Mohamed Moulay : « Le sport doit être au service de la société »

Vice-Président délégué au Sport de la Région Centre-Val de Loire, Mohamed Moulay revient sur les actions menées en faveur des clubs pendant la crise sanitaire. Il évoque également les Jeux Olympiques de Paris 2024, avec l’idée d’accueillir des épreuves.

 
Quelles actions ont été mises en place par la région Centre-Val de Loire pour aider les clubs et les associations ?
Avant la crise, la situation du sport était déjà préoccupante. Avec cette crise sanitaire, les clubs et les associations ont été durement touchés. Il y a eu de véritables répercussions sur le monde sportif, et donc beaucoup d’interrogations et d’inquiétudes. Au niveau de l’Etat, il y a eu beaucoup de tergiversations concernant une possible reprise du sport, il y a eu des contradictions, on ne connaissait pas bien le cadre général de la reprise des activités sportives. Nous avons donc décidé de prendre les choses en main. La Région a fait des choses très concrètes face à la crise. On a consulté l’ensemble des acteurs sportifs, les clubs, tout le mouvement sportif. On a bien évidemment eu des échanges avec la ministre, avec le ministère des Sports, avec le monde du sport scolaire. Nous avons ensuite agi concrètement en fonction des inquiétudes qui remontaient lors des entretiens.
Nous avons travaillé sur plusieurs axes : les conditions sanitaires de la reprise, quand le ministère avait tardé à apporter une réponse claire, stable et cohérente, mais aussi les baisses de soutiens financiers de la part du monde économique, qui a aussi été touché par la crise. Aussi, à l’époque, on parlait déjà d’une possible fuite des licenciés. On ne sait pas encore si cela se confirme. Dans ce contexte, la Région a décidé d’accompagner les acteurs du sport, nous avons déployé plus de 600 000 euros de financement, spécifiquement sur des mesures d’urgence en direction des acteurs du sport.
Le budget annuel de la Région pour le sport est de 5,2 millions d’euros en temps normal. Cette intervention «urgence Covid» a donc été conséquente. Plus de 170 000 euros pour les organisateurs, clubs et associations, de manifestations sportives – notamment celles soutenues par la Région – annulées ou reportées. Plus de 210 000 euros en versement anticipé en direction des clubs professionnels, des ligues, des comités régionaux avec qui nous sommes en contractualisation. Plus de 160 000 euros en direction des clubs Elite pros – nous en avons une douzaine, et des clubs amateurs pour compenser la perte de la billetterie, des recettes. On a aussi mis 20 000 euros dans un secteur particulier qui a été très touché par la crise : l’équitation. Enfin, nous avons mis en place le Care (Contrat d’apport associatif rebond), un dispositif en direction du monde associatif en général, en lien avec France active Centre-Val de Loire. Le but était de renforcer les fonds propres des associations, afin de faire face à des besoins passagers, conjoncturels de trésorerie et de perte de chiffre d’affaires en lien avec la pandémie. En tout, les dispositifs de la Région ont permis d’accompagner concrètement plus de 200 structures (associations, ligues pros, comités régionaux).
 

« 120 millions d’euros pour le sport, c’est bien mais insuffisant »

 
Etes-vous satisfait des mesures annoncées par l’Etat pour aider le sport ? Fallait-il aller plus loin ?
Le sport occupe une grande place dans la vie quotidienne. Le monde sportif est à l’image de la société. Avec l’Etat et l’ensemble du mouvement sportif, nous sommes censés, dans le cadre de ce qu’est le modèle sportif en France, porter une politique sportive ambitieuse, engagée et faite d’actions concrètes. En cela, nous devons partager ensemble les valeurs du sport parce que le sport est un vecteur d’intégration, c’est le vivre ensemble, la dynamique économique, la dynamique sociale, la dynamique sociétale. Je suis très sincère dans ce que je dis, parce que personnellement, j’ai eu un parcours un peu atypique, je suis né dans un quartier difficile, un quartier pauvre au cœur de Tours, dans le quartier Sanitas, et je sais ce que m’a apporté le sport. Je crois beaucoup en ses valeurs, en ses vecteurs d’intégration.
Le soutien aux clubs, aux ligues, aux installations sportives, aux athlètes, aux bénévoles, aux jeunes et au sport scolaire, cela a été effectivement salué par l’Etat. Et je pense que sans cette volonté partagée des acteurs du sport, de la culture, de l’économie et de l’action sociale, la catastrophe humaine aurait été encore plus importante. Je le dis parce que le sport, notamment pendant la crise, doit être doublement, triplement aidé. Être salué, soutenu et remercié est une bonne chose, mais l’Etat a mis en place un plan d’urgence qui a tardé à arriver. On a laissé les collectivités et les fédérations face aux difficultés des clubs et des compétitions.
Malheureusement, le sport est un peu le symbole de ce manque d’intérêt, parfois, de l’Etat. On l’a vu avec l’arrêt du championnat de France de football alors que les conditions sanitaires étaient meilleures que dans d’autres pays où l’on continuait à jouer. Il y a des décisions qui ont mis à mal l’équilibre financier du sport français. Sur un plan de relance de 100 milliards d’euros, l’Etat consacre 120 millions d’euros sur deux ans au sport, c’est 0,12% du total. C’est bien, mais ce n’est pas suffisant, l’Etat aurait pu mieux faire. Les Régions sont prêtes à agir concrètement avec l’Etat, notamment sur l’emploi, mais il faut un cadre, des modalités, et rapidement. Parce que là, ça traîne un peu alors que nous sommes dans l’urgence.
Je ne suis pas méchant avec l’Etat, mais je pense qu’il faut revoir ce qu’est le fonctionnement du sport, son écosystème, entre l’Etat, les collectivités, le mouvement sportif, le sport à l’école, le sport en bas de chez soi. C’est tout un modèle à revoir. C’est pour ça que je suis parfois un peu déçu, on aurait dû profiter de cette crise pour se mettre autour de la table. Le sport occupe une grande place dans la société. Il doit être à son service. Je pense que le sport mérite une autre vision, un autre modèle pour développer encore plus de potentialité, parce qu’il est porteur de vraies vertus, qu’il est vecteur de vraies ambitions.

« Créer de la richesse sur l’ensemble des territoires »

 

 
La « rétrogradation » de Roxana Maracineanu est un acte qui va dans le sens de votre discours, le sport ne semble pas être une priorité…
Exactement, alors que le sport doit être transversal, il doit être un véritable levier pour développer l’ensemble des politiques quotidiennes. Le sport, c’est l’aménagement du territoire, l’animation du territoire. Quand on parle de préservation de l’environnement, d’accompagner les mutations au travail, de performances économiques, de bien-être au travail, de lien social dans une société mondialisée et libérale, de lutte contre les discriminations, aujourd’hui, je pense que le sport est un exemple vertueux, partout dans le monde. Le sport doit devenir un pouvoir d’action au même titre que l’économie, la culture et d’autres domaines de la vie quotidienne. C’est le terreau d’une société bienveillante, d’une société meilleure où l’on prend soin de soi et des autres. Le sport est aussi au service de la santé, et il faut le faire encore plus. Le sport mérite peut-être un vrai ministère d’Etat pour le porter au service de tous.
 
Paris 2024 arrive vite, des économies sont à faire, et vous proposez la candidature du pôle équestre de Lamotte-Beuvron (Loir-et-Cher) et du pôle de tir de Déols (Indre) afin d’accueillir des épreuves…
La Région Centre-Val de Loire a été la première à s’engager dans la dynamique Paris 2024. Première collectivité à s’engager, et deuxième en France à avoir obtenu le label Terre de Jeux. Nous souhaitions rester sur cette dynamique pour animer la fête olympique sur tout le territoire entre 2020 et 2024, pour soutenir l’ensemble des acteurs. Nous proposons aussi d’accueillir des épreuves olympiques. On y avait pensé avant la crise, et maintenant encore plus, car il faut faire des économies. Au lieu de construire de grandes installations sportives, on pourrait mutualiser des moyens qui sont déjà existants dans nos régions. Notamment ici en Centre-Val de Loire, avec Lamotte-Beuvron dans le Loir-et-Cher, et pourquoi pas aussi le Centre national de tir sportif. Depuis que la crise est là, il y a des urgences sociales, écologiques, économiques. Les Jeux vont avoir lieu en France, pourquoi ne pas aller là où des sites existent déjà ? On respecte la ville hôte, Paris, mais toute la nation est hôte de l’événement. Nos entreprises sont installées dans l’ensemble du territoire et elles ont aussi besoin de ces Jeux. Cela permettrait de créer de la richesse sur l’ensemble des territoires. On défend des Jeux écologiques, économiques, dans les territoires. C’est une manière de dire aussi que l’ensemble des Français seront gagnants. On a l’urbain, on a le littoral, pourquoi pas le rural avec Lamotte-Beuvron ? Ce serait ce triptyque qui symbolise la France aujourd’hui. A Lamotte-Beuvron, le site est homologué, il répond aux normes. Il est parfait et à moindre coût. On parle de Versailles, mais ici, en Centre-Val de Loire, vous avez Lamotte-Beuvron et le château de Chambord pas très loin.
 

Simon Bardet
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