Sophia Bouderbane : « À cœur de montrer que le karaté a sa place aux JO »

(L-R) Sophia Bouderbane of France (-50kg) and Gulsen Demirturk of Turkey (-50kg) during Day 1 of the Karate French Open at Salle Pierre Coubertin on January 25, 2019 in Paris, France. (Photo by Dave Winter/Icon Sport)

De retour de Rabat où elle disputait une étape de Premier League qualificative pour les JO, la jeune Varoise (23 ans), étudiante-ingénieure en même temps à l’INSA Lyon, évoque son titre de championne d’Europe acquis fin mars et le combat des karatékas pour maintenir leur discipline aux JO de Paris en 2024.

 

Comment avez-vous vécu votre titre de championne d’Europe ?

Comme un aboutissement. J’avais déjà été titrée quatre fois chez les jeunes. J’avais aussi terminé 3e en 2014, à 18 ans. Entre-temps, en 2016, j’ai subi une grosse opération de la hanche en raison d’une malformation natale. Et cette année, je suis de nouveau sélectionnée et je ramène le titre : c’est vraiment une joie énorme. Aujourd’hui, j’ai conscience de la chance que j’ai et j’ai envie de profiter de chaque victoire. C’est donc un aboutissement mais aussi le début de nouvelles choses, j’espère.

Lesquelles par exemple ?

(rires) Pourquoi ne pas décrocher un titre l’an prochain et surtout une qualification pour les Jeux olympiques. Je rêve évidemment d’une médaille, on en rêve tous. Ce sera déjà très rude d’obtenir une participation. En karaté, il y a 5 catégories de poids actuellement, mais seulement 3 sont olympiques. Je suis en -50 kg, mais la catégorie olympique est -55 kg. Cela va donc être très compliqué, il peut ne pas y avoir de Française qualifiée dans ma catégorie. Je suis actuellement 8e mondiale. J’ai envie d’y arriver et de me battre pour ça. La qualification, c’est mon objectif premier.

D’autant que cela devrait être votre seule chance de médaille olympique. Votre titre européen vous a-t-il aidée à digérer l’annonce de l’absence du karaté aux JO 2024 ?

Non, c’est une satisfaction et un titre, mais ça n’efface pas du tout cette grande déception. Maintenant, nous sommes plus dans la reconquête. On a grand espoir que le karaté soit réintégré, car il n’y a pas de raisons valables qu’il ne le soit pas. Donc, on va se battre en réalisant les meilleurs résultats possibles, comme celui que j’ai vécu aux Europe. Toute l’équipe de France a à cœur de montrer que nous avons notre place aux JO et j’espère que l’on fera changer les choses.

En vous battant de quelle manière ?

On a lancé sur les réseaux sociaux une première campagne qui s’appelle « Belt of hope ». Cette « ceinture de l’espoir » est aux couleurs des anneaux olympiques, c’est une campagne de communication pour sortir du monde du karaté et toucher un peu plus de monde. L’objectif, c’est que des personnalités, des chanteurs, des athlètes, des journalistes la portent pour montrer leur soutien au karaté et faire réintégrer notre sport aux JO. De leur côté, la fédération française et la fédération internationale sont plus dans des manœuvres juridiques pour faire changer les choses. Plusieurs réunions ont eu lieu avec le COJO et la ministre des Sports. Ces réunions nous font penser que ce n’est pas rédhibitoire, on a de bons espoirs. Nous ne demandons pas que le karaté soit réintégré à la place d’un autre sport, on demande à être rajouté.

Quel sentiment vous anime ?

Pour nous, c’est une injustice, mais aussi beaucoup d’incompréhension. Aucun argument factuel n’a été avancé, on n’a pas eu d’explication. Donc, c’est en même temps une trahison. On se bat depuis des années pour être aux JO. On y arrive enfin en 2020. On s’est dit qu’on s’inscrivait sur la durée. Notre sport, compte tenu de sa popularité et du nombre de pratiquants (presque 300 000 licenciés, NDLR), le mérite. Pour un Français, l’annonce est encore plus dure à accepter et en plus elle est faite juste avant 2020. C’est donc très décevant et très dur à encaisser au niveau de la forme.

Entre la joie de voir le karaté entrer aux JO dans le pays symbolique qu’est le Japon et se dire, pour le moment, qu’il sera retiré dès l’olympiade suivante, les sentiments doivent être contrastés ?

C’est très compliqué à vivre : c’est comme si on nous offrait quelque chose et qu’on nous le retirait tout de suite avant même de pouvoir en profiter. Ceux qui iront à Tokyo seront donc animés d’un sentiment particulier. Ils devront donner le maximum pour monter que notre sport mérite de rester aux JO. Si ce sont les seuls JO que nous aurons, il faudra que les Français soient les seuls champions olympiques (rires).

Comment avez-vous débuté le karaté ?

J’ai commencé à 3 ans et demi dans mon petit village du Var, Pignans. Mon frère et ma sœur aînés le pratiquaient, je les ai donc suivis. J’aime beaucoup de sports, la course à pied, le foot, le hand, mais en club, je n’ai toujours fait que du karaté. Aujourd’hui, on ne vit pas de ce sport, mais j’ai la chance d’avoir deux sponsors (FDJ et Michelin) qui s’intègrent dans mon projet. Ils ont été intéressés par mon profil : l’un parce que j’ai remporté les Étoiles du sport en décembre 2017, l’autre parce que je suis aussi étudiante à l’INSA.

Propos recueillis par Sylvain Lartaud

 

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