Les premiers championnats de France de tennis de table en réalité virtuelle se déroulent les 17 et 18 décembre à Nantes. Stéphane Lelong, directeur du pôle développement au sein de la Fédération Française de Tennis de Table, fait le point sur cette e-discipline.
Comment est né l’engouement autour du tennis de table en réalité virtuelle (VR) ?
Stéphane Lelong : Il y a eu deux canaux. Le premier, ce sont les fans de technologie qui, pendant le premier confinement en 2020, ont acheté des casques de réalité virtuelle. Ils ont découvert le jeu de tennis de table “Eleven Table Tennis” et ont créé une communauté : Eleven France. Tout un tas de personnes sont devenues fans et se sont organisées, via un service Discord, pour se donner rendez-vous et faire des rencontres.
Au milieu de tout cela, il y a deux personnes de la Fédération Française qui l’ont aussi découvert. Ils ont trouvé immédiatement tout l’intérêt que cela pouvait avoir parce qu’on pratique une activité sportive. On n’est pas, comme le gaming ou l’e-sport. En interne, tout le monde a vu la formidable opportunité de pouvoir proposer l’activité n’importe où, puisqu’on enlève un certain nombre de contraintes matérielles. C’est une activité supplémentaire ou complémentaire à la pratique réelle.
Combien de personnes pratiquent le tennis de table VR ?
S.L : On a des chiffres de l’éditeur du jeu. Il y a 1,4 million de personnes dans le monde qui ont acheté le jeu. 30 000 personnes l’ont configuré en français. On estime qu’entre 5000 et 6000 Français jouent régulièrement. La communauté Eleven France a, sur son serveur Discord, environ 700 personnes. C’est relativement exponentiel comme développement. Très certainement, après janvier et les fêtes de Noël, les personnes qui se feront offrir ce casque vont démultiplier le nombre de pratiquants puisque le jeu de tennis de table fait partie des plus populaires.
Est-ce que tous les gamers sont forcément des adeptes du tennis de table réel ?
S.L : Yann Gensollen, l’un des participants aux championnats de France, a découvert le tennis de table à travers le casque. C’est quelqu’un qui n’est pas licencié dans un club et qui s’est passionné au travers du jeu virtuel. Comme lui, on a des gens qui ont découvert le jeu parce que c’est ludique et que tout le monde a joué au tennis de table dans sa vie. Ce sont donc des passionnés du jeu. Mais on a aussi des pratiquants de tennis de table qui ont compensé leur activité réelle au travers du jeu à cause de leurs contraintes professionnelles, familiales et personnelles. C’est ce qu’il s’est passé lors du premier confinement.
Personnellement, je ne pouvais plus m’entraîner dans mon club, qui est pourtant à moins d’1 km de chez moi. Pratiquer du pingVR m’a permis de garder un lien avec l’activité que j’ai, quand je veux, où je veux, voire maintenant avec qui on veut. On peut se connecter avec ses amis ou le monde entier.
« Pouvoir proposer une activité supplémentaire ou complémentaire à la pratique réelle »
Quelles sont les différences entre le tennis de table réel et virtuel ?
S.L : Les technologies vont continuer de progresser. Aujourd’hui, on ne peut pas cumuler la pratique à haut niveau du réel et une pratique de haut niveau, ou très bon niveau, en virtuel. La sensation de la main avec la raquette et le contact que l’on peut avoir dans le réel n’est pas suffisant dans le jeu virtuel. Par contre, on est très proche dans le geste, dans le mouvement que l’on peut faire. On a tous les éléments de prises d’informations, du travail, de temps de réaction et de déplacements. Même si on ne se déplace pas tout à fait de la même manière puisque le fait d’avoir un casque nous fait ressentir des contraintes : peur de toucher un mur, de tomber dans le canapé, de casser un objet…
Je suis persuadé que c’est un parfait complément. On a énormément de clubs de tennis de table qui sont des petites structures, qui sont dans des gymnases partagés avec d’autres disciplines et qui ne peuvent pas proposer des créneaux tout au long de la semaine. Dans ce cas, pour un débutant, il aurait la possibilité de compléter et de progresser plus vite sur certains éléments. Il y a déjà un début d’entrainement d’activité à travers le tennis de table en réalité virtuelle. Il y a certains entraîneurs qui font des cours avec des sportifs de leurs clubs pour savoir si la raquette est bien positionnée. Ils peuvent ainsi donner des conseils tactiques.
Est-ce que des membres de l’équipe de France de tennis de table se prêtent au jeu ?
S.L : Non. On les a fait essayer dans le cadre d’animations. Tout le monde est un petit peu bluffé. Pour ceux qui préparent les Jeux de Paris, ils n’y ont joué que 10 minutes pour s’amuser. Il n’est pas question qu’ils cumulent les deux activités. Par contre, on a des joueurs d’un bon niveau national qui eux se sont mis dans le jeu en entrant facilement dans le top mondial.
Le jeu “Eleven Table Tennis” établit donc un classement mondial…
S.L : Le fait de pouvoir jouer à l’international génère un classement mondial, oui. On peut créer du lien social, c’est-à-dire donner rendez-vous à quelqu’un pour jouer. On peut rencontrer un ami, se faire un match et ne pas le comptabiliser dans un classement. Mais on peut aussi disputer des matchs pour son propre classement, dans lequel on a un nombre de points au départ qui augmente au fur et à mesure des victoires et des écarts de points qui nous séparent de nos adversaires. La France fait partie des meilleures nations du monde. On a six joueurs français dans le top 20 mondial aujourd’hui.
« La France fait partie des meilleures nations du monde »
Quel est le profil de ces joueurs ?
S.L : Ce sont essentiellement des hommes et plutôt des adultes. Le plus jeune qualifié aux championnats de France doit avoir 23 ans. Le fait que cela soit virtuel et que chacun ait un pseudo ne nous permet pas d’identifier les femmes et les jeunes. La date de naissance n’est pas demandée dans le jeu. Un travail va être effectué là-dessus. La Fédération voulait d’ailleurs créer un titre féminin, mais on ne peut pas le faire parce qu’il n’y avait pas assez de femmes répondant aux critères de sélections. On espère vivement que l’on va pouvoir développer cela.
Combien coûtent les équipements pour pouvoir jouer ?
S.L : Les prix des casques de réalité virtuelle ont changé. Avant, ils étaient à 350 euros. Aujourd’hui, ils sont à 450 euros. C’est globalement le prix d’une belle console de jeux vidéo. “Eleven Table Tennis” coûte 20 euros, ce qui est plutôt raisonnable pour un jeu vidéo. Le grand vendeur de matériel de sport, Decathlon, avec Pongori, a développé un manche de raquette spécifiquement adapté au casque VR (entre 15 et 50 euros), pour développer les sensations autour du jeu. Cela montre l’intérêt et la cohérence, au sujet de cette pratique innovante.