une de mes pires années », raconte Martha le cœur serré. « J’ai eu une hernie au dos, donc pendant trois mois j’étais out. Cela a été compliqué car je ne savais pas si j’allais devoir arrêter le judo. J’étais tellement dans une optique où je me disais qu’il fallait que je m’entraîne, que je ne prenais pas assez de repos », lâche, avec regret, Martha.

Ce problème est souvent celui de beaucoup d’athlètes comme elle, où la performance domine sur la santé mentale et physique. Des enchaînements de compétitions entre junior et senior qui entraînent de la fatigue et le traumatisme d’une blessure qui lui laissent des séquelles à vie. « Je ne peux pas marcher plus de deux heures sans avoir mal au dos, sans avoir de douleurs qui reviennent. »

« Je pense n’avoir jamais vécu un traumatisme aussi dur que celui-là. » C’est une période difficile, pendant laquelle la concurrence avance et l’athlète est envahie par une sensation de stagnation. Une impuissance face à la situation qui se transforme par la suite par de l’excitation et une détermination hors norme.

Apprendre à se connaître

Martha a compris l’importance de connaître ses limites et d’écouter son corps pour éviter les blessures. Elle insiste sur le fait que chaque athlète est unique et que reconnaître ses propres limites est crucial pour éviter le surmenage et les blessures. « Si on vise la performance, si on veut vraiment devenir champion(ne), il faut vraiment apprendre à se connaître soi-même ainsi que son corps, parce que c’est notre outil de travail. »

Le soutien familial

La famille de Martha, en particulier son père, est un pilier pour elle, prenant des décisions importantes pour son bien-être et sa carrière. Cette relation et ce soutien continu lui permettent de surmonter de nombreux obstacles. « Il a vraiment cette vision externe qui est hyper importante pour moi. Mon père est très important. Il gère beaucoup de chose pour moi. »

Une proposition de l’Insep se présente : un rêve qui devient réalité mais qui fait douter. De par son nom, et de par ceux qui y sont, l’Insep est le rêve de n’importe quel sportif qui veut toucher le haut niveau. Mais c’est aussi un rêve qui fait douter sur notre capacité à pouvoir répondre aux attentes de cette structure.

« J’allais à l’Insep, je me faisais arracher la tête, c’était super dur ! », livre Martha qui a constamment besoin d’avoir un pied avec l’extérieur pour son bien-être et ne veut pas s’enfermer dans cette bulle qu’est l’Insep. Cet extérieur qui lui permet d’être avec « des gens normaux. » « Ça me fait me sentir un peu normal », dit-elle rassurée.

« J’avais peur de l’Insep, peur que ça fasse trop pour moi, parce que j’ai mon caractère et j’aime bien être libre. » Malgré la dureté, les larmes versées et toutes ces questions, tout prend son sens au moment où Martha passe le cap et se sent bien à sa place à l’Insep. « J’ai posé mes valises, je me suis dit, là je pense que je vais devenir quelqu’un et y arriver. »

Martha Fawaz est un exemple de résilience et de détermination. Du harcèlement scolaire à une carrière prometteuse en judo, elle a surmonté de nombreux obstacles grâce à sa famille, son sport et une volonté inébranlable de réussir. « Les JO c’est une étape, être championne olympique c’est un accomplissement. »

Aurore Quintin
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