A leur descente d’avion, qui n’était pourtant pas celui de Saint-Exupéry, certains athlètes qualifiés pour les Mondiaux de Doha eurent une drôle de sensation ; ils eurent le sentiment d’aller à la rencontre d’un Prince. En parlant du « Petit Prince » Saint-Exupéry disait qu’ « il n’avait en rien l’apparence d’un enfant perdu au milieu du désert » ; il est vrai que le « Grand Prince » du Qatar non-plus…
Pourtant, les athlètes se rendirent rapidement compte qu’au-delà de cette énonciation, il n’y avait pas vraiment de ressemblance entre les deux Princes car, si le « Petit Prince » souhaitait qu’on lui dessine un mouton, le « Grand Prince » souhaitait plutôt qu’on lui achète une réputation.
Et les moyens permettant de vendre cette réputation ne relevaient pas de la demi-mesure :
- comme l’ensemble des stades et installations qui accueilleront la Coupe du monde de football en 2022, le stade de Doha a fait l’objet, lors de sa construction, de conditions de travail qui ont entrainé la mort de nombreux ouvriers exploités à la limite de l’esclavage. Selon Human Rights Watch, d’ici la prochaine coupe du monde, c’est plus de 4 000 travailleurs étrangers qui auront ainsi trouvés la mort lors de la construction de l’ensemble des infrastructures sportives du Qatar,
- afin de lutter contre des conditions climatiques extrêmes, il a été agencé l’abaissement de près de 20 degrés de la température ambiante par des installations gigantesques, ce qui est une aberration d’un point de vue environnemental,
- afin de dissimuler l’absence de spectateurs dans un stade dont la candidature comportait l’affichage d’un stade complet lors des compétitions, le « Grand Prince » a fait appel, dans les derniers jours, à des spectateurs d’Afrique de l’est pour venir faire la claque.
Dans un article intitulé « A Doha, le sport a été oublié », « Le Monde » du 1er octobre rapporte les propos de Kevin Mayer : « On n’a pas mis les athlètes en avant en venant ici. On les a surtout mis en difficulté ». Devant la description d’une telle duperie, on est en droit de se demander quelle en est l’origine ? La réponse est peut-être dans les écrits de Dominique Mercadier du journal « Midi Libre » (daté du 2 octobre, NDLR) qui, dans un article intitulé « Le Qatar a menti sur toute la ligne », rappelle que l’ancien président de la fédération internationale Lamine Diack est soupçonné d’avoir favorisé la candidature de Doha contre des millions d’euros. Le journaliste précisant également qu’il sera également et prochainement « jugé pour corruption dans le dossier du dopage russe organisé » ! Si, à leur retour de Doha, les athlètes ont eu envie de relire le texte de Saint-Exupéry, il ont pu redécouvrir que le « Petit Prince » parle d’une « planète habitée par un roi, un vaniteux, un biznessman » ; un monsieur « qui ne fait que des additions et qui toute la journée répète : je suis un homme sérieux – et çà le fait gonfler d’orgueil ».