Scolaire : quand le sport santé porte ses fruits

En 2018, Thomas Cuisset, professeur d’EPS au Collège du Val de Somme à Ailly-sur-Somme, a lancé l’option Sport Santé Scolaire. Un concept original et innovant, qui redonne le goût du sport aux élèves dispensés ou en souffrance.

 
De son « bébé », Thomas Cuisset pourrait en parler des heures. Le bébé de ce professeur d’EPS du Collège du Val de Somme à Ailly-sur-Somme a déjà plus d’un an et a été baptisé EP3S. « Les trois « s » correspondent à sport, santé et scolaire », confie l’enseignant. Il s’agit tout simplement d’une option sport santé destinée à une quinzaine de collégiens qui en éprouvaient le besoin… mais qui étaient incapables de bénéficier d’une telle adaptation des cours d’EPS avant l’intervention de leur professeur. « Depuis plusieurs années, j’ai constaté une vraie évolution dans le profil de mes élèves. Je suis professeur d’EPS au collège depuis 2002, j’ai donc pu suivre avec attention cette transformation, on peut même parler de régression concernant l’état de santé de nos jeunes. Ils sont moins toniques, se blessent plus facilement et plus souvent… certains sont même dispensés à l’année. La position assise prolongée cause beaucoup de douleurs chez certains qui sont ensuite incapables de pratiquer une activité physique normale. Il y a aussi le surpoids qui touche entre 20 et 25% d’élèves au sein du collège », explique Thomas Cuisset, qui dresse un constat accablant. « Il était donc urgent de mettre en place quelque chose, de proposer des activités physiques adaptées à ces types d’élèves. L’association sportive ne répondait pas aux besoins particuliers de ces élèves. Il y a dix ans, avec un collègue, nous avions lancé un dispositif en fin de journée, après les cours. Mais ça ne marchait pas non plus, car vécu comme une double punition et une stigmatisation aux yeux des élèves en surpoids. J’ai donc eu l’idée de créer une option sport santé ouverte à tous ceux qui avaient une problématique santé. »
 

 

Une alternative qui plaît

 
Le concept est simple, mais il fallait y penser. « L’idée est de proposer à une quinzaine d’élèves de 4e et 3e deux heures de sport santé par semaine, intégrées à leur emploi du temps, avec une heure le lundi et une heure le jeudi. La principale du collège m’a dit banco ! Très vite, à l’occasion de la rentrée scolaire 2018, nous avons eu des élèves motivés, ils étaient une bonne quinzaine. Puis, lors de la rentrée 2019, nous avons eu une trentaine de demandes ! Preuve que ce nouveau dispositif plaît », se réjouit Thomas Cuisset. Si l’option séduit autant, c’est notamment parce que le programme est diversifié et adapté aux besoins de chacun. « Nous proposons plein de choses », confirme le professeur d’EPS. « J’axe principalement les séances sur la musculation fonctionnelle et l’haltérophilie santé. Il est important de préciser que tous les élèves ne font pas les mêmes activités. Depuis le mois de janvier, j’ai constitué plusieurs groupes selon les besoins avec des exercices ciblés. Ils passent du plaisir de bouger à l’envie de s’entraîner. Il y a une vraie émulation qui se créée entre les élèves, alors qu’ils ne se connaissaient pas forcément avant de participer à l’option sport santé scolaire. Dorénavant, le plaisir de bouger est là pour ces élèves et c’est un vrai pas en avant », assure Thomas Cuisset, qui « check » tous les élèves en début de séance afin de créer un climat de confiance et de complicité. « Le but est vraiment de proposer une alternative à ces élèves qui ne trouvaient pas leur compte dans les cours d’EPS classiques. Certains étaient même en grande souffrance. Eux aussi ont le droit de transpirer, j’ai donc adapté plusieurs activités dans un cadre doux, un contexte privilégié. On s’adresse vraiment aux décrocheurs physiques de manière à leur redonner le goût du sport et de l’effort, à leur permettre d’apprécier davantage l’activité physique et donc d’améliorer leur état de santé. »
 

Tête, cœur et corps mobilisés

 
L’option EP3S ne joue pas seulement sur les corps. « Lors des séances, il y a trois temps : celui de la tête, celui du cœur et celui du corps. Le cœur, c’est donner envie de venir (et d’y revenir), de pratiquer une activité-plaisir afin d’améliorer la confiance en soi. Le corps, c’est l’activité physique en elle-même qui redonne le goût du sport et permet d’améliorer la santé de ces élèves. Et enfin la tête, c’est un temps de sensibilisation sur une dizaine de thématiques réparties tout au long de l’année. Je pense à des sujets forts comme les dangers de la malbouffe, de la cigarette ou encore de la sédentarité par exemple. » Le projet développé par Thomas Cuisset a d’ailleurs attiré l’attention de Mélanie Castro, sophrologue du côté de Flixecourt, toujours dans la Somme. « J’ai découvert cette option sport santé scolaire par voie de presse et je voulais vraiment apporter ma pierre à l’édifice. J’ai donc proposé mon aide à Thomas. » Désormais, Mélanie Castro vient bénévolement une fois par mois à la rencontre des élèves pour des séances de sophrologie. « Je travaille sur le développement personnel, j’essaye notamment de travailler avec ces élèves sur la confiance en eux et la gestion du stress. Ce sont des outils dont ils pourront bénéficier plus tard dans leur vie d’adulte. Ils sont très réceptifs et veulent que ça continue. Nous aimerions donc poursuivre cette collaboration l’année prochaine. Depuis la rentrée, j’ai constaté une vraie évolution, il y a une importante cohésion et un profond respect entre les élèves. » La sophrologue n’est pas la seule à apporter son aide, puisqu’une professeure de yoga vient à la rencontre des élèves trois fois dans l’année. En avril et en mai, une diététicienne viendra également échanger avec les collégiens.
 

 

Une première section sport santé ?

 
Désormais, EP3S peut-elle passer du statut d’expérience à celle d’option confirmée sur le long terme ? L’envie est là, mais la concrétisation semble complexe malgré le succès. « La Cellule académique de recherche, développement, innovation et expérimentation (CARDIE) d’Amiens a validé notre dossier sur trois ans. Ce n’est pas un soutien matériel, mais cela nous a permis de bénéficier de 70 heures sur l’ensemble de l’année scolaire précédente. Cela permet de rémunérer mes interventions, car ce sont des heures supplémentaires pour moi. L’aide de la CARDIE est cependant dégressive, ce qui fait que nous bénéficions d’un total de 30 heures pour cette année. Il en manque donc et Catherine Bertozzi, principale du collège, doit jongler habilement avec son budget pour joindre les deux bouts et permettre à l’option de continuer à exister », explique Thomas Cuisset. « Je ne me vois pas faire du bénévolat, j’ai envie de permettre à ce projet de se pérenniser. Le rêve que j’ai, c’est d’ouvrir un groupe pour les élèves de 6e et de 5e. Cela nous permettrait d’avoir un vrai suivi sur quatre ans, durant toutes les années de collège. Mais pour cela, j’ai besoin de quatre heures par semaine. Nous en avons parlé au Rectorat, puis j’ai été invité à présenter le projet au ministère des Sports au mois de janvier. Les choses avancent doucement, mais j’espère vraiment que cela évoluera, car nous avons désormais dépassé la phase de test. Le test est concluant, il faut donc passer à la suite. Mais je reste optimiste ! » La suite, ce pourrait être un projet ambitieux, celui de créer la première section sport santé. « Cela permettrait de pérenniser le dispositif mis en place. Je pense qu’il y a vraiment un truc à faire, il ne faut pas détourner les yeux des problèmes de santé de nos élèves : il faut agir. Je ne sais pas si ce que je propose est l’EPS de demain, mais les élèves et leurs familles adhèrent très fortement. C’est ce qui est le plus important à mes yeux. »
 
 

La marche nordique bientôt en action

EP3S n’en finit plus de grandir et d’évoluer… et son créateur avec elle. « Désormais, j’ai pour ambition de passer un diplôme universitaire et de me former au sport adapté », confie Thomas Cuisset, séduit par l’enseignement du sport santé. L’esprit du professeur d’EPS fourmille également de projets pour son option sport santé scolaire. « Pour l’année prochaine, j’ai le projet de lancer un atelier cuisine santé en collaboration avec la cheffe restauration du collège. Travailler sur la nutrition est important », explique-t-il. « Avant cela, nous sommes en passe de nous lancer sur une nouvelle activité : la marche nordique. Nous disposons d’un super terrain de jeu en milieu rural pour la pratique d’une telle activité, cela va permettre aux élèves de prendre l’air et de pratiquer une activité physique douce en extérieur. Nous avons d’ailleurs reçu très récemment le soutien et l’aide de l’enseigne Decathlon sur ce projet. C’est la preuve que EP3S plaît et mobilise de plus en plus. »
 

Par Olivier Navarranne
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