Ancien arbitre de Ligue 1 et arbitre international, Nicolas Rainville s’éclate désormais au sifflet des matches de Ligue 2. Un bien-être qui doit aussi beaucoup à une reconversion professionnelle bien engagée pour accomplir son rêve de toujours : devenir kinésithérapeute.
Nicolas, pourquoi ce choix de vous orienter vers une carrière de kinésithérapeute ?
Cela fait maintenant quatre ans que je suis une formation pour devenir kiné. Depuis tout jeune, j’avais envie d’exercer ce métier. En 2006, j’avais eu la possibilité d’entrer dans une école de kiné, mais c’est justement cette année-là que je suis devenu arbitre en ligue professionnelle. J’ai peut-être manqué de courage sur le moment, mais je me suis dit qu’il fallait que je saisisse à fond ma chance dans l’arbitrage. Dans le même temps, je suis devenu Conseiller technique en arbitrage au sein du District du Gard. J’ai donc fait le choix de ne pas entreprendre des études de kiné.
Tout au long de vos années d’arbitrage, cette envie ne vous a cependant jamais lâché…
En effet, j’ai toujours eu cette idée en tête. Je ne sais pas si c’est la crise des 35 ans ou autre chose, mais parfois on se pose et on refait le fil de sa vie. Je me suis demandé ce que j’aurais fait si je n’avais pas été arbitre et conseiller technique. J’avais cette réflexion un soir où j’étais à Clairefontaine, en discutant avec un collègue, que je regrettais d’avoir fait ci et d’avoir fait ça… J’ai complètement switché dans mon cerveau. Une heure plus tard, j’étais inscrit pour passer le concours en école de kiné.
« J’étais vraiment contestataire sur le terrain »
Au départ, pourquoi vous être donc orienté vers l’arbitrage ?
Si on m’avait dit il y a vingt ans que je deviendrais arbitre, je vous aurais ri au nez. Je ne suis pas arrivé dans l’arbitrage par la grande porte. J’ai été suspendu et j’ai fait des travaux d’intérêt général après une mésaventure avec un arbitre. J’étais vraiment peu fair-play et contestataire sur le terrain. Pour moi, l’arbitre était l’empêcheur de tourner en rond et quelqu’un qui avait raté quelque chose dans sa vie. Mais cet épisode m’a permis de découvrir l’arbitrage que j’ai commencé à exercer à 15 ans. Ça m’a donné des responsabilités, j’étais obligé de respecter les gens, mais aussi d’être moi-même respectable. J’ai l’impression d’avoir grandi un peu plus vite grâce à l’arbitrage, ça m’a donné une maturité qui m’a fait du bien.
Par la suite, arbitrer au plus haut niveau est-il devenu un objectif ?
Pas du tout ! Je n’ai jamais été carriériste. L’arbitrage n’a jamais été une vocation. Pour être honnête, arbitrer ne m’a pas tout de suite plu, je prenais surtout du plaisir à faire du sport. Mais j’ai pu, grâce à ça, faire de belles rencontres et bénéficier de très bons conseils. Comme j’ai un niveau de joueur intéressant, ça m’a aidé à évoluer sur le terrain. Naturellement, ma progression s’est faite. Je me suis fait tout seul, et ça, c’est ma petite fierté.
Au fil des années, avez-vous pris le goût de l’arbitrage ?
Je n’ai pas cette fibre qui me fait vibrer pour l’arbitrage. Si j’ai le choix entre regarder un arbitre à la télé ou un bon match de rugby, je vais opter pour le match de rugby. Je ne vis pas du tout arbitrage quand je suis chez moi, mes amis ne sont pas arbitres. Je suis juste passionné de sport avant tout. L’arbitrage n’a jamais été une vocation, et d’ailleurs, je ne me projette pas sur une reconversion dans ce monde-là.
« Je n’ai jamais eu de reconnaissance dans mon travail depuis vingt ans »
Vous avez notamment arbitré durant plusieurs années en Ligue 1. Votre vision du football de haut niveau a-t-elle évolué à la suite de cette expérience ?
Beaucoup de personnes critiquent ce sport, car elles ne le connaissent pas. Pour ma part, j’ai été agréablement surpris et j’ai beaucoup appris. Je me suis construit au contact des joueurs, des entraîneurs et des dirigeants. Que ce soit en dialogue, en communication, en stratégie, ça m’a beaucoup apporté.
Comment la crise sanitaire a-t-elle impacté votre parcours de reconversion ?
J’ai eu de la chance. L’Institut de Formation en Masso-Kinésithérapie de Montpellier, où j’étudie, a été assez réactif. Une plateforme a rapidement été mise en place afin de suivre des cours en distanciel. Tout ce qui est lié à la pratique s’est fait en demi-groupe. J’ai donc pu continuer à suivre une formation de qualité. Normalement, dans un an, je serai diplômé.
Que peut vous apporter ce métier de kiné, que ne vous a pas apporté celui d’arbitre ?
Déjà, je dois beaucoup aux kinés. Durant ma carrière d’arbitre, je n’ai pas été épargné par les blessures. J’apprends énormément sur ce formidable métier depuis que je fais des stages. Récemment, un monsieur qui travaille dans le bâtiment est venu, car il avait mal au dos. S’il ne travaille pas, il n’a pas d’argent, il fallait donc qu’il se soigne rapidement. Avec toute l’équipe de kinés, on a fait en sorte que ce monsieur puisse retravailler. Il a eu des mots très gentils et sincères, notamment à mon égard. Je me suis rendu compte que cela fait vingt ans que j’arbitre des matches et que personne ne m’a dit merci. Je n’ai jamais eu de reconnaissance dans mon travail depuis vingt ans. Depuis quatre ans que je fais mes études, je n’ai jamais été si utile. Or ces vingt dernières années, je n’ai pas l’impression d’avoir aidé grand monde. Comme kiné, j’ai trouvé ma voie.
« J’arbitre en Ligue 2 et je me régale »
Une fois votre diplôme de kiné obtenu, entendez-vous continuer à arbitrer ?
Bien sûr ! Actuellement, j’arbitre en Ligue 2 et je me régale. Cela faisait longtemps que je n’avais pas arbitré avec autant de plaisir. Peut-être parce qu’il y a moins de contraintes et de pression, c’est difficile à dire. Mais même quand je serai diplômé, j’ai vraiment envie de continuer l’arbitrage. Au tout début de ma carrière de kiné, je vais essayer de faire des remplacements, de bosser avec des copains qui sont kinés sur Nîmes, mais je ne pourrai pas m’engager dans un projet à plein temps, car j’ai toujours l’envie d’arbitrer. Je n’ai que 38 ans, je fais presque toujours partie des jeunes (rires). Je pense donc que je peux continuer d’arbitrer encore quelques années.
Ce plaisir que vous prenez à arbitrer est-il lié au fait que vous suivez « enfin » votre véritable voie en parallèle ?
Je le pense, oui, sans doute. Mes deux dernières années en Ligue 1 ont été très compliquées au niveau du rythme. J’ai essayé de concilier les deux, voire les trois, car il y a aussi la vie de famille. Je vous passe certaines nuits blanches, car il fallait revenir de déplacements et être en cours le lendemain à 8h… Cela a vraiment été très compliqué. J’ai pu arbitrer avec Clément Turpin sur la scène européenne, qui s’est montré très compréhensif par rapport à cette « double vie ». Désormais, j’arbitre dans un championnat dans lequel je m’éclate, un championnat très sous-estimé qui, je pense, est d’un niveau égal à la Ligue 1 en termes d’intensité physique. J’espère y arbitrer encore pour plusieurs années.
Peut-on, à terme, vous voir devenir kiné d’une équipe professionnelle ou amateur ?
Pourquoi pas. Si on me propose un challenge comme kiné dans le football ou dans un autre sport, j’y réfléchirai. Mais c’est difficile de se projeter, c’est encore loin pour moi. Je veux d’abord bien me former, apprendre sur les premières années de pratique, puis quand j’aurai fini d’arbitrer, pourquoi pas partir sur un challenge intéressant en tant que kiné, en effet.