Perrine Laffont : « Après les Jeux de Pékin, j’étais bonne à être mise au placard »

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Championne olympique il y a quatre ans, triple Championne du monde, victorieuse de sept Coupes du monde, Perrine Laffont a tout gagné à 24 ans. L’échec de Pékin (4e), lors des derniers Jeux, a été difficile à digérer pour la spécialiste du ski de bosses, mais elle a su se remotiver pour bien finir l’hiver dernier et attaquer cette nouvelle saison avec envie et ambition.

Perrine, dans quel état de forme êtes-vous, à l’aube de ce nouvel hiver de compétition ?

Je me sens hyper en forme et du coup, j’essaie de me recentrer sur mes sensations, dans ma tête, dans mon corps, juste pour me demander si tout va bien ou pas. Et pour le moment, ça va plutôt bien.

Durant l’automne, est-ce que vous regardez ce que font vos concurrentes ?

Pas du tout. Pour être très honnête, je les ai virées des réseaux sociaux, parce que je souhaite me concentrer sur ma préparation. Ça fait un peu égoïste, mais c’est vrai que ça peut parfois être un peu anxiogène. On voit les autres beaucoup progresser et moi qui n’ai pas vraiment confiance en moi, en regardant les autres, je me dis « merde, je suis vraiment nulle, je ne fais pas les choses bien », alors que je progresse tout autant. Du coup, j’essaie de me mettre dans ma bulle et de mettre toute mon énergie sur ma préparation.

« J’ai viré mes concurrents de mes réseaux sociaux »

Il y a eu un changement de coach à la tête de l’équipe de France. Albert Bedouet, ancien coach de la Grande-Bretagne depuis deux ans, a remplacé Ludovic Didier, qui était en poste depuis 2013. Comment cela se passe-t-il avec le nouveau staff ?

Je pense qu’on est une équipe totalement différente, et Albert fait vraiment la part des choses avec ce qu’il a vécu en Angleterre. Je vais être un peu prétentieuse, mais on est l’équipe de France et on avait de meilleurs résultats que l’équipe de Grande-Bretagne, donc je pense que c’est différent pour lui aussi. Mais Albert, je le connais, parce qu’il était en équipe de France quand j’y étais aussi. C’est quelqu’un que je connais très bien, en plus il est Français. Pareil avec Jules [Escobar, qui a intégré le staff], pareil avec Antho [Anthony Benna, son entraîneur personnel]. Du coup, l’adaptation a été très rapide, il n’y a pas eu de petits désaccords ou de petits couacs sur la mise en place des entraînements. Toute l’expérience, tout le vécu qu’il a eu en tant que coach de la Grande-Bretagne, il va s’en servir avec l’équipe de France. Tout se passe très bien.

Comment décririez-vous votre relation avec votre coach Anthony Benna ?

On est en train de créer de superbes liens avec Antho. C’est marrant, parce qu’on a une réelle connexion émotionnelle et parfois, juste en voyant mon visage, il sait ce qui se passe dans ma tête. Antho, c’est plus qu’un entraîneur technique, c’est aussi mon entraîneur psychologique. C’est dur d’expliquer notre relation, mais elle est hyper positive pour moi parce qu’il il y a eu cette saison difficile où j’ai énormément perdu confiance en moi. Antho, petit à petit, il me redore la pilule et il me remet en confiance. Il me comprend, il arrive à me dire les bonnes choses au bon moment. C’est presque un coach mental, c’est un peu mon confident. Antho, ça a toujours été mon grand frère quand il était en équipe de France, et il reprend ce rôle.

C’était le moment de changer les choses ?

Avec tout le staff précédent [Ludovic Didier, Lionel Terray, Rémy Damiani], on était arrivé au bout de notre histoire. Faire huit ans de carrière avec les mêmes entraîneurs, c’est déjà beau et, clairement, je sentais que c’était le moment d’aller chercher autre chose, d’autres discours, d’autres programmations. On était tombé dans une routine, et il fallait bouger des choses pour ne pas rester sur nos acquis. Ça n’enlève rien aux très belles choses qu’on a faites avec Ludo, Rémi et Lionel, mais je pense que pour continuer à progresser, il fallait aller chercher de nouvelles choses ailleurs, il était nécessaire de changer.

« Une programmation beaucoup plus ciblée sur l’acrobatie »

Ce changement a-t-il été visible tout de suite ?

Oui, ça a complètement changé. On a eu une programmation beaucoup plus ciblée sur l’acrobatie. On a fait énormément de water jump, de trampoline. On s’est entraîné avec l’équipe de France de trampoline à Antibes. Et même les journées de stage, les programmations des journées, c’est un mode de fonctionnement complètement différent, complètement nouveau, et du coup, c’est top. C’est génial car tu vas à l’entraînement et tu te dis : « Waouh, qu’est-ce que je vais avoir aujourd’hui ? » Tu ne sais pas trop ce qui va se passer et c’est excitant.

Benjamin [Cavet] a adoré cette expérience du trampoline. Vous aussi ? Qu’est-ce que cela peut vous apporter ?

Moi aussi, j’ai adoré ! On est un peu lié parce que c’est le monde de l’acrobatie, mais c’est quand même un milieu hyper différent de notre sport. Du coup, ils nous ont énormément apporté pendant une semaine. Ça nous a changé pas mal de repères, et je pense que ça nous a dégourdis aussi, parce qu’ils nous ont fait faire des choses qu’on n’avait pas l’habitude de faire auparavant. C’était très enrichissant.

Comment créer un nouvel esprit d’équipe, une cohésion du groupe ?

On est tout le temps ensemble quand on est en stage, on vit sous le même toit, donc la cohésion se fait assez naturellement. Nous sommes tous des athlètes vraiment différents, avec des caractères très opposés, mais on se complète. On arrive à faire une bonne balance et du coup, la cohésion est super bonne. On s’entend tous très bien.

« Si j’avais gagné à Pékin, j’aurais sûrement arrêté »

Le changement de staff, c’était un bon moyen de retrouver le plaisir après la déception olympique ?

Oui, clairement. Peu importe ce qui allait se passer sur cette saison et si je continuais, de toute façon, il aurait fallu qu’il y ait des changements parce que je pense qu’on était un peu tombé dans une routine. Il fallait faire bouger les choses pour continuer d’évoluer et ne pas rester sur ses acquis.

Vous dites « si je continuais », vous avez pensé à la retraite ?

Oui, déjà parce que ça a été dur pendant les Jeux. Et je pense que j’aurais sûrement arrêté si j’avais à nouveau gagné aux Jeux olympiques.

Vous repartez pour quatre ans du coup ?

Oui. Plus les jours passent et plus je me dis que je suis heureuse dans ce que je fais. Je suis épanouie dans mon travail de tous les jours. Ça me plaît et je ne me verrais nulle part ailleurs. J’irais même jusqu’à dire que plus les jours avancent, plus je me dis que je ferai peut-être même plus que quatre ans.

Le globe de cristal décroché en fin de saison vous a aidé à repartir du bon pied ?

Oui. C’est sûr que si j’avais fini la saison sans globe, ça aurait été plus difficile. De remporter ce globe à la fin de la saison, ça m’a remis un bon coup de cravache et ça m’a surmotivée. Pour moi, le monde s’est écroulé à Pékin et je n’avais plus ma place dans le ski de bosses. J’étais bonne à être mise au placard. Finalement, Megève [dernière étape de Coupe du monde de la saison] me prouve le contraire, et du coup, je me dis que j’ai encore de belles choses à faire.

Propos recueillis par Simon Bardet

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