Ce premier week-end de février, une cinquantaine de judokas français voudront briller devant le public de l’Accor Arena à l’occasion du Paris Grand Slam. Le tournoi et son ambiance sont uniques sur la planète judo. On vous explique pourquoi.
Elle a encore des étoiles dans les yeux quand elle l’évoque. Outre ses trois titres européens (2001, 2002 et 2009) et ses médailles mondiales (argent en 2003 et 2005 ; bronze en 2007 et 2009) et olympique (argent en 2004), Frédérique Jossinet a inscrit son nom à trois reprises au palmarès du Tournoi de Paris devenu, depuis, le Paris Grand Slam (2002, 2003 et 2006). Les samedi 4 et dimanche 5 février, c’est dans la peau de la vice-présidente de la Fédération française de judo en charge du haut niveau que l’ancienne championne se replongera dans cette ambiance unique.
1. L’évènement tu savoureras
Sur la planète judo, il y a les Jeux Olympiques, les championnats du monde et d’Europe et… le Paris Grand Slam (PGS). « C’est certainement le plus beau tournoi au monde, y compris au niveau de l’organisation, prévient Frédérique Jossinet. La salle a été réduite en capacité mais il n’y a encore pas si longtemps, il y avait 18 000 personnes. C’est exceptionnel. Un tournoi comme le Paris Grand Slam n’existe pas ailleurs. » A fond derrière les Tricolores, les spectateurs ont aussi le respect des adversaires. « C’est un tournoi de connaisseurs. Les Français sont chauvins mais apprécient le judo. Ils sont respectueux de tous les champions, même quand ils battent des Français. » A une échelle différente, le PGS a le même poids pour le judo français que Roland-Garros pour le tennis. « Cela s’en approche pour l’organisation, la beauté de l’évènement et le spectacle proposé, abonde Frédérique Jossinet. Cela étant, il faut être réaliste. Les moyens ne sont pas les mêmes et le tennis est dans une autre dimension. »
« Le Paris Grand Slam peut lancer une carrière. C’est une rampe de lancement pour briller plus haut »
2. Ta carrière tu lanceras
Qu’il soit en début ou en fin de carrière, une participation au PGS se savoure pour un judoka français mais n’aura pas le même impact. La Fédération en profite souvent pour lancer sa jeune garde sur la scène internationale. « Quand on est un jeune athlète plein d’ambitions, ce tournoi est l’évènement phare de l’année », dixit la vice-présidente de la FF Judo. « Le PGS, ça peut lancer une carrière. Certains athlètes se révèlent ici. C’est une rampe de lancement pour briller plus haut. Cela a été mon cas comme pour 70% des athlètes français qui ont ensuite eu des résultats sur des championnats d’Europe, du monde ou les Jeux Olympiques. » Privilège d’évoluer à domicile, les Bleus ont droit à plus de quotas que les autres nations. « A une époque, on était jusqu‘à huit Français par catégorie, se remémore Frédérique Jossinet. Désormais, il y en a quatre et c’est déjà énorme. Les autres pays n’ont droit qu’à deux athlètes par catégorie. Avec quatre judokas, on peut lancer des jeunes. A la Fédération, on avait décidé de valoriser les championnats de France et de qualifier automatiquement tous les champions pour le PGS. »
3. Tes capacités tu surpasseras
Les championnats d’Europe de Montpellier, prévus du 3 au 5 novembre, sont loin. Le rendez-vous mondial de Doha (Qatar) est, en revanche, proche. L’émirat accueillera les meilleurs judokas de la planète du 7 au 15 mai. « Quand on prépare des championnats d’Europe ou du monde qui ont lieu en mai, si la préparation est bien faite, on n’est pas dans sa forme optimale en février. Cela veut donc dire que cela peut être compliqué de performer à Paris », prévient Frédérique Jossinet. L’atout des Bleus pour se surpasser ? Le public, évidemment ! « On est à la maison avec la famille, les copains, les supporters et les caméras. Avec tout ça, on arrive à se dépasser. J’ai déjà fait des Tournois de Paris en plein cœur de ma préparation. Je n’avais pas vraiment les jambes, je n’étais pas dans ma meilleure phase et, malgré tout, j’arrivais à être performante. C’est la magie de Paris ! »
« Dans la perspective de Paris 2024, il faut habituer nos jeunes judokas le plus tôt possible à la pression qui les attend »
4. La salle tu appréhenderas
C’est une arène. On peut y perdre ses moyens et passer totalement à côté de sa compétition. On peut aussi être transporté par cette ambiance unique et renverser des montagnes ou plutôt des Japonais. Si le Tournoi de Paris a vu le jour en 1971, il a dû attendre 2000 et son déménagement au Palais omnisports de Paris-Bercy pour prendre une autre dimension. A l’époque, ce sont donc 18 000 fans déchaînés qui se massaient dans les tribunes avant que les travaux de rénovation ne réduisent la capacité. « Cette salle, il faut savoir l’appréhender mais si on la prend dans le bon sens, cela peut être une aide extérieure non négligeable. Cela permet de se dépasser même quand c’est compliqué », souligne Frédérique Jossinet. On ne compte plus les combats qui semblaient perdus pour les Français et dont l’issue s’est inversée sous la pression des supporters. A l’image de Margaux Pinot en finale des moins de 70 kilos l’an passé. Gênée par la qualité du bras gauche de la Japonaise Saki Niizoe, la jeune femme avait tout de même fini par trouver l’ouverture pour dominer une nouvelle fois son adversaire à Paris après sa demi-finale de 2019. Cette année-là, Yoko Ono avait ensuite vengé sa compatriote en finale.
5. A Paris 2024 tu penseras
Les Bleus du judo en rêvaient mais les épreuves olympiques de Paris 2024 ne se disputeront pas à l’Accor Arena. Pour se parer d’or à domicile, il faudra s’imposer à l’Arena du Champ de Mars, à proximité de la Tour Eiffel. Il n’empêche : à un an et demi des JO, c’est une répétition grandeur nature qui attend les Français pour ce PGS 2023. « Dans la perspective de Paris 2024, il faut habituer nos jeunes judokas le plus tôt possible à la pression qui les attend. Elle doit être positive, espère l’ancienne compétitrice. Cela fait cent ans qu’on n’a pas eu les Jeux olympiques en France. Cela va être extraordinaire mais la pression sera décuplée par rapport au PGS de cette année. Ce tournoi, ce sont les premières marches qu’il faut savoir escalader. » Paris 2024 sera un saut dans l’inconnu selon Frédérique Jossinet. Une déflagration que les Français n’imaginent pas. « A Paris 2024, le judo ne sera pas sur deux ou trois jours mais huit jours. Ce sera une catégorie par jour. Il faudra trouver d’autres supports et leviers pour appréhender cette formidable pression des Jeux de Paris. J’ai vécu la pression des JO mais ce n’était pas en France. Je ne pourrais même pas expliquer aux athlètes ce qui les attend. » Avant, il y a les marches du PGS 2023 sur lesquelles il ne faudra pas trébucher.
Par Stéphane Magnoux