Benjamin Auffret veut sauter vers son rêve olympique

France's Benjamin Auffret competing in the Men's 10m Platform Final during day eleven of the 2018 European Championships at the Royal Commonwealth Pool, Edinburgh. Picture date: Sunday August 12, 2018 Photo : Ian Rutherford/ PA Images / Icon Sport

Tête d’affiche de sa discipline depuis son étonnante 4e place lors des Jeux olympiques de Rio en 2016, Benjamin Auffret est sur tous les fronts. En pleine préparation pour Tokyo 2020, le plongeur français n’en oublie pas son autre objectif : devenir pilote de chasse. Portrait d’une force de la nature qui croit en ses rêves.

 
Le plongeon vers l’inconnu, ça le connait. Benjamin Auffret (24 ans) est un exemple de stabilité dans un sport extrêmement exigeant. Alors qu’il a décroché une encourageante 3e place dans la catégorie Haut Vol sur 10 mètres lors des World Series 2019 à Londres, le 19 mai dernier, le prodige tricolore nourrit de grands espoirs pour la suite de sa saison. « C’est ma meilleure performance en 4 ans », se réjouit le natif de Montereau-Fault-Yonne, en Seine-et-Marne. « Et pour cette finale, j’ai pour la première fois passé la barre des 500 points (il a réalisé 505,60 points, NDLR). Je termine à 6 points de mon record personnel. Du coup, ça me conforte dans ma préparation. On travaille dans le bon sens et je suis constant dans le Top 5 mondial. » Une excellente nouvelle en vue des Championnats du monde, du 12 au 20 juillet à Gwangju en Corée du Sud. Une compétition dans laquelle il doit être dans les 12 premiers pour décrocher le quota olympique.

Les Jeux de Tokyo, l’objectif ultime

Ce même rêve olympique a soudainement changé sa vie depuis sa quatrième place lors des Jeux de Rio en 2016. Le jeune homme n’était pas tout à fait attendu, mais il a tutoyé les meilleurs performeurs du monde. Si beaucoup retiennent son potentiel certain à l’issue de l’épreuve, lui garde un goût amer de la médaille en chocolat brésilienne. « Les Jeux, c’était une expérience assez folle », souligne le plongeur. « L’ambiance y était incroyable avec ces anneaux partout. Je me souviens que ma famille est venue m’accompagner. Vous pouviez y voir des milliers de sportifs. L’engouement était monstrueux. Après, la médaille en chocolat est vraiment amère et longue à digérer… Si je fais encore du plongeon aujourd’hui et si j’ai tenu jusque-là, c’est parce que mon sport est olympique. S’il ne l’était plus, j’aurais arrêté. Je vis tous les jours pour retrouver ces émotions. Mais, cette fois, avec une médaille à la clé. Je ne veux rien regretter. » En 2010, c’est au Pôle espoir de gymnastique artistique de Vélizy, dans les Yvelines, que le plongeur fait ses armes. Mais, les douleurs et les blessures s’accumulent pour le jeune homme, ce qui l’éloigne irrémédiablement du sport de haut niveau. « Les traumatismes de la gymnastique ne sont pas compatibles avec l’état des cartilages lorsque l’on prend 18 cm en un an », lâche-t-il. « J’ai dû attendre que ça ralentisse pour reprendre. Toutefois, l’encadrement en a décidé autrement… » Sa carrière en gymnastique à plat, Benjamin Auffret se voit offrir une seconde chance dans les bassins. C’est Alexandre Rochas, alors entraîneur à l’INSEP (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance), qui présente son dossier d’inscription croyant en ses qualités en acrobatie et persuadé de la valeur du jeune gymnaste en plongeon. Le Seine-et-Marnais n’a pas hésité longtemps. « Le choix était simple : c’était soit j’arrête le sport de haut niveau, soit je tente une nouvelle aventure », pose-t-il. « Pour moi, c’était vite fait. Je suis entré à l’INSEP en septembre 2010 après seulement quelques séances de découverte. Et je peux vous dire que je n’ai jamais regretté ! En étant intégré directement, je n’avais qu’un an pour arriver en équipe de France junior. Forcément, venant de la gymnastique et devant un tel défi, il n’a jamais été question de faire autre chose que du haut niveau. Quelle chance j’ai eu ! » Avant la folie autour de Rio, Benjamin Auffret avait déjà réalisé quelques exploits, puisqu’il a été 30 fois champion de France, toutes catégories confondues, avant de glaner le titre de champion d’Europe en 2017. « Un excellent souvenir », se rappelle-t-il.

Un coach chinois de renommée

Ce palmarès déjà riche fait en tout cas la fierté de la Fédération française de natation, qui voit en lui un excellent représentant d’une discipline qui compte un peu moins de 800 licenciés dans une vingtaine de clubs. « Benjamin est un plongeur très technique et engagé », décrit Julien Issoulié, le Directeur technique national. « Ses entrées dans l’eau sont parmi les meilleures du plateau international. Il a une grande régularité. Il faut qu’il marque maintenant plus de points. Pour l’équipe de France en général, la préparation est bonne, car elle alterne stages et compétitions. On est sur la bonne route. » S’il progresse à vue d’œil, Benjamin Auffret a dû auparavant aller à l’encontre des peurs inhérentes à ce sport si particulier. « Je ne pourrais décrire la satisfaction que l’on ressent quand on réussit à passer outre cette peur », tente-t-il d’expliquer. « Je devrais même dire ces peurs ! Le vide, la douleur, heurter la plateforme avec la tête, se perdre dans les rotations… Imaginez le nombre de choses qu’il peut se passer dans votre tête en 1,5 seconde ! Comme je suis d’un naturel un peu trop perfectionniste, on ne pouvait que s’entendre le plongeon et moi. Puis, j’ai passé ma vie à faire des saltos ! C’est également une question d’adrénaline et de précision. Avec l’objectif de Tokyo, ça rend la passion encore plus intéressante. Les Jeux, c’est unique. Tout peut se passer. Je peux juste me dire que je dois y croire, car c’est vraiment possible. » Pour créer la sensation en 2020, Benjamin Auffret va devoir surprendre les principaux favoris que sont les Chinois Hao Yang et Junjie Lian, mais aussi le Britannique Tom Daley ou encore le Russe Oleksandr Bondar. Et pour le faire, l’INSEP s’est offert l’an dernier les services de l’entraîneur chinois Hui Tong. « Cela faisait 7 ans que je travaillais avec Alexandre Rochas, c’est toujours bon d’avoir un regard neuf », analyse l’ancien gymnaste. « Il a une façon de voir l’entraînement différente. Il insiste sur certains détails. Il est habitué à des pays où il y a beaucoup de moyens. Ici, ce n’est pas pareil. On doit affronter le top mondial avec le strict minimum. Hui Tong a donc dû s’adapter à nos conditions. Je dirais que ce qui a le plus changé avec lui, c’est le volume d’entraînement lors de la période hivernale. Il nous a vraiment demander de puiser loin dans nos réserves physiques et mentales. Et, aujourd’hui, je me sens plutôt solide. Ça en valait probablement la peine ! » Un travail minutieux qu’assume son nouveau coach. « Benji est un plongeur confiant et expérimenté », souligne l’ancien plongeur international chinois multi-titré. « Il sait se contrôler lors d’une compétition. Je pense qu’il pourrait être encore plus fort pour les Jeux s’il pouvait quitter sa zone de confort en s’imposant des défis chaque fois plus relevés. Là, il faudra se maintenir dans le Top 6 lors des prochains Championnats du monde en juillet et remporter les Championnats d’Europe en août. La route vers le podium olympique est extrêmement difficile, mais il a définitivement le potentiel pour y arriver. »

Devenir pilote de chasse plutôt que Paris 2024

Quid des Jeux olympiques de Paris 2024 qui font rêver absolument tous les sportifs de l’Hexagone ? « J’espère ne pas y aller », surprend-t-il. « Une fois que l’objectif des Jeux de Tokyo sera atteint, s’il l’est, je veux tenter le cursus de pilote de chasse. Et cela ne me permet pas de continuer le plongeon après Tokyo. Aussi loin que je me souvienne, c’est un rêve de gosse comme les Jeux. Un vrai rêve qui prend sa source tellement loin que ça fait partie de moi sans savoir d’où ça vient. » Des rêves qui l’empêchent pour le moment de profiter d’une autre passion : la photo. « À force d’enchaîner les compétitions, je n’ai pas eu de temps à donner pour ce plaisir », regrette-t-il. « La photographie, c’est une façon d’exprimer qui on est sans forcément s’en rendre compte. J’aime photographier les expressions et les émotions liées à la pratique du sport. Par exemple, au plongeon, je prends plus de photos de personnes à l’échauffement ou après un saut que pendant. Cela doit faire 6 ans que je m’y intéresse vraiment. J’arrive à m’exprimer dessus. J’espère avoir plus de temps à y consacrer. » Ses clichés sont actuellement disponibles sur son compte Instagram et reflètent parfaitement sa passion du sport aquatique. À seulement 24 ans, Benjamin Auffret prouve qu’à force de travail et d’abnégation, tous les rêves peuvent être approchés. Il faut simplement savoir faire face à ses peurs à l’heure de plonger…

Par Anthony Poix
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