Michael Tapiro, président de Sports Management School, expert en sport business et surtout passionné de rugby, s’est penché récemment sur les racines des maux qui touchent le XV de France et le rugby tricolore. Entretien…
Michael Tapiro, le rugby français, et notamment à travers sa sélection, connait d’importantes difficultés depuis plusieurs mois…
C’est tout simplement la conséquence d’une longue période de déni où l’on s’est laissé porter par le principe que le rugby était un beau sport, collectif et plein de belles valeurs. Nous avons confondu la progression d’un sport avec les qualités intrinsèques de ceux qui le dirigeait. Aujourd’hui, on se retrouve à la croisée des chemins entre plusieurs sports qui se portent bien, et le rugby qui marchait bien sur une propulsion avant mais qui n’avait pas de moteur interne.
Comment expliquez-vous ces difficultés ?
Le rugby est devenu professionnel en 1995, c’est très récent. Les personnes qui ont été mises à la tête du rugby professionnel ne l’étaient pas forcément. Mais surtout, le tournant est arrivé en 2007 quand la France a organisé la Coupe du Monde. Le rugby français était alors au haut-niveau, que ce soit en sélection ou dans les clubs, mais cette période a également coïncidé avec la crise des subprimes. Cette crise a eu un effet domino très négatif dans le rugby puisque les propriétaires des clubs, qui sont souvent des mécènes, ont dû réduire la voilure et leur investissement. D’autant que cette période correspondait également à l’émergence du Racing et de Toulon, qui ont rapidement voulu grandir en recrutant des internationaux néo-zélandais ou australiens. Ce qui peut d’ailleurs tout à fait se comprendre dans une stratégie de développement. On s’est alors retrouvé dans une course à l’armement et dans une boule spéculative, qui explosent aujourd’hui.
Et qui ont contribué au fil des années à l’affaiblissement de la sélection…
Le rugby français a la particularité d’être un sport universitaire, mais également un sport de terroir et à la maturation lente pour les joueurs. Au fil des années, nous nous sommes malheureusement un peu coupés de cela. C’est dommage car nous avons un outil magnifique à Marcoussis, très efficace pour les seniors mais pas du tout pour les jeunes. Or, la politique de la DTN a été de faire grandir les jeunes espoirs à Marcoussis, et non dans leur club où ils auraient pu être au contact de l’équipe fanion, d’une culture, d’une mentalité. Ce choix a été catastrophique puisqu’il a coupé les jeunes de leur base. On se retrouve donc avec de bons joueurs de rugby, mais pas des champions. Ils n’ont pas la mentalité de la gagne comme ils pourraient l’avoir l’avoir en étant formés dans leur club. Alors que le rugby est un sport de combat, on retrouve aujourd’hui des joueurs d’un bon niveau, mais qui n’ont pas cette hargne incroyable de porter le maillot tricolore. Avant, quand un joueur n’était pas sélectionné, c’était un drame, certains ont mis du temps à s’en remettre. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les torts sont partagés, c’est difficile d’en vouloir aux joueurs car on les a clairement coupés de la base.
Retrouvez très rapidement la deuxième partie de l’entretien de Michael Tapiro…