A Pékin (4-20 février), Perrine Laffont participera pour la troisième fois aux Jeux olympiques, à seulement 23 ans. La Française, spécialiste du ski de bosses, défendra son titre olympique décroché quatre ans auparavant à Pyeongchang.
Chaque année, la Fédération française de ski permet aux médias de rencontrer les athlètes avant le début de la saison de Coupe du monde. Et chaque année, il faut mettre à jour un palmarès déjà immense pour préparer une rencontre avec Perrine Laffont. L’Ariégeoise n’a que 23 ans, mais elle fait déjà partie des légendes du sport français. Championne olympique, triple championne du monde, quadruple lauréate de la Coupe du monde de ski de bosses, la vingtaine de victoires en Coupe du monde dépassée, Perrine Laffont multiplie les exploits et les récompenses. « Tout ce qui m’arrive, je ne m’en rends pas vraiment compte. Quand on me dit «Perrine Laffont, championne olympique» ou «Perrine Laffont, triple championne du monde», ça sonne bizarre, même pour moi. Je fais les choses, elles arrivent, mais il y a toujours autre chose à faire et je continue à avancer. Je ne me retourne pas trop sur ce que j’ai déjà accompli. C’est sûr que ce n’est pas commun de faire ses troisièmes JO à 23 ans, mais j’y pense juste quand vous m’en parlez », explique-t-elle.
L’habitude de l’excellence correspond si bien à Perrine Laffont que, lorsqu’elle ne monte pas sur le podium à Ruka (Finlande), en ouverture de la Coupe du monde, c’est un petit événement. La reine des bosses a fini quatrième de la première compétition de la saison, derrière les Américaines Olivia Giaccio (1ère avec 78,51 points) et Kai Owens (3e avec 76,61 points), et derrière l’Australienne Jakara Anthony (2e avec 78,17 points). Avec un score de 76,57, il n’a manqué que 0,04 point à la Française pour monter sur la boîte. Rien d’alarmant, évidemment, mais une première pour Perrine Laffont depuis janvier 2018 et une 18e place à Mont Tremblant (Canada) ! Ce résultat montre que le palmarès n’assure pas un futur succès, et ça, la Française en a pleinement conscience. « Me mettre déjà une médaille autour du cou, c’est mettre la charrue avant les bœufs. Une médaille olympique n’arrive pas comme ça, il y a beaucoup de travail derrière. C’est un peu malsain de faire ça, car ça ajoute de la pression à l’athlète », regrette la « bosseuse ».
« Je ne me focalise pas sur l’objectif de résultat »
Une pression inutile, car le résultat de chaque course ne dépend pas que d’elle. « Je ne me focalise pas sur l’objectif de résultat, détaille Perrine Laffont, parce que je ne le maîtrise pas. Il y a des adversaires, il y a des juges. Bien sûr, ce serait un beau résultat de décrocher un nouveau titre olympique, mais ce n’est pas en pensant à ça que je vais réussir mon run sur la piste. C’est à moi de m’entraîner fort, d’être à 300% tous les jours à l’entraînement et en compétition. C’est en ayant cette démarche-là que je pourrai avoir cette deuxième médaille olympique. » La Française a débuté cet hiver en confiance, sûre de ses forces pour sa huitième saison en Coupe du monde : « Je sais qu’il y aura forcément un peu plus de stress aux Jeux olympiques, mais je suis très bien entourée, j’ai les bonnes personnes autour de moi pour m’accompagner au mieux jusqu’aux Jeux. Je suis prête, j’ai confiance en moi et en mon staff, sur le travail mis en place au quotidien. »
La préparation a payé dès le deuxième rendez-vous de la saison, à Idre Fjall, en Suède. Alors que l’Américaine Olivia Giaccio, sur la plus haute marche du podium en Finlande, n’a même pas passé l’obstacle des qualifications (21e), la Tricolore a repris ses bonnes habitudes en montant sur le podium. Perrine Laffont a pris la deuxième place de la compétition… pour 0,08 points devant l’Australienne Jakara Anthony (3e). La victoire est revenue à une impressionnante Anri Nakamura, la Japonaise ayant terminé en tête des qualifications et des deux manches de la finale.
A Pékin, la Française découvrira un site sur lequel elle n’a jamais pu skier auparavant. Un constat qui vaut également pour toutes ses adversaires et qui n’inquiète pas particulièrement Perrine Laffont. « On n’aura pas testé la piste olympique avant la compétition. On a vu une photo, mais ce n’est pas très représentatif. A Sotchi, c’était la même chose, ça arrive aussi en Coupe du monde quand on fait des compétitions dans de nouveaux lieux. Je ne pense pas avoir de mal à m’adapter, en plus on aura assez de jours d’entraînement pour bien appréhender la piste », assure-t-elle. Pour se préparer, dans une saison beaucoup plus dense que l’hiver dernier – perturbé à cause de la pandémie, la spécialiste tricolore des bosses sait qu’elle va devoir gérer au mieux la récupération : « La question s’est posée de faire des choix, de ne pas faire, par exemple, la dernière course en Italie avant les Jeux, mais je ne suis pas sûre que ce soit la bonne chose à faire. Quand on est dans une dynamique de compétition, on est lancé et tout s’enchaîne. Le plus difficile, ça va être de gérer la fatigue, parce que la saison va être dense. Il va falloir optimiser la récupération, pour ne pas perdre trop d’énergie. »
« Un peu frustrant de voir toute cette attention sur Paris 2024 »
Une énergie qu’elle ne veut pas perdre en cumulant son travail d’athlète de haut niveau et son combat pour un sport plus éco-responsable. Mais c’est une lutte qu’elle souhaite mener quand son emploi du temps lui permettra. Une lutte qui lui tient particulièrement à cœur, notamment quand elle voit ce qui l’attend à Pékin. « Il n’y a aucune structure qui existait déjà, tout a été construit pour les Jeux. Il n’y a pas de culture du ski en Chine, les stations n’existaient pas avant. Pour l’instant, je suis focalisée sur ma carrière, et c’est difficile de faire bouger les choses car c’est un travail à plein temps. Mais pour ma reconversion, c’est un combat que j’aurai envie de mener parce que ça m’énerve. On est en pleine transition écologique et pour moi, les Jeux ont certaines valeurs. C’est important de pouvoir y utiliser des structures déjà existantes. C’est un événement international qui passe sur toutes les télés du monde. Il faut s’en servir pour montrer l’exemple », déclare la championne.
Et attendant, de beaux objectifs sportifs attendent Perrine Laffont tout au long de l’hiver, en attendant le point d’orgue olympique chinois. En espérant que le public français sera présent – pas sur place, car il n’est pas autorisé, mais devant sa télévision. Et que, pendant quinze jours, Paris 2024 n’accapare pas toute la lumière. « C’est vrai que c’est un peu frustrant de voir toute cette attention sur Paris 2024, regrette la Française. C’est comme si on oubliait un peu les Jeux d’hiver. Avoir des Jeux en France n’est pas une raison pour passer aux oubliettes, c’est un rendez-vous tout aussi important pour nous. Les gens ont besoin de faire attention à ça, car ça ne valorise pas notre travail de tous les jours. » Nul doute que les téléspectateurs français suivront avec attention les exploits de Perrine Laffont, pour qui le plaisir du travail bien fait rime souvent avec résultat doré.