Natation : Logan Fontaine plonge dans le grand bain

À 19 ans, Logan Fontaine cumule déjà les titres mondiaux et européens. Une performance rare en catégorie eau libre qui place le Normand comme l’un des plus grands espoirs de la natation française avec, dans ses lunettes, les Jeux olympiques de 2020. Immersion.

 
Sa coulée, fluide et puissante, l’a déjà mené bien plus loin qu’il n’osait l’imaginer. À l’entraînement comme en compétition, Logan Fontaine aime régner sur les pelotons, la tête sous l’eau mais l’objectif toujours vers la rive. À dix-neuf ans, le nageur en eau libre des Vikings de Rouen impressionne par sa maturité d’esprit. Devenu le symbole d’un club amené à être l’une des références dans une discipline devenue sport olympique depuis les JO de 2008. Le jeune homme a peaufiné sa technique des bassins d’Argentan, où il est né, à ceux de Rouen, où il a intégré le Pôle Espoir natation au Centre régional jeunesse et sports de Petit-Couronne. « J’ai appris à nager à Argentan, mais j’ai vraiment commencé la compétition quand je suis arrivé à Trouville », se souvient-il. « Je ne saurais plus trop dater précisément, mais j’avais environ dix ans. J’ai ensuite rejoint le club de Honfleur, pas très loin de Trouville, où j’ai atteint un niveau national. J’y ai fait deux ans avant d’intégrer le Pôle Espoir de Rouen quand je suis arrivé au lycée. » Le début des vraies choses sérieuses.

Courses de fond et grands espaces

Une suite logique, car le Normand, qui n’a « jamais été attiré par d’autres sports » mais a toujours voulu « faire de la compèt’ », baigne dans les bassins aquatiques depuis ses premiers pas. « Ma passion pour la nage est venue très tôt, car mes deux parents sont maîtres-nageurs. Ma mère est même devenue entraîneure pour le club de Deauville. Du coup, j’ai été mis dans l’eau très vite. Dès que j’étais en âge de marcher, ils m’ont mis dans la piscine ! (Rires) » Pas forcément de modèles dans la discipline, Logan Fontaine se façonne seul, toujours « poussé par [ses] parents ». Aujourd’hui, il a déjà démontré les qualités d’un très grand. À dix-neuf ans, seulement. Et ça, on aurait presque tendance à l’oublier. Celui qui a obtenu un bac S « sans mention » impressionne tellement que ses coéquipiers des Vikings le perçoivent déjà comme un nageur aguerri depuis de longues années. Motivé, l’ambitieux a en plus la force de la jeunesse qui lui promet un très grand avenir dans sa discipline. Dans l’eau, le champion s’est d’abord essayé au sprint, avant de mettre de côté les bassins pour les courses de fond et les grands espaces. Cinq kilomètres, sept et demi voire dix, le natif d’Argentan avale les distances goulûment et s’éclate à l’air libre. Une révélation. « Mais je n’ai pas totalement quitté les bassins, on continue à faire les deux de front avec la nage en eau libre », rappelle-t-il. « On essaie de garder quand même un pied dans le bassin, car aujourd’hui, pour exceller en eau libre, il faut travailler sa vitesse. » Les bassins ne sont donc là que pour améliorer la vitesse ? Pas vraiment. « Non, non, je prends aussi beaucoup de plaisir à y nager et j’essaie d’y performer tout autant. »

« Ça permet de sortir un peu du bassin »

Et pour performer, Logan Fontaine s’inflige un entraînement chargé et minutieux, orchestré pour développer les aptitudes nécessaires à une catégorie d’eau si particulière : calme, dynamisme et puissance. « En nage en eau libre, on se doit d’être complet autant sur le physique que sur le mental. Car ce sont des distances longues, je vais jusqu’aux dix kilomètres, donc il faut savoir gérer ça. Et pour encaisser de telles distances, il faut posséder le physique qui suit, forcément. L’escalade aussi, que je pratique une fois par semaine, me permet d’aller chercher de l’explosivité et de la puissance. Dans l’eau, je bosse plus l’endurance. Il faut être vraiment polyvalent. » Ça tombe bien, c’est là-dessus que le nageur s’est particulièrement épanoui ces derniers mois. « Je trouve qu’aujourd’hui, c’est ce qui fait ma principale force. Je sens que je commence à être vraiment complet. » La performance, tout sauf le fruit du hasard. Pour avoir un mental et un physique d’acier, le Normand s’applique à des semaines d’entraînements réglées au millimètre. « Lors d’une semaine type, je vais avoir des sessions de nage le matin et le soir quasiment tous les jours. J’ai également du kiné à faire, de la cryothérapie et de la préparation physique », détaille-t-il, appliqué. « Le vendredi, je fais de l’escalade quand je peux, c’est un petit plaisir personnel et ça fait aussi travailler les mêmes secteurs physiques qu’en natation. Ça permet de sortir un peu du bassin. » Il encaisse comme un professionnel ces semaines ardues, mais qui lui ont permis d’atteindre un niveau impressionnant pour son âge. Car, à peine majeur, il est déjà le présent et le futur de la nage en eau libre française.

« Je nage aussi pour Éric »

Il y a un an et demi, l’espoir surdoué faisait une entrée fracassante dans la cour des grands, avec un titre de champion du monde par équipes sénior, acquis à Budapest (Hongrie). « C’était des championnats particuliers, nous avions tous eu des résultats vraiment exceptionnels (avec ses partenaires Océane Cassignol, Aurélie Muller et Marc-Antoine Olivier, NDLR). On était là pour la gagne, on savait pour quoi on nageait. » Un premier exploit retentissant vite assombri par la disparition tragique quelques mois plus tard de son entraîneur de l’époque, Éric Boissière. Les semaines d’après ont été particulièrement difficiles. « C’est l’entraîneur qui m’a lancé et qui m’a permis d’atteindre le niveau que j’ai aujourd’hui », souffle-t-il, la voix plus lourde. « Suite à son décès, je me suis mis à travailler avec Damien Cattin-Vidal (ancien nageur en eau libre, médaillé de bronze en contre-la-montre mixte par équipes sur cinq kilomètres aux Championnats d’Europe de 2011, NDLR). Il a pris le relais, même si ça a été dur pour nous de se remettre dans le bain. Désormais, je m’entraîne pour vraiment passer un cap et essayer d’aller chercher la gagne en individuel chez les seniors. Ce cap, on est en train de le passer en termes d’entraînement et d’hygiène de vie. Il faut être plus sérieux au niveau de la régularité des soins, sur ce que l’on mange, sur le rythme du sommeil… J’encaisse tout ça plutôt bien. » Comme d’habitude, Logan Fontaine fonce, tête baissée, et remporte sa toute première médaille en individuel chez les seniors. Le bronze, lors du cinq kilomètres en eau libre des Championnats d’Europe disputés dans les eaux froides de Glasgow (Écosse), le 8 août dernier. « Un décès, ça vous affecte, mais j’ai su gérer. Et, désormais, c’est une source de motivation supplémentaire, notamment pour mon prochain objectif, les Championnats du monde cet été en Corée du sud, qualificatifs pour les Jeux 2020. Je nage aussi pour Éric. » Un supplément d’âme qui lui apporte, s’il en fallait, une raison de nager toujours plus vite, toujours plus fort.

À Paris 2024 « pour gagner »

Si son prochain objectif assumé est de se qualifier pour les Jeux olympiques de Tokyo en 2020, Logan Fontaine n’en oublie pas ceux de Paris, quatre ans plus tard. Il aura alors vingt-cinq ans. « Vu le niveau que je commence à atteindre, ce serait une fierté d’y participer. Mais pas seulement. L’objectif serait aussi d’y aller pour décrocher une médaille d’or. J’irai avec plein d’ambition. De toute façon, sur toutes les compétitions, j’y vais pour gagner. » Déterminé, le Normand sait que sa réussite passe aussi par une progression constante dans le haut niveau. « Mais pour l’instant, je me concentre sur ceux de 2020, ensuite je me focaliserai sur ceux de 2024. J’y vais étape par étape. »

La bio express de Logan Fontaine :
Par Leslie Mucret
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