Se reconstruire et être « Comme les autres »

Depuis 2011, l’association « Comme les autres », créée par Michael Jérémiasz, son épouse et son frère, propose un accompagnement social dynamisé par le sport et les sensations fortes aux personnes devenues handicapées moteur après un accident. En perpétuel développement, l’association accompagne une centaine de personnes chaque année.

7 février 2000. Michaël Jérémiasz est en vacances à Avoriaz. Le jeune homme d’à peine 18 ans est alors victime d’un accident de ski qui le laisse paraplégique. Le début d’une longue reconstruction. « Dans mon cas personnel, le sport est arrivé dès le premier jour de ma rééducation. J’étais encore faible, j’étais alité depuis un mois, mais j’ai commencé le sport avec des haltères », confie Michaël Jérémiasz. « Ça m’a énormément apporté : j’ai pu sortir de mon lit tout seul, être autonome, avant de me reconstruire. Tout ce travail-là autour du sport m’a permis de reprendre confiance en moi, de créer du lien social en allant dans une salle de sport avec d’autres personnes, et surtout de vivre mieux. L’activité sportive me permet de bénéficier d’un bien-être physique qui impacte forcément mon bien-être psychologique. Le sport a des vertus qui peuvent apporter énormément à chacun. C’est ce message-là que nous faisons passer. » Car, en plus d’être champion paralympique et vainqueur de huit tournois du Grand Chelem en tennis fauteuil, le natif de Paris a tenu à s’engager auprès des personnes handicapées. « La création de l’association « Comme les autres » est le fruit de discussions, de ressentis et d’une vision commune avec mon frère et mon épouse. La première année, nous avons organisé deux séjours sportifs à sensations fortes, dont le premier à la montagne, en référence à l’accident que j’avais eu quand j’avais 18 ans. »

Le sport parmi les outils de la reconstruction

L’aventure est alors lancée. L’association « Comme les autres » propose un accompagnement qui mêle suivi personnalisé par un travailleur social et participation à des activités collectives en mixité handicapés-valides, notamment à sensations fortes. L’accompagnement s’étale sur une durée d’un an. Co-construit par le bénéficiaire et un travailleur social de l’association, il intègre tous les aspects de la vie : mobilité, accès aux droits, logement, vie affective, lien social, accès au sport, à la culture et aux loisirs ou encore insertion professionnelle. L’activité sportive fait partie des outils essentiels, puisqu’en parallèle de l’accompagnement individuel, de nombreuses activités collectives sont proposées aux bénéficiaires tout au long de l’année. La plus intensive : un séjour-aventure sportif de cinq jours. Le but de cette formule : accélérer le rebond des personnes handicapées moteur à la suite d’un accident vers une vie épanouie. « L’impact de l’accompagnement social que l’on propose est fort et a fait ses preuves », explique Michaël Jérémiasz. « Cet accompagnement permet à ces personnes de se reconstruire, d’avoir un nouveau projet de vie et de retrouver une vie sociale épanouie. Nous avons l’objectif que cet accompagnement fasse partie du parcours de soins. Aujourd’hui, en sortant de centre de rééducation, nous ne sommes pas armés pour faire face à l’hostilité de la société. » Qui plus est en période de pandémie. « Les personnes handicapées sont, de base, assez sédentaires. La pandémie liée à la Covid-19 n’a donc rien arrangée de ce point de vue-là. Les conséquences, tant physiques que psychologiques, sont importantes. De notre côté, nous avons réussi à maintenir le lien avec nos bénéficiaires durant toute cette période. J’ai moi-même animé plusieurs séances de sport en distanciel que les bénéficiaires pouvaient pratiquer chez eux », détaille Michaël Jérémiasz.
 

Plus de 500 bénéficiaires handicapés accompagnés

« Dix ans plus tard, nous avons créé six antennes en France et nous avons accompagné plus de 500 bénéficiaires handicapés », poursuit le président de « Comme les autres ». « L’association compte aujourd’hui une quinzaine de salariés et grandit progressivement. « Comme les autres » est une association impactante qui change concrètement la vie d’hommes et de femmes. Je ne peux en être que très fier. » Alors que l’association fête ses dix ans d’existence cette année, le développement est au cœur de l’action de Michaël Jérémiasz et de son équipe. « Il y a environ 2000 nouveaux blessés médullaires chaque année en France. On veut pouvoir répondre à toutes ces personnes-là », souligne le président de l’association. « Pour le moment, nous accompagnons les personnes majeures. De plus, certaines personnes font le choix de ne pas être accompagnées et d’être uniquement dans le circuit hospitalier. Malgré cela, nous avons la volonté d’accompagner plus de personnes et de répondre à tous ceux qui le souhaitent. A plus long terme, nous aimerions ouvrir l’association à un public plus jeune, et pourquoi pas à d’autres pathologies. L’accompagnement que nous proposons peut être appliqué à beaucoup de monde et pas seulement à un public handicapé. Mais pour le moment, nous avons un savoir-faire, un accompagnement qui a fait ses preuves et il est important d’en faire bénéficier avant tout les personnes handicapées. »

Paris 2024, rendez-vous capital

En effet, aux yeux de Michaël Jérémiasz, le handicap est, malgré quelques avancées, toujours un sujet qui passe trop souvent au second plan. « La situation des personnes handicapées évolue, mais en réalité, nous sommes, aujourd’hui encore, la minorité la plus discriminée de notre pays. C’est tout de même grave, alors que nous sommes en 2021. Le chômage est deux fois plus important chez les personnes handicapées que chez les personnes valides. Malgré le fait que les quatre derniers présidents de la République aient fait du handicap une cause importante, aucun n’a réussi à trouver une place juste aux personnes en situation de handicap. Il y a donc encore un important travail collectif et citoyen à mener. » Un travail que l’association « Comme les autres » mène, notamment en collaboration avec le mouvement sportif. « Aux yeux du mouvement sportif, il y a eu une vraie accélération après les Jeux de Rio », révèle Michaël Jérémiasz. « Il y a eu un vrai rapprochement entre le sport valide et le sport handi, avec une banalisation de la différence ; qu’il soit valide ou handicapé, un athlète est un athlète. Pour nous, dans le travail et l’accompagnement proposés par l’association, le sport est un outil. Plusieurs fédérations, ainsi que le Comité d’organisation de Paris 2024, sont des partenaires qui nous font confiance dans ce que nous proposons. » Dès lors, le rendez-vous de Paris 2024 résonne comme une occasion en or de faire avancer la cause des personnes handicapées. « Plus qu’une occasion, c’est une obligation », précise Michaël Jérémiasz. « Les Jeux Paralympiques se doivent de contribuer à un changement de regard profond sur les personnes handicapées. Je pense que ce rendez-vous doit permettre de mieux vivre ensemble, d’opérer un vrai travail de fond sur les infrastructures en matière d’accessibilité et de trouver une place plus juste pour les personnes en situation de handicap. C’est un rendez-vous qu’il ne faut pas rater et qui peut nous faire gagner dix à vingt ans en termes d’avancée pour les personnes handicapées. »

Olivier Navarranne
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