Mathieu Thomas a appris à accepter son handicap grâce à sa volonté de participer aux Jeux paralympiques de Tokyo. Ce parabadiste dans la catégorie SL3 (joueur debout dont la déficience concerne les membres inférieurs) raconte son histoire au sein d’entreprises. Rencontre.
Quel est le parcours qui vous a mené au parabadminton ?
À 17 ans, j’ai développé une tumeur cancéreuse. Pour me la retirer, les médecins ont du coupé le nerf qu’elle traversait et cela a causé une atrophie de la cuisse droite. J’ai caché mon handicap pendant plus de 10 ans, puis à 28 ans, j’ai eu un projet fou d’aller aux Jeux paralympiques. J’ai vu la création des premiers championnats de France de parabadminton. Je les ai remportés à onze reprises, entre 2015 et 2020, en simple et double. J’ai obtenu une médaille de bronze en championnat du monde en double en 2017 et j’ai remporté le titre européen en double en 2016. Quand j’ai appris que le parabadminton entrait aux Jeux paralympiques de Tokyo, je me suis vraiment lancé en professionnel. C’est une histoire de bonnes rencontres au bon moment.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans le badminton ?
Je venais du basket, mais je ne voulais pas me mettre dans un fauteuil, car je n’acceptais pas mon handicap. Plusieurs aspects m’ont plu dans le badminton et j’en suis tombé amoureux. C’est un sport technique, géométrique, très tactique. Comme dans les échecs, on est engagé dans un duel face à son adversaire, il faut toujours penser au coup d’après. Le badminton est aussi très physique et fait travailler le cardio. Le sport est une école de la vie, ses valeurs m’aident énormément. J’en apprends sur moi-même grâce à la préparation mentale.
Êtes-vous sûr de participer aux Jeux paralympiques de Tokyo du 24 août au 5 septembre 2021 ?
Je ne suis pas encore officiellement qualifié, mais je ne suis pas loin. La pandémie a mis un coup d’arrêt à la phase de qualification. Il ne me reste qu’une seule compétition à jouer pour me qualifier, j’espère qu’elle aura lieu. Sinon, je serai dans l’attente des décisions des commissions. C’est un peu flou.
Comment vous préparez-vous pour ces Jeux ?
Je me suis arrêté de travailler afin d’être focus à 100%. Je m’entraîne au CREPS d’Ile-de-France à Châtenay-Malabry, à l’INSEP avant les compétitions et le vendredi dans mon club d’Issy-les-Moulineaux. J’ai déjà commencé mon double projet pour les Jeux paralympiques de Paris 2024. J’ai commencé à chercher un staff pour me préparer à cette échéance.
Vous avez longtemps caché votre handicap et aujourd’hui vous en parlez lors d’interventions en entreprise et dans les écoles. Qu’est-ce qui a changé ?
Ce projet Jeux paralympiques m’a permis de sortir de l’ombre, de prendre conscience de mon handicap et de l’accepter. En parler a été une thérapie libératoire. Aujourd’hui, je veux transmettre le résultat de cette longue phase d’acception, aider d’autres personnes qui ont peur du regard des gens à ne pas se renfermer sur elles-mêmes. Je raconte ce que j’ai vécu pour montrer qu’on peut se servir de cette différence pour en faire une force. J’incite les salariés concernés à le dire à leurs employeurs pour qu’ils en tiennent compte et leur permettent d’être plus performants dans leur travail quotidien. C’est un moyen d’être à armes égales. Je fais des comparaisons et des métaphores avec le sport. Les handisportifs sont des athlètes comme les autres qui s’entraînent et réalisent des performances.
Quels autres sujets abordez-vous lors de ces interventions ?
Je débute ma troisième année d’interventions dans les entreprises, ainsi que dans les écoles. Je fais partie de l’agence JKO Sport, fondée par Armand Gicqueau, qui promeut le handicap dans le sport de haut niveau, notamment grâce aux interventions des athlètes. Mon autre objectif lors de ces interventions en entreprise est de changer le regard sur les handicaps. Ce n’est pas uniquement un fauteuil ou une amputation, 80% des handicaps sont invisibles. Personne ne voit que j’ai un handicap, sauf quand je fais du sport.
Le monde du sport et de l’entreprise sont-ils complémentaires ?
Avant j’étais product owner dans l’entreprise Ippon Technologies, un grand cabinet de conseil et d’expertise pour les entreprises fondé par Stéphanie Nomis, nouveau président de la Fédération française de judo. Nous avons créé un partenariat fort grâce au sport. L’entreprise est un lieu qui partage les valeurs du sport. Je fais de supers rencontres. Il y a toujours une personne qui vient me contacter pour me dire qu’elle va se faire reconnaître, se dévoiler. Je pense que mon parcours permet de se rendre compte qu’il est important de parler.