Snowboard – Sylvain Dufour : « Pas très optimiste pour l’avenir »

Sylvain Dufour (FRA) during Final Run at Parallel Giant Slalom at FIS Snowboard World Cup Rogla 2019, on January 19, 2019 at Course Jasa, Rogla, Slovenia. Photo by Jurij Vodusek / Pixathlon / Icon Sport

Sylvain Dufour a vécu l’âge d’or du snowboard alpin français, qui a désormais de plus en plus de mal à exister. Le Vosgien – véritable caméléon capable de s’adapter aux entraînements de différentes équipes nationales – parle de la saison à venir, mais aussi plus généralement de l’évolution de son sport.

 
Sylvain, quel bilan fais-tu de la saison dernière ?
La saison dernière, je fais une deuxième place en Corée du Sud, ce qui est assez encourageant. J’arrive bien à m’exprimer, sur une neige qui me convient, sur une piste qui me convient. Un peu frustré de ne pas gagner forcément. A côté de ça, ma saison a été assez irrégulière par rapport à l’année précédente où j’étais tout le temps dans le Top 6. Des hauts et des bas donc, j’étais un peu déçu des championnats du monde, je me suis blessé deux jours avant d’arriver et je n’ai pas pu m’exprimer comme je voulais. Mais on repart pour une nouvelle année avec une page blanche.
 
La préparation physique s’est bien passée ?
La préparation physique, c’est toujours pareil, il suffit de suivre les schémas qu’on nous donne et les séances qu’on doit faire. Et puis, j’ai fait un gros travail sur la préparation mentale pour essayer de retrouver cette régularité et d’être un peu plus polyvalent sur des types de neige différents.
 
Qu’apporte un coach mental ?
Pour moi, c’est le seul endroit où il y a matière à creuser. Techniquement, on sait ce qui faut faire. Physiquement, c’est pareil. Un coach mental, ça apporte beaucoup de tranquillité, on sauvegarde aussi beaucoup notre énergie. On apprend à monter en pression au moment où il le faut, on arrive à se relâcher quand il faut, on gagne énormément de temps. Et on sauve beaucoup d’énergie.
 
Quels sont tes objectifs cet hiver ?
Ils s’adaptent au fil de l’hiver selon le déroulement des courses. Mais mes objectifs sont assez élevés, j’aimerais faire quelques podiums cet hiver, faire un Top 8 ou un Top 6 au classement général de la Coupe du monde. Il va falloir être régulier.
 

« Je suis tout seul, il n’y a personne derrière »

 
En 20 ans en équipe de France, tu as vu le snowboard alpin évoluer…
Moi, j’ai vu le déclin du snowboard alpin en France. J’ai connu l’âge d’or, où on était capable de mettre 7 Français dans le Top 10 mondial. L’équipe de France était très, très forte. Maintenant, je suis tout seul, il n’y a personne derrière, il n’y a pas de relève. Et je trouve ça un peu triste de ne pas pouvoir transmettre. Pour l’Amérique du Nord et l’Europe de l’Ouest, le snowboard alpin, c’est quasiment fini. Par contre, il y a l’Asie et l’Europe de l’Est qui poussent. L’Italie, la Suisse, il y a d’énormes équipes.
 
Comment expliquer ce déclin ?
En France, on a la chance d’avoir un domaine skiable assez incroyable, donc on va plus facilement vers le Free Ski ou les bosses. Après, il y a aussi le tarif. Quand j’ai commencé, on était soutenu. Quand on avait 12, 14 ans, on avait à disposition des snowboards, des chaussures, on arrivait à trouver des sponsors. Aujourd’hui, le marché est tellement restreint, que ce sont trois artisans qui font des planches et ça coûte 1 000 euros la planche. Ils ne peuvent pas sponsoriser parce qu’ils n’en vendent pas assez, donc aujourd’hui, si on a 14 ans et qu’on veut commencer, il faut déjà que les parents lâchent 3 000 euros : une board à 1 000 euros, une plaque à 1 000 euros et des chaussures à 1 000 euros. En dessous du genou tu as 3 000 euros, il faut avoir les reins solides. Je suis conscient que ce n’est pas un sport mécanique, mais ce n’est pas donné à tout le monde. Si je devais recommencer aujourd’hui à 15 ans, je pense que ce serait nettement plus compliqué sans avoir des parents avec de l’argent derrière.
 

 
Comment vois-tu l’avenir de ton sport ?
Je ne suis pas très optimiste en France. Par contre, en Russie, ils achètent les boards par centaines, les riders et les enfants font leur choix dedans, c’est un autre monde. C’est peut-être aussi un choix de la Fédération, qui, à un moment donné, a voulu réorienter les snowboardeurs dans le Snowboard Cross pour avoir un peu plus de chances de briller.
 
Tu es seul en équipe de France, comment fais-tu pour t’entraîner ?
Je me suis entraîné pendant des années avec le Japon, après je me suis entraîné cinq ans avec la Corée du Sud, toujours avec le même coach, qui était français. Cette année mon coach a décidé de partir avec la Chine, donc moi je me retrouve avec la Bulgarie, le coach bulgare et un seul athlète. On est deux athlètes pour un coach, ça reste optimum comme fonctionnement. L’avantage, comme on est deux, c’est qu’on peut se raccrocher à beaucoup d’équipes qui veulent de nous. On a un Team assez fort, avec mon palmarès et celui du Bulgare, qui a gagné deux Gros Globes. Les équipes nous accueillent facilement. C’est cool, on arrive à organiser des entraînements avec de grosses équipes.
 

« Le snowboard alpin ne fait plus vraiment rêver en France »

 
N’est-ce pas trop dépaysant de passer d’un pays à l’autre pour l’entraînement ?
Nous sommes un petit sport, on n’est pas encore pourri pas le pognon. On se connaît tous très bien. Quand on est sur la neige, il n’y a pas de potes, mais quand on fait des bringues en fin de saison, on le fait tous ensemble. De toute façon je n’ai pas le choix, je suis tout seul. Je suis avec les Américains, les Allemands, les Autrichiens et on fait les cons tous ensemble. Donc butiner d’équipe en équipe, ça ne me dérange pas.
 
J’imagine que tu dois partir à la recherche de partenaires privés…
J’ai vu ces dernières années chuter les participations des partenaires, divisées par deux où carrément s’arrêter. C’est très dur de retrouver des partenaires parce que le snowboard alpin en France ne fait plus vraiment rêver. C’est dur de trouver des partenaires et de finir l’année en positif. C’est triste, surtout que L’Equipe m’a dit que c’était la discipline qui marchait le mieux au niveau des audiences, le snowboard parallèle, parce que c’est assez simple à comprendre. Je pense aussi qu’il y a une explosion de disciplines dans tous les sens, avec tous les sports extrêmes. Mais il n’y a pas la même explosion de sponsors généreux.
 
As-tu discuté avec la Fédération de l’avenir du snowboard alpin ?
Ça fait 20 ans que je suis en équipe de France. J’ai beaucoup râlé, j’ai beaucoup poussé de portes pour finalement me rendre compte que le seul moyen d’avancer, c’est d’avancer soi-même. On n’est jamais mieux servi que par soi-même, il faut chercher, trouver. La Fédération m’aide comme elle peut, elle me soutient quand même. Mais c’est vrai que la Fédération ne va plus pousser pour faire du snowboard alpin, donc à moi de trouver des sponsors pour m’équiper et financer ma saison. J’ai la chance d’être en Alsace, d’avoir pas mal de subventions, d’être athlète SNCF… Je suis bien déchargé pour pouvoir faire ma passion. Je m’en sors comme ça. Mais ça reste une passion, et une passion ça coûte cher.
 
Un des avantages de ton sport, c’est qu’il te permet de voyager…
C’est pour ça que je me suis mis au snowboard à la base, parce que ça me permettait de voyager et de m’évader de la maison.

Propos recueillis par Simon Bardet
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