Auteur du livre « Bougeons ! », l’ancien député Régis Juanico, membre du collectif « Pour une France en Forme », alerte sur les ravages de la sédentarité en terme de santé publique, tout en livrant de précieux conseils sur les bonnes pratiques à adopter afin de lutter contre cette « bombe à retardement sanitaire ».
Dans « Bougeons ! », vous évoquez le thème de la hausse de la sédentarité et de la nécessité de l’activité physique. Qu’est-ce qui vous a poussé à tenter de mobiliser sur ce sujet ?
J’ai écrit mon premier rapport sur le sport-santé à l’Assemblée Nationale en 2009 et l’un des derniers sur la question de la sédentarité et de l’inactivité physique en 2021. Ces rapports sont une mine d’informations et de recommandations mais ne sont pas très « grand public ».
J’ai voulu donner un prolongement à ces travaux parlementaires avec un ouvrage documenté et accessible à tous pour lutter contre ce que j’appelle la nouvelle « addiction à la chaise et aux écrans ».
Les alertes sur les conséquences sanitaires de la sédentarité sont anciennes. Le cardiologue François Carré qui préface mon livre nous alerte depuis plus de dix ans en disant que la mèche est de plus en plus courte par rapport à cette bombe à retardement sanitaire. Le fait d’être en position assise ou allongée pendant plus de 7 heures dans une journée concerne 40 % de la population. La sédentarité représente 55% du temps de la journée d’un enfant du primaire et 75% pour les adolescents de 14-15 ans. La crise sanitaire ainsi que le recours au télétravail a aggravé tout cela.
François Carré dit assez justement qu’aujourd’hui, on constate de plus en plus l’apparition chez les jeunes adolescents de maladies chroniques qui sont généralement des maladies d’adultes comme le diabète, l’hypertension artérielle mais aussi des problèmes de surpoids et d’obésité, notamment d’obésité infantile qui concerne 34% des 2-8 ans . Nous avons désormais une jeune génération qui fait des infarctus à moins de 30 ans. C’est particulièrement alarmant.
Vous parlez des pouvoirs publics, ont-ils pris conscience, selon vous, de la gravité et de l’étendue de cette bombe à retardement ?
Non, c’est un peu comme la prise de conscience tardive sur le réchauffement climatique. On procrastine… sauf que l’enjeu c’est le capital physique, donc l’espérance de vie en bonne santé des jeunes générations qui est en jeu.
L’Organisation mondiale de la santé estime qu’on est face à une épidémie en termes de surpoids et d’obésité et parle de tsunami sanitaire. Il faudrait développer des politiques publiques dès les premières années de la vie, pour donner de bonnes habitudes en matière d’activité physique et sportive à conserver tout au long de la vie. Les canadiens parlent à juste titre de « littératie physique », c’est à dire agir pour un changement durable de nos comportements et de nos modes de vies plus actifs tout au long de l’existence.
La philosophie de cet ouvrage, ce n’est pas simplement d’alerter sur ce sujet, d’autres l’ont fait avant moi. Mais je trouve qu’il est important de proposer aux pouvoirs publics, mais aussi à nos concitoyens, une « boîte à outils », un mode d’emploi pour promouvoir des modes de vie plus actifs, à tous les âges de la vie et dans la vie quotidienne.
» Toutes les activités hors de nos chaises, aussi légères soient-elles, sont bénéfiques «
L’État mise notamment sur Paris 2024 pour accroître le nombre de pratiquants sportifs. Est-ce une étape importante, mais aussi suffisante ?
C’est une étape importante, même si tout cela sera mesuré dans la durée après les Jeux de Paris 2024 à l’aune de l’héritage sportif, territorial et sociétal. Les Jeux sont une vitrine sportive extraordinaire, mais éphémère… Cela peut être un tremplin pour accélérer un certain nombre de politiques publiques sportives et cela nécessite des moyens financiers et humains en faveur du sport. Mais si elles ne sont pas enclenchées avant les Jeux, il y a peu de chances qu’elles produisent des effets à moyen terme.
Je pense qu’il y a des mesures d’urgence à prendre, notamment au sein de l’école. On parle des 30 minutes d’activité physique par jour, qui est une bonne première étape. Mais il faut qu’on élargisse un peu la réflexion et qu’on aille au-delà. Une heure d’activité physique pour tous nos élèves me paraît nécessaire. Aujourd’hui, nous avons moitié moins d’élèves qui vont à l’école à pied ou à vélo par rapport aux années 1970. C’est alarmant et pousse à l’ultra sédentarité.
Il faut favoriser les mobilités actives (marche, vélo) en aménageant les abords des écoles et éviter que les parents déposent en voiture comme dans un « drive » leurs enfants devant l’entrée de l’école. Il faut aussi aménager les cours de récréation et le bâti scolaire pour encourager l’activité physique tout au long de la journée. Avoir une classe statique avec des élèves qui sont toute la journée assis derrière leur bureau, ce n’est plus possible. Il faut changer quelque chose.
Vous faisiez le parallèle avec l’urgence du dérèglement climatique. Aujourd’hui, est-il encore temps d’inverser la tendance concernant la hausse de la sédentarité ?
Bien sûr, à condition d’agir. L’étude « Inverser les courbes » du professeur François Carré montre qu’on peut agir positivement sur la capacité physique des élèves de 6ème avec des tests accompagnés de programmes d’activités physiques personnalisés en cours d’EPS. D’autres pays le font, alors pourquoi pas nous ? La culture d’évaluation des capacités physiques des élèves est très répandue en Slovénie ou en Finlande. Nous devons les généraliser en France, pas seulement les expérimenter…
En Australie ou en Norvège, les journées classiques à l’école se terminent à 15 heures et permettent de pratiquer des activités sportives, culturelles, artistiques. Au-delà Des leviers positifs, comme le « design actif » et l’aménagement des espaces publics pour favoriser le mouvement, il en existe plein. Il n’y a pas que la marche, le vélo ou la course à pied, ce qui compte ce sont les activités physiques régulières du quotidien.
Toutes les activités hors de nos chaises, aussi légères soient-elles, sont bénéfiques pour la santé et comptent dans la prévention des maladies chroniques : monter des escaliers, repasser, cuisiner, faire la vaisselle, passer l’aspirateur, ranger, bricoler, marcher d’une pièce à l’autre, promener son chien, jardiner…