À la surprise générale, Le skieur de Valloire a remporté dimanche dernier à Méribel, le titre de champion de France de slalom au nez et à la barbe des favoris Clément Noël, Steven Amiez et Victor Muffat-Jeandet. Dans la foulée, il a même fini en tête du championnat de Belgique mercredi à Val-d’Isère. « Pour l’anecdote, je suis aussi champion de Belgique ! Mais évidemment, il n’y a pas photo avec le titre de champion de France ! » De retour à Brides-les-Bains, il a accepté de se livrer à quelques confidences avant de fêter cette formidable semaine par un barbecue ce jeudi midi avec toute son équipe d’Orsatus, la structure privée qu’il a rejointe il y a 3 ans.
Vous avez créé la sensation dimanche en obtenant ce titre de champion de France. Comment vous vivez tout ça quelques jours après ?
Il y a encore pas mal d’euphorie et d’effervescence ! Chaque fois que j’y repense depuis dimanche, je me dis : « wahou, c’est trop bien ! » Franchement, en me levant le matin, je savais que j’étais prêt et en forme mais de là à rivaliser avec les gros de la Coupe du monde, je n’imaginais pas ça. En fait, quand il y a tout qui s’aligne et qui se met en place, ça crée des émotions de dingue et qui restent : ce n’est pas juste « j’ai gagné une course et j’attends la prochaine ». Quelques jours après, c’est encore bien là. Depuis, je croise plein de gens que je connais depuis longtemps et qui me disent : « Bravo, c’est énorme ce que tu as fait, on est trop contents ! »
Il y a eu à la fois une défaillance des autres, notamment Clément Noël qui a enfourché, mais aussi une grosse performance de votre part. Comment vous avez construit cette victoire ?
On a mis le nécessaire en place le jour J et ça a tout roulé dans le bon sens. En fait, on a réussi à gagner grâce à plein d’efforts consentis sur plein d’années. C’est un cumul de tout, de tout le boulot qu’on a mis en place, de beaucoup de patience et d’une très grosse performance le jour J : je me suis livré à 100 % et quand on se livre à 100 %, ça ne passe pas forcément à tous les coups – il peut y avoir une grosse faute et on dégringole au classement, une très grosse faute et là on est dehors – mais pour moi, c’est passé avec de l’engagement pour réaliser une très grosse course sur deux manches. Et puis, il y a eu une part peut-être de contre-performance des autres, je ne sais pas exactement comment ils ont vécu leur course, qui fait que je finis en bas devant. C’est sur le fil : 10 centièmes, c’est rien du tout !
Comment vous voyez l’avenir désormais ? Cette incroyable victoire vous ouvre-t-elle des perspectives ?
C’est ma plus belle victoire en carrière. J’ai déjà eu des titres de champion de France dans les catégories plus jeunes, en U14, U16 et U18, mais le titre national élite, c’est une autre dimension. Qu’est-ce que cela m’ouvre derrière ? Je n’en ai aucune idée. Cela dépend comment les gens (NDLR : de l’encadrement fédéral) voient les choses, comment le circuit se profile l’année prochaine. En revanche, il va y avoir aussi pas mal de reconnaissance de la part déjà de mon groupe de ski d’Orsatus : les gars sont super fiers qu’on ait pu réaliser un truc pareil. Et puis aussi de ma station Valloire : j’ai eu énormément de messages de copains qui me félicitaient et m’attendent pour boire un coup et fêter ça, tout en soulignant le travail effectué toutes ces années. Énormément de gens m’ont dit : « bravo, c’est plus que mérité. »
Est-ce qu’il y a un esprit chez vous de revanche ou en tout cas de vous dire que vous avez bien fait de vous accrocher pour obtenir ce genre de résultat ?
Bien sûr, car j’aurais pu lâcher il y a 3 ans, il y a 2 ans, l’année dernière aussi. Clairement, je ne suis pas sur le circuit que j’ambitionnais d’être à certains moments. Ce n’est pas que je suis tombé dans l’oubli mais quand j’étais plus jeune, il y a eu une effervescence quand ça marchait fort. Quand ça marchait moins fort, on a continué de me suivre, notamment financièrement. Donc oui, c’est une belle revanche. Je suis content de montrer que je suis capable, que ce n’est pas fini : je suis toujours là et le boulot, je continue de le faire. J’ai envie de dire à mon entourage : « vous pouvez continuer de pousser derrière moi, ça va fonctionner ! »
Notamment votre famille, vos parents ?
En fait, 15 jours ou 3 semaines avant la course, je leur avais demandé s’ils pouvaient se libérer pour venir à Méribel sur les France. Ils n’étaient jamais venus sur des championnats élite. J’avais vraiment envie qu’ils soient là… peut-être parce que je le sentais bien ! Ma sœur n’a pas pu venir mais mes parents étaient là. De les savoir là, de les avoir vus le matin avant la course, puis entre les deux manches, et surtout l’après-course, cela a rendu la chose encore plus exceptionnelle ! Ils ont vécu ça intensément et ils étaient vidés émotionnellement. (il s’arrête) Ce n’est même pas descriptible en fait… (il reprend) ils étaient aux anges, il étaient hyper ravis de ce que j’ai pu réaliser, de la manière dont je me suis accroché ces dernières années.
On le sent encore dans votre voix, il y a eu beaucoup d’émotion partagée avec eux.
Oui, c’est sûr !
Quel rôle ont-ils joué dans votre carrière ? Comment avez-vous débuté le ski ?
Mes parents ne sont pas du tout du milieu de la montagne. Ils sont originaires de l’Isère et sont arrivés à Valloire pour des raisons professionnelles, un peu par hasard, juste avant ma naissance : mon père est garde-forestier et ma mère s’occupe de coordonner les secours sur le domaine skiable l’hiver et l’été, elle est ambulancière. Moi, j’ai grandi dans les montagnes de Valloire avec des skis aux pieds. Je n’ai jamais arrêté de glisser. C’étaient les années où je voyais Jean-Baptiste Grange (NDLR : enfant de Valloire, lui aussi) briller en Coupe du monde : entre 6 et 10 ans, j’avais des étoiles plein les yeux. Dans ma tête, c’était tout tracé : je voulais faire du ski.
Jean-Baptiste Grange vous a envoyé un message depuis votre victoire ?
Oui, il m’a félicité et m’a dit qu’il était très heureux pour moi. De manière générale, même dans les moments difficiles, les gens de Valloire m’ont toujours aidé et soutenu.
Cette victoire peut-elle donner une autre dimension à votre carrière et à votre statut ?
Là, je ne gagne absolument pas vie avec le ski. J’arrive tout juste à l’équilibrer mais pas plus. J’ai une activité à côté : l’an dernier, j’ai travaillé tout l’été en menuiserie. Les aides de sponsors que j’ai pu avoir m’aident uniquement à payer ma saison de ski. J’espère que ma victoire, et le coup de projecteur médiatique derrière, vont pouvoir débloquer certaines choses afin de m’offrir un peu plus de confort financier dans l’année pour avoir à moins quémander des aides par-ci par-là. L’objectif, c’est de pouvoir, par exemple, m’offrir des vacances sans avoir à serrer le budget : on pourrait partir avec ma copine ailleurs que dans la maison de ma grand-mère dans le Sud en se faisant plus plaisir.
Les vacances justement, c’est pour bientôt ?
Pas avant début mai car je pars la semaine prochaine au Challenge des moniteurs de ski avant de finir ma formation avec l’ENSA (École Nationale de Ski et d’Alpinisme) jusqu’au 2 mai. Je poserai les skis après. En attendant, je rentre ce week-end à Valloire où l’association des jeunes organise un « waterslide » pour fêter la fin de la saison, je fais partie des bénévoles. Je crois que la mairie aimerait aussi organiser un événement officiel pour mon titre un peu plus tard, en mai.
Propos recueillis par Sylvain Lartaud