Triple championne du monde de savate en moins de 56 kilos, Mathilde Mignier enchaîne les titres, en assaut et en combat. Enseignante en EPS, elle souhaiterait une plus grande exposition médiatique pour sa discipline.
Votre palmarès s’est encore étoffé cette saison…
À ma grande satisfaction, j’ai confirmé mon titre national en catégorie Élite (combat). L’an dernier, ce titre constituait une surprise, car je venais de passer de l’assaut, où j’étais championne depuis 2013, au combat. Je dispute à la mi-juin le tournoi qualificatif pour la finale du Championnat d’Europe, prévue en fin d’année. Dès ma titularisation en équipe de France, j’ai gagné des titres en assaut : européen en 2013 et 2015, et mondial en 2014 et 2016 (combat en 2017). J’ai remporté la médaille d’or aux World Combat Games, qui rassemblent 15 sports de combat. La concurrence est forte : en plus de l’Italie et de la Russie, la Chine et les pays du Maghreb émergent. Je m’entraîne au pôle France de Toulouse (Haute-Garonne), avec Christophe Neuville et Richard Aguenihnai. La compétition m’apprend à gérer l’incertitude et l’inconnu et entretient ma motivation. Mon but ultime est d’avoir la boxe la plus complète possible.
Pourquoi ce passage au combat ?
Je ressentais le besoin de découvrir une autre partie de la discipline, de rencontrer d’autres adversaires. En assaut, je ne fais que des touches, sous peine de sanction. En combat, il s’agit d’une autre façon de boxer ; j’ai dû réorganiser ma technique. Le but étant de mettre l’adversaire K.O., l’approche psychologique change. Je gère le risque différemment, puisque je donne et prends des coups. Comme j’ai un gros vécu en assaut, je suis très technicienne. Je sais m’adapter en fonction des problèmes que mon adversaire me pose. L’an prochain, je retourne vers l’assaut, car le combat est fatigant. J’ai besoin d’une année de transition.
« La savate a une bonne image »
Que vous apporte la savate ?
Toucher et ne pas être touchée, c’est comme un jeu. Mes parents voulaient que je mène à la fois une activité sportive et une activité artistique. J’ai expérimenté la gymnastique, le karaté, le football, le handball, l’escalade, le badminton… avant de me fixer, à l’âge de 12 ans. J’ai tout de suite accroché et ressenti la dimension de plaisir, sans risque, puisque les combats sont interdits aux mineurs. Pour mes débuts en compétition, à 17 ans, j’ai décroché la médaille d’argent au Championnat de France cadettes. Je me suis sentie bien dans mon club de Couserans (Ariège), alors j’y suis restée. La savate favorise le travail cardio et fait travailler la souplesse. Elle est très intéressante sur le plan moteur, alliant les côtés technique et esthétique.
Quelle est votre vision de la savate aujourd’hui ?
Quand je parle de la savate autour de moi, je vois qu’elle a une bonne image. Pourtant, elle n’est pas aussi médiatique que d’autres sports de boxe pieds-poings, comme le kick-boxing ou la boxe thaï. La Chaîne L’Équipe consacre un programme hebdomadaire aux sports de combat, mais je regrette que nous ne soyons pas exposés. Les World Combat Games représentent un tremplin énorme pour notre discipline. Je pense que la faire entrer au programme d’événements de ce genre (Jeux méditerranéens, Jeux européens) lui donnerait un meilleur éclairage. Cela dit, le public répond présent aux compétitions. Les finales du Championnat de France ont attiré 1 200 personnes. Dans le sud de la France, il y a un public pour ce type de sport, à Marseille ou à Toulouse. Je n’ai pas le temps de m’impliquer dans les initiatives de promotion de la Fédération, car ma semaine n’est pas assez longue !
« La savate-forme est une super discipline sur le plan athlétique »
Quel regard portez-vous sur la savate-forme ?
La savate-forme, qui attire de plus en plus de femmes (elles comptent d’ailleurs pour 40% des pratiquants en boxe pieds-poings), est une super discipline sur le plan athlétique. Cette pratique fitness en musique représente un moyen d’entrer dans l’univers de la boxe française. Elle donne un gros bagage technique en toute sécurité, sans se confronter à une opposition. Les pratiquantes y gagnent de la confiance et un sentiment de sécurité, bien que la course soit encore le meilleur moyen d‘échapper à une agression dans la rue (rires) ! Étant titulaire d’un brevet d’État, je donne des cours deux fois par semaine dans un club à Blagnac (Haute-Garonne).
Vous êtes aussi enseignante d’EPS.
Je suis en poste depuis six ans, affectée comme remplaçante en tant que sportive de haut niveau. J’ai connu cinq établissements l’an dernier, cette année ma vie est plus stable : je suis dans un seul collège à Toulouse. Je compartimente ma vie, je ne parle pas de ma carrière à mes élèves. Mais, s’ils me posent des questions, je veux bien en discuter. Le courant passe, j’ai potentiellement moins de problèmes de discipline que d’autres collègues (rires). J’ai de la chance d’avoir du temps libre à consacrer à mon entraînement. Tôt le matin, je mène ma préparation physique toute seule (course, musculation), puis, le soir, je pratique des assauts au pôle France. Je ne me rends que ponctuellement dans mon club dans l’Ariège, où se trouve mon premier entraîneur, Youns Maafi. Je vais encore connaître des mutations professionnelles dans les prochaines années. Je ne sais pas comment ma carrière va s’adapter à ces changements de poste. En tout cas, certains athlètes restent en équipe de France jusqu’à 35 ans.