Sportifs et handisportifs à la conquête du volcan Uturuncu

En août 2021, sportifs, handisportifs et scientifiques partiront pour l’Expédition Uturuncu en Bolivie. Eric Perera, enseignant-chercheur à l’UFR STAPS de l’université de Montpellier, parle de ce projet dont il est l’initiateur.

 
En quoi consiste le projet appelé Expédition Uturuncu, monté à l’UFR STAPS de l’université de Montpellier ?
Notre Expédition Uturuncu est un projet porté par l’association Planète Handisport (plus d’informations), présidée par Emmanuel Senin et parrainée par Philippe Croizon, 1er athlète quadri-amputé à avoir traversé la Manche à la nage ainsi que par Marie Bochet, l’athlète la plus titrée des Jeux paralympiques d’hiver en ski alpin. L’équipe réunit 15 sportifs qui ont pour objectif d’atteindre le sommet du volcan Uturuncu en Bolivie qui culmine à  6008 m d’altitude. Ce qui fait toute l’originalité du projet, c’est que l’ascension se fera en VTT, et embarquera 6 personnes en situation de handicap dans l’aventure, en action sur leur matériel adapté, en l’occurrence sur des fauteuils tout terrain (FTT). Ainsi, en août 2021, nous allons passer 30 jours sur la Cordillère des Andes, parcourir 1000 km en traversant trois pays d’Amérique du Sud avec plus de 9000 m de dénivelé positif ! C’est aussi l’opportunité d’essayer de battre le record d’ascension FTT qui est de 5 600 m d’altitude. Au programme : traversée du plus grand salar au monde, mais aussi du désert le plus aride sans oublier la progression jusqu’au sommet qui se fera sur de la roche volcanique… Ce projet vise à changer le regard sur le handicap en réalisant une première mondiale tout en véhiculant des valeurs fortes comme la solidarité et le partage entre pratiquants en situation de handicap et valides, l’«autrement capable» comme le dit Philippe Croizon, le dépassement de soi, l’innovation technologique et bien d’autres encore…
Dans un premier temps, vous comptiez partir à l’été 2020. Pourquoi avez-vous repoussé la date de départ d’un an ?
À l’origine, nous devions utiliser des FTT « manuels » pour deux de nos handisportifs. Les vététistes devaient donc les pousser et les tracter en montée. Mais cette notion de partage et d’entraide devenait un frein, car les handisportifs avaient cette volonté d’être acteurs de l’effort. Nous avons donc eu l’idée d’un fauteuil tout terrain à maindalier (pédalier à main) avec une assistance électrique (AE) qui leur donnerait beaucoup plus d’autonomie. Notre partenaire Mont-Blanc Mobility (MBM) a accepté de créer ce prototype de FTT spécialement pour nous, mais le développement de celui-ci demande du temps. C’est ce qui a logiquement retardé l’expédition d’un an. Repousser en 2021 a entraîné le changement de chef d’expédition qui a aux alentours de 70 ans et ne pensait pas pouvoir continuer. Son remplaçant est Yann Wulser, gérant du groupe Altaï Travel.
 

Que va apporter ce nouveau prototype FTT à maindalier AE ?
Il permettrait aux handisportifs de rentrer dans l’activité et d’être autonomes. Ce changement redistribue la donne au niveau de l’organisation et de la performance. Nous n’avons plus besoin de faire des rotations, il y aura donc moins d’arrêts et au lieu de les pousser, nous serons à leurs côtés. Nous avons pu augmenter le niveau d’effort demandé dans l’expédition, en ajoutant par exemple des sommets à franchir avant l’ascension finale. Au retour de notre aventure, le modèle de FTT développé spécialement pour notre expédition sera commercialisé.
Quels sont les profils des personnes qui seront présentes lors de l’expédition ?
L’équipe compte 15 membres dont 6 handisportifs. Parmi eux, nous pouvons compter sur Emmanuel Senin, paraplégique, président de l’association Planète HandiSport (PHS) et actuellement chef de projet. Il est un ancien compétiteur de haut niveau en ski alpin ainsi qu’en ski nautique. Marie Bochet, née avec une agénésie de l’avant-bras gauche, est notre marraine de l’expédition. Grande championne de ski alpin, elle totalise huit médailles d’or aux Jeux Paralympiques ainsi qu’une vingtaine de titres de championne du monde. Jacques Noulette, atteint de myopathie des quadriceps, est l’homme avec le plus d’expérience en haute altitude de l’expédition puisqu’au cours de sa vie il a arpenté les points les plus hauts du monde.Élodie Navaro, malvoyante et pratiquante de Goalball (sport de ballon pratiqué par des sportifs mal-voyants ou non-voyants, ndlr). Elle réalisera le parcours sur un tandem piloté par Vivien Fournier, son binôme. Sarah Bocquet, tétraplégique et pratiquante de tennis en compétition, et Cédric Amafroi Broissat, amputé tibial et pratiquant le ski alpin en compétition, sont les autres handisportifs qui vont s’attaquer à cette expédition. Viennent compléter le groupe, Milic Hruska médecin, Delphine Hamel infirmière, Julien Favre responsable opérationnel, Yann Wulser chef d’expédition ainsi que Béa notre guide local déjà parti en reconnaissance sur le terrain. Et pour finir, trois chercheurs de l’Université de Montpellier spécialisés dans la recherche sur le handicap et le matériel handisportif iront aussi dans la Cordillère des Andes : Roland Thaler, André Galy et moi-même. Cette aventure est notre objet de recherche. Nous allons travailler sur les aspects sociologiques, sur des données physiologiques et techniques notamment à partir des retours d’expériences.
 

Comment vous préparez-vous ?
Le groupe prévoit bien sûr des phases régulières d’entraînement, environ une fois par mois, et de préparation à l’expédition avec des tests du nouveau prototype de FTT adapté aux personnes tétraplégiques et paraplégiques. En dehors de ceux-ci, nous nous entraînons tous individuellement, comme le permettent nos emplois du temps. Nous nous sommes aussi rapprochés d’un service médical pour faire des tests d’hypoxie pour savoir si tout le monde est capable de gérer l’effort en altitude. Les réunions sont aussi une occasion d’améliorer la cohésion. Nous nous retrouvons le week-end pour discuter de l’avancement du projet, des sorties futures, du financement, de la communication… Nous essayons tant bien que mal de nous répartir la charge de travail car elle est colossale ! Tout au long de notre préparation, nous organiserons des journées portes ouvertes afin de faire découvrir notre discipline au plus grand nombre. C’est un aspect important à nos yeux car le partage est une des valeurs qui fait l’identité de notre groupe et qui nous emmènera loin j’en suis convaincu. Ces manifestations seront ouvertes à tous afin de favoriser la mixité entre pratiquants, valides et handisportifs. Nos partenaires auront aussi l’opportunité de nous rejoindre sur différents sites répartis dans divers départements français.
Avez-vous obtenu des aides, des partenaires ?
Nous avons un budget important à trouver, environ 13 000 euros par personne. Nous avons eu précédemment de l’argent de la part d’une association qui nous a permis de financer certaines réunions et certains entraînements. Nous sommes plus que jamais en demande d’aides ! La plaquette de l’expédition est finie, nous avons plus de temps pour la communication et nous commençons donc à démarcher les grandes fondations, entre autres. Nous sommes en collaboration avec trois laboratoires : le laboratoire de sciences sociales SantESiH (Santé éducation situation de handicap – EA 4614), porteur du projet scientifique, le département biologie écologie/altitude de l’Université de Montpellier et enfin le LEPSA (Laboratoire européen performance altitude – EA 4604) de l’Université de Perpignan Via Domitia, situé à Font-Romeu.

Propos recueillis par Jade Delattre

Plus de renseignements > phs.aventure@gmail.com ou sur Facebook et sur Instagram à « Expédition Uturuncu »

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