Sébastien Poirier : « Le monde fédéré n’est pas has-been ! »

CNOSF-KMSP

Président de la Fédération française de motocyclisme, Sébastien Poirier est aussi vice-président du CNOSF en charge de la transformation économique. Un sujet sur lequel le dirigeant estime que le monde fédéré a eu une réelle prise de conscience lors de la crise sanitaire, lui permettant désormais d’innover.

La transformation économique est une thématique majeure au CNOSF depuis plus de deux ans. Pourquoi est-ce un sujet plus urgent que jamais ?

C’est en effet un sujet capital et sur lequel il faut agir. Dans l’étude économique lancée en 2022, on a pu constater qu’un fort pourcentage de fédérations dispose de recettes qui proviennent à plus de 50% des licences. Pendant la crise sanitaire, la baisse du nombre de licenciés a logiquement impacté les recettes des fédérations. Il est donc apparu plus que jamais essentiel de diversifier les sources de revenus.

Face à ce constat, quelles sont les solutions ?

Il est important de souligner que des fédérations n’ont pas attendu le CNOSF pour œuvrer sur ce sujet. 35% des fédérations ont créé, ou sont en train de le faire, une structure qui a pour finalité de récolter des fonds. Je pense à des filiales, des sociétés privées, des fonds de dotations, des fondations… C’est une démarche que nous saluons et d’autres fédérations peuvent s’en inspirer. Le rôle du CNOSF est de contribuer à ce partage d’expériences et de bonnes pratiques. Nous sommes 109 membres associés et fédérations au sein du CNOSF, qui n’ont pas tous le même modèle économique. En revanche, il faut identifier les fédérations qui ont fait preuve d’innovation sur le plan économique pour qu’elles puissent en faire bénéficier l’ensemble des fédérations. C’est un travail que nous menons désormais avec 90 référents au sein des différentes fédérations. Nous avons aussi mis en place une veille économique qui a pour objectif de partager les informations dans l’écosystème sportif. Il y a également des réunions régulières sur des thématiques variées, comme le mécénat, le sponsoring, les fonds de dotations, les licences… Tous ces aspects-là sont abordés. Enfin, nous avons signé une convention avec le Medef (mouvement des entreprises de France) pour un rapprochement entre le monde associatif et le monde économique. La volonté de Brigitte Henriques (la présidente du CNOSF) est de créer des synergies entre les deux mondes, dans le respect des vocations de chacun.

« Toutes les fédérations concurrencées sont dans une démarche d’évolution »

Parmi les grandes avancées sur ce sujet de la transformation économique, le CNOSF a lancé « Ma Petite Sponso », une plateforme de « cashback solidaire ». Quel est son objectif ?

Nous avions à cœur de travailler sur une plateforme pratique, simple d’utilisation et qui permette de toucher directement les clubs fédérés en matière d’accompagnement économique. Cette plateforme de cashback est doublement solidaire. Premièrement, l’utilisateur s’engage à reverser a minima 50% de sa cagnotte à un club fédéré de son choix. Deuxièmement, le club aura la capacité d’intégrer dans ce réseau l’un de ses partenaires et pourra en faire bénéficier l’ensemble des utilisateurs de la plateforme. Cet aspect est innovant et permet de créer une communauté dirigée vers le sport. Aujourd’hui, deux tiers des clubs disposent d’un budget annuel qui avoisine les 12 000 euros. Dans cette somme, la part de partenariats privés représente environ 1 000 euros. Nous sommes donc sur de toutes petites participations de la sphère privée. Avec « Ma Petite Sponso », nous avons l’envie de créer de l’activité économique, de faire en sorte que ce cagnottage puisse bénéficier aux clubs fédérés. C’est la première fois que le CNOSF met en place une action de ce type. C’est une grande avancée.

Agir au cœur des territoires, comme le fait « Ma Petite Sponso », cela semble essentiel pour rendre cette transformation économique durable et pérenne…

Exactement. Nous sommes dans l’air du temps en valorisant les circuits courts et la consommation locale, tout en assurant la promotion du tissu associatif et de ses liens avec les entreprises. Je pense sincèrement qu’il y a des valeurs fortes qui sont attachées à cette plateforme. Surtout, « Ma Petite Sponso » s’adresse à tout le monde, ce qui n’est pas rien. Toutes les fédérations sont loin d’avoir le même modèle économique. Certaines ne sont pas du tout concurrencées, d’autres le sont par des fédérations multisports ou des structures privées. Toutes les fédérations concurrencées sont dans une démarche d’évolution. Aujourd’hui, il y a un public qui se fédère, mais qui n’a pas forcément l’envie de participer à des compétitions. C’est un public loisir, et donc client. Cela nécessite pour les clubs et les fédérations de s’approprier cette nouvelle forme de licenciés. Il y a une approche consumériste plus forte et l’on doit en tenir compte pour continuer à évoluer et se développer. Le monde fédéré n’est pas has-been. Les fédérations sont en train d’opérer leur révolution économique. Tout cela ne se fait pas du jour au lendemain. Le CNOSF est là pour les accompagner.

Le golf et la randonnée montrent la voie

Les Fédérations françaises de golf et de randonnée font partie des plus actives sur la transformation économique. Chacune en s’appropriant la thématique à sa manière.

Sur le sujet de la transformation économique, certaines fédérations sont plus avancées que d’autres. Mais toutes ont un point commun : la volonté d’évoluer en misant sur la stratégie la plus adaptée. Pour la Fédération française de golf, cette transformation ne date pas d’hier. « C’est un sujet dont nous nous sommes emparés il y a plus de dix ans, confie Aurélien Didier, directeur Relations Clubs au sein de la Fédération française de golf. La licence représente 70% des ressources totales de la fédération, ce qui est une part extrêmement importante. Nous avons donc souhaité innover sur cette question de la licence, en l’abordant aujourd’hui comme un produit. On le commercialise à travers nos clubs, qui sont un réseau de distribution. » Les clubs sont ainsi au cœur de la transformation économique opérée par la fédération. « Le mot produit n’est pas un gros mot. Nous avons bâti une relation gagnant-gagnant entre la fédération et les clubs à travers le produit licence. Si la FFGolf est plus forte économiquement parlant, elle pourra apporter de nouveaux services aux clubs, souligne Aurélien Didier. Depuis 2014, nous avons mis en place des formations de vente concernant notre activité et notre produit licence. » Un produit licence devenu pilier sur lequel repose la transformation économique du golf français… avec une hausse de licenciés de 10% sur les dix dernières années.

La FFRandonnée, modèle unique

De son côté, la Fédération française de randonnée mise sur plusieurs cartes au moment d’opérer sa transformation économique. « Nous avons, depuis de très nombreuses années, un modèle économique qui est bien diversifié. La part des subventions de l’État dans notre budget est de 7%, révèle Grégorie Lartigot, directeur général de la fédération. Nos recettes viennent de nos licences, bien sûr, mais aussi de notre activité éditoriale, qui représente 20% de notre budget. La Fédération française de randonnée possède une maison d’édition en interne. Une dizaine de personnes gère cette activité, avec un catalogue de 220 titres. » Un modèle unique pour une fédération sportive, qui ne se limite donc pas à son activité “classique”. « C’est un modèle que nous devons continuer à faire évoluer. Depuis deux ans, nous avons lancé de grands chantiers, souligne Grégorie Lartigot. Nous finalisons la création d’un fonds de dotation baptisé “Esprit Rando”. Cela doit nous permettre de dégager des ressources supplémentaires pour développer des actions. Nous renforçons aussi notre offre numérique autour de l’application “Ma Rando”, qui permet d’intéresser de nouveaux publics à notre discipline, et donc de développer les recettes de la fédération. » Sur le chemin de la transformation économique, la rando avance décidément à toute allure.

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