Triple médaillé de bronze paralympique et champion d’Europe en titre, Maxime Thomas, numéro 3 mondial de tennis de table handisport, se prépare désormais pour les Jeux 2020, avec le rêve de décrocher une médaille d’or…
Il y a trois mois vous disputiez les championnats du monde où vous avez été éliminé en quarts de finale. Quel a été votre sentiment ?
J’ai ressenti une grosse déception. Cette compétition était pour moi comme une répétition des Jeux paralympiques 2020 auxquels je me prépare. Je voulais décrocher l’or et je suis revenu sans médaille. Le sport de haut niveau est impitoyable. Il faut réussir à se remettre en question régulièrement. Ça va me pousser à me dépasser encore davantage pour la suite…
Vous allez remettre votre titre de champion d’Europe en jeu en septembre. Ce rendez-vous sera-t-il déterminant dans la course aux Jeux ?
Toutes les échéances internationales seront importantes. On va traverser dès cette année jusqu’en 2020 une longue période de qualification pour les Jeux paralympiques. Je devrai faire au minimum 4 sorties internationales ainsi que ce championnat d’Europe pour remplir des critères de qualification. Cette compétition va compter énormément pour la confiance. Il me faudra assumer mon statut de tenant du titre face à une concurrence très forte, avec notamment les numéros 1 et 2 mondiaux en face. Je vais essayer de conserver mon titre, ce qui me ferait un troisième titre d’affilée en individuel et d’aller également reconquérir un titre par équipe.
Quelles sont vos ambitions pour Tokyo ?
J’ai eu trois fois la médaille de bronze en 2008, 2012 et 2016. Je vais me préparer pour faire mieux et aller toucher un autre métal à Tokyo. Décrocher l’or serait quelque chose de fantastique…
« Aller chercher des titres »
Vous êtes aujourd’hui numéro 3 mondial, après avoir été le numéro 1. Comment analysez-vous cette place ?
Je me suis hissé dans le top 5 mondial depuis 2007 sans discontinuer. De 2010 à 2012 j’étais numéro 1. Je suis le numéro 3 depuis 2013. Les écarts sont très minces entre les athlètes dans le top 5. Pour réussir à se maintenir à ce niveau-là, il ne faut jamais connaître de baisse de régime. Le moindre match perdu contre un athlète moins bien classé nous fait perdre beaucoup de points. En restant dans le top 5 mondial on est, de fait, tout le temps exposé aux contre-performances. Aujourd’hui, l’idée est de me rapprocher le plus possible des deux premières places mondiales dans l’optique du tableau pour les Jeux paralympiques. Et peut être reconquérir cette place de numéro 1 à un moment donné. Mais ce n’est pas un objectif en soi. Pour moi, le plus important est d’aller chercher des titres.
À 35 ans, comment envisagez-vous la suite de votre carrière ?
Je me dis que j’ai peut-être encore dix ans devant moi ! L’objectif c’est d’être prêt pour les Jeux de 2020 et toujours compétitif à horizon de Paris 2024 et pourquoi pas durer jusqu’à Los Angeles 2028… Quand on sait que dans notre sport, un athlète atteint son apogée entre 30 et 40 ans, on peut réussir à se maintenir jusqu’à 45 ans… c’est l’objectif que je me suis fixé.
Changement de cap
Physiquement sur quels aspects travaillez-vous ?
Quand on est paraplégique, on renforce essentiellement le haut du corps, notamment le tronc. Il faut aussi avoir un bon gainage général, en particulier avec des muscles profonds qui nous permettent d’avoir une bonne stabilité. Le tennis de table est un sport de vitesse, quand on est en fauteuil, on prend la balle très vite, avec quasiment pas de recul sur le jeu. Il faut donc avoir un très bon équilibre pour garder sa posture en permanence pour effectuer les meilleurs gestes possibles. Il y a également un travail de proprioception important. Ce travail apporte énormément en termes de confiance et de sensations. Il y a aussi des exercices de coordination pour pouvoir se déplacer vite et effectuer des gestes justes et dans le bon timing.
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Vous avez quitté votre emploi de juriste il y a deux ans pour vous consacrer à 100 % à votre sport. Pouvez-vous nous expliquer votre démarche ?
J’ai occupé des fonctions de juriste pendant 4 ans, avec un détachement sportif – une convention d’insertion professionnelle avec des aides de la Fédération française handisport et de la Région Auvergne-Rhône-Alpes… – et puis j’ai pris la décision de changer tout mon modèle d’organisation en quittant mon emploi et en recrutant un entraîneur pour me consacrer totalement à ma carrière de sportif.
Ce virage aboutit aujourd’hui sur un contrat avec l’INSEP. Que cela signifie-t-il ?
Je viens tout juste d’intégrer l’INSEP avec un contrat réservé aux sportifs de haut niveau. Il s’agit d’un contrat d’un an renouvelable qui me lie à la Fédération handisport et le ministère des Sports, qui me soutiennent en me permettant d’avoir un revenu fixe pour me concentrer à 100 % sur mon sport. Plus largement, ce dispositif m’accompagne aussi dans la construction de mon projet professionnel. Ce qui est primordial pour moi, parce que ça participe à mon équilibre de vie. C’est une belle opportunité et aussi la reconnaissance du travail accompli jusque-là. Pour la première fois, j’ai le sentiment d’être véritablement un pongiste professionnel et de vivre pleinement de ma pratique sportive ! L’idéal est de conserver un bien être et un équilibre mental et physique. C’est très important pour moi d’avoir une assise professionnelle et une vie sociale épanouie. J’ai pris des risques en quittant mon travail, il y a deux ans, une démarche qui a été reconnue et accompagnée par la fédération et le ministère qui m’ont grandement aidé à prendre ce virage. Je leur en suis profondément reconnaissant.
« Rendre à ma fédération ce qu’elle m’a apporté »
Justement, comment envisagez-vous votre après carrière ?
Je m’y prépare progressivement. J’ai bâti un projet professionnel de conseil en ressources humaines. Mon objectif est d’accompagner les entreprises sur les questions du handicap, de la diversité et les problématiques de management de la performance et de la régularité. Je ne voudrais pas non plus quitter le monde du sport, j’aimerais aussi redonner à ma fédération tout ce qu’elle a pu m’apporter, en transmettant aux jeunes générations tout ce que j’ai pu apprendre. J’aimerais pouvoir les accompagner. Je passe d’ailleurs avec l’INSEP des formations d’entraîneur. C’est un programme bien chargé qui me ressemble bien !
Avec le recul, le sport a-t-il été une thérapie à votre situation ?
Le tennis de table est arrivé dans une période difficile de ma vie, mais il n’a pas été une thérapie. Je suis tombé malade à l’âge de 15 ans, j’ai contracté une maladie auto-immune avec des séquelles paraplégiques. Après mon hospitalisation et un an et demi passé en centre de rééducation, je n’avais qu’une seule envie : me remettre au sport et reprendre le cours de ma vie. J’avais fait 10 ans de tennis depuis l’âge de 5 ans avant de tomber malade. J’ai découvert alors le tennis de table, le sport le plus accessible pour moi à ma sortie de l’hôpital. C’était une période qui coïncidait avec les Jeux paralympiques de 2000 à Sydney. J’ai vu des vidéos, des athlètes médaillés… ça m’a mis des étoiles dans les yeux, ça m’a fait rêver. J’ai eu envie moi aussi de découvrir tout ça. C’est là que tout a commencé.