Emmené par une nouvelle ministre et à l’approche du débat budgétaire, le sport français a rendez-vous avec son avenir…
29 août 2018. Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français, réunit un Congrès extraordinaire pour plaider la cause du sport dans le débat budgétaire. Après 8 mois de marathon sur la gouvernance, il part en croisade sur le financement du sport (en baisse de 13 % depuis 2017, de 520 à 453 millions d’euros, sans compter la disparition progressive des emplois aidés), suivant en cela les demandes des présidents de fédérations et des clubs. Il s’insurge contre le durcissement du plafonnement de la taxe Buffet sur les droits TV des rencontres sportives et dénonce même un « hold-up », car l’argent du sport doit financer le sport.
4 septembre 2018. Démission fracassante de la ministre des Sports Laura Flessel. Quelques heures plus tard, Roxana Maracineanu la remplace. On sait qu’elle a du caractère, de la volonté.
7 septembre 2018. Coup de tonnerre. L’Agence France Presse publie la lettre plafond de Matignon demandant la suppression de 1 600 ETP au ministère des Sports. La nouvelle glace le monde du sport. L’effort qui lui est demandé est 25 fois supérieur à celui des autres ministères en moyenne. La ministre réagit vite. Le 9 septembre, elle dénonce « l’annonce brutale de suppressions de postes et promet des solutions ».
10 septembre 2018. Suite à son rendez-vous à Matignon, la ministre joue l’apaisement et indique que seul est en cause le statut des Conseillers techniques sportifs (CTS), pas leur emploi. Mais cela ne résout pas la question du financement de ces emplois demain, les fédérations n’ayant pas toutes, loin de là, la capacité à prendre le relais de l’État.
Pour alimenter la réflexion, RLSF souhaite mettre en avant les convictions suivantes, étayées dans notre rapport du 2 juillet dernier :
- Au-delà du choc, la famille du sport doit obtenir des clarifications. D’où vient ce chiffre de 1 600 ? Qui vise-t-il ? Pourquoi arrive-t-il après huit mois de concertation ? Pourquoi ce choix sur une période 2018-2022 pourtant cruciale pour la préparation des Jeux de 2024 ?
- Le sport doit contribuer à la réduction du déficit public. Avec 2 255 milliards d’euros de dette, il n’y a pas de petites économies pour le pays. Et chacun sait que des gisements de productivité existent au ministère des Sports, dont la masse salariale a grossi de 80 millions d’euros (de 243 à 322 millions d’euros) de 2011 à 2016.
- Ce ministère doit se transformer. Pas être sabordé, ni englouti par l’Éducation nationale, mais il doit se réformer avec énergie, ambition, en commençant par le commencement : la remise à plat des missions. Victime d’une inflation législative – 22 lois sur le sport en 10 ans et un code du sport qui dépasse les 300 articles -, il s’est trop dispersé au regard de ses moyens dans la période récente.
- Le nécessaire recentrage des missions autour d’un État « stratège » et non plus opérateur, combiné à la perte de vitesse des services déconcentrés de la Jeunesse et des Sports, justifie une baisse du nombre de CTS. Mais dans des proportions et un calendrier plus raisonnables et plus concertés qu’annoncé ; une vraie programmation pluriannuelle négociée entre l’État et le mouvement sportif semble la seule issue. Et il faut une modernisation vigoureuse de leur gestion avec pour maître-mot la mobilité : il sera indispensable à l’avenir de mieux tenir compte de la réalité des projets et des moyens de chaque fédération, là où aujourd’hui 80 % des CTS sont concentrés sur 5 régions, dont 50 % en Île-de-France !
- Passons du discours à l’action pour accompagner le mouvement sportif dans la nécessaire évolution de son modèle économique. Là est la clé de son autonomie. Les fédérations doivent développer leurs ressources propres en nouant des partenariats de sport-santé, en organisant des événements rentables avec les collectivités et le secteur privé, en déployant des infrastructures et des services adaptés aux attentes du public et aux nouvelles façons de faire du sport.
- Cette réflexion sur le modèle économique est une opportunité pour les fédérations de s’ouvrir à d’autres acteurs et d’adapter en parallèle leur gouvernance (certaines le font), et pour le sport français de se rapprocher des entreprises, des professionnels de santé, des écoles et des universités dans une logique d’écosystèmes.
- Le monde du sport doit s’armer de profils plus diversifiés, d’une culture de l’efficacité de l’euro investi, ne plus vaciller sur ses chiffres, focaliser son attention sur les quelques indicateurs de performance utiles pour son pilotage et porter à l’unisson (avec les parlementaires qui ont compris tout l’apport du sport à la société) les bons arguments socio-économiques pour être entendu de Bercy et convaincre Matignon.
Le sport français a rendez-vous avec son avenir. Sous des dehors rocambolesques, la rentrée du monde du sport, à l’approche du débat budgétaire, de la création de l’agence du sport et de la privatisation de la Française des Jeux, grande contributrice au financement du sport, est stratégique.