Michel Savin : « Le sport est déclassé par l’État »

Sénateur Les Républicains de l’Isère, Michel Savin est aussi le Président du groupe Pratiques sportives et grands événements sportifs au Sénat. Il tient à lancer un message d’alerte face au manque d’intérêt de l’État concernant l’avenir du sport.

 
En cette rentrée, le Covid-19 a-t-il laissé des traces profondes sur le monde du sport ?
Je pense que nous allons progressivement mesurer l’impact de cette crise. C’est en ce mois de septembre, avec le redémarrage des différentes compétitions et l’ouverture des inscriptions au sein des clubs, que nous allons mesurer si le nombre de licenciés va se maintenir ou augmenter. Ou, au contraire, si ce chiffre va fortement baisser, ce que craignent de nombreuses fédérations. Une forte baisse serait évidemment alarmante pour le monde du sport et son avenir.
 
Selon vous, l’État est-il au rendez-vous sur les questions sportives ?
Les mesures de prévention et d’arrêt des activités qui ont été prises ont été les bonnes, il n’y a pas de doute là-dessus. Il était important de privilégier l’aspect sanitaire et la sécurité avant tout. En revanche, force est de constater que la gestion du sport professionnel n’a pas été bonne. Lorsque l’on voit ce qu’il s’est produit dans les pays voisins, on constate que l’État n’a pas bien préparé les choses. C’est une gestion que l’on va payer au niveau économique, mais également sportif.
 

« Soyons très attentifs à la gestion du sport amateur »

 
Quel rôle entendez-vous jouer, vous et vos collègues sénateurs, sur cette thématique ?
Je pense qu’il est nécessaire que nous soyons très attentifs à la gestion du sport amateur. Il faut que l’on puisse accompagner les fédérations afin qu’elles soient en mesure et en capacité de donner les bonnes directives aux clubs sur la reprise de l’activité. Je pense surtout à des aspects essentiels comme la communication, l’information, la réglementation, mais aussi la gestion sur le plan financier. C’est principalement sur cela que nous allons devoir faire un point. Il est capital d’inciter les plus jeunes à revenir se licencier dans les clubs. Un effort devra être fait par les fédérations et c’est sur cet aspect-là que l’État, et plus particulièrement le Ministère des Sports, devra apporter sa contribution financière et logistique. Les Sénateurs seront très attentifs à cela.
 

 
Les fédérations et les clubs vont-ils forcément devoir se réinventer à l’occasion de cette reprise ?
Je pense surtout que cette reprise va avoir un effet accélérateur pour une dynamique qui avait déjà été engagée sur certains sujets, comme le sport santé. Là où les fédérations et les clubs devront évoluer, c’est plutôt dans le digital. Lors du confinement, chacun s’est rendu compte de la puissance de l’outil digital pour s’adresser aux pratiquants. En ce sens, la plateforme « Mon club près de chez moi » tombe bien. C’est par le digital que va se faire la relation de demain entre le club et ses membres.
 
Pourtant, le ministère des Sports perd son influence, lui qui est désormais placé sous la tutelle du ministère de l’Éducation…
C’est un très mauvais message qui a été envoyé. Nous sommes à quatre ans de l’organisation de la plus grande compétition mondiale à Paris et ce « déclassement » du ministère des Sports est donc une très mauvaise nouvelle. Aujourd’hui, j’ai la sensation qu’il y a une volonté de scinder le sport de haut niveau et le sport amateur avec d’un côté l’Agence nationale du sport et de l’autre une dérive vers les collectivités afin de gérer le sport pour tous. Je m’attendais personnellement à ce que le sport soit remis à sa juste place. Durant la période de confinement, nous avons pu voir que le sport était un facteur clé et essentiel concernant la santé et le bien-être de nos compatriotes. Aujourd’hui, le sport est déclassé par l’État et c’est quelque chose que je regrette énormément.
 

« Le sport doit être une priorité au niveau national »

 
Quelles mesures entendez-vous défendre dès cette rentrée ?
Le Sénat essaye depuis des années, par différents amendements, d’influer sur le budget du ministère des Sports. Malheureusement, les avancées portées par le Sénat sur ce sujet n’aboutissent pas à l’Assemblée nationale. Le gouvernement n’a donc pas suivi les recommandations du Sénat sur la hausse du budget accordé au sport. C’est donc un sujet sur lequel nous allons continuer à nous battre à l’occasion de cette rentrée, tout comme celui concernant l’avenir des CTS. Enfin, nous allons discuter autour du projet de loi Sport et Société, que nous attendons depuis deux ans. Nous attendons ce texte afin de pouvoir apporter les corrections nécessaires si le texte ne répond pas aux attentes sur des sujets forts comme le sport santé, le sport à l’école ou encore le sport en entreprise.
 
Selon vous, l’État est-il capable de changer son fusil d’épaule ? Ou a-t-il prouvé que le sport n’est pas l’une de ses priorités ?
Les actes de l’État montrent en tout cas que le sport ne passe pas au premier plan. Mais de mon côté, je continuerai à me battre afin de montrer que le sport doit être une priorité au niveau national. L’État évoque régulièrement les valeurs du sport, mais très peu de moyens sont mis en place afin de permettre au sport de grandir et de mettre en place une vraie politique. Si tout le monde reconnaît les bienfaits de la pratique du sport dans ce pays, il faut désormais que l’on s’en donne les moyens. Aujourd’hui, nous avons un Premier ministre qui a dirigé l’Agence nationale du sport. J’ose espérer qu’il aura à cœur de défendre les intérêts du sport et d’entendre notre message d’alerte.

Par Olivier Navarranne
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