Depuis ses débuts en 2005, Tom Pagès s’est hissé au rang de légende du Freestyle Motocross. À 33 ans, le Nantais de naissance semble aujourd’hui à l’apogée de sa carrière. Entretien avec un immense champion…
Tom, tout d’abord, comment allez-vous en ce début de saison ?
Tout va bien. Comme toujours à la sortie de l’hiver, on est dans une période d’entraînement et de préparation pour les compétitions du début de saison. On aura notamment dans deux semaines le Mondial du Freestyle à Tours. Ce sera seulement la deuxième édition, il y a tout à prouver là-bas. Ces épreuves nous permettent de bien nous préparer pour les gros rendez-vous comme les X Games ou les Red Bull X-Fighters.
La préparation est toujours un moment délicat à passer…
Oui, c’est sûrement la période la plus difficile puisque l’on passe beaucoup de temps à l’entraînement sans rien voir d’autre, presque à huis-clos. On ne sait pas du tout ce que les autres préparent, ce qui est assez stressant. D’autant que le début de saison permet à tout le monde de se jauger et de montrer de quoi il est capable. Au moins, en fin de saison, on sait si on a le niveau ou si on ne l’a pas.
Vous êtes l’un des tous meilleurs de l’histoire de votre sport. Comment construit-on une telle carrière ?
Par le travail et l’entraînement, il n’y a pas de secret. Au début, j’ai démarré avec mon frère. L’un et l’autre, on n’acceptait pas que l’un de nous deux soit meilleur. Dès que l’un d’entre nous était un peu sur la touche, l’autre l’aidait à remonter et à revenir au niveau. C’était un cercle vertueux qui nous permettait d’être performants assez rapidement. On concevait vraiment notre sport à deux, cette relation était omniprésente. Depuis qu’il a arrêté, j’ai continué sur cette lancée et j’ai même plus de temps pour moi. Quand nous étions deux, on avait forcément moins de temps pour nous concentrer sur nous-mêmes, sur nos propres performances. J’ai pu doubler mes séances d’entraînement, c’est aussi ce qui explique ma progression physique des dernières années.
Avec un tel palmarès, comment faites-vous pour garder la tête sur les épaules ?
Déjà, j’ai beaucoup de respect pour mes concurrents qui sont surtout des potes. J’ai toujours l’impression que quelqu’un est meilleur que moi. Et puis quand on est en l’air, la terre arrive très vite. On est rapidement rappelé à l’ordre dans ce sport. Je ne vois même pas pourquoi je deviendrais différent par rapport à mon parcours.
Vous êtes sûrement le pilote le plus innovant de la discipline. Pourquoi cette recherche permanente de nouvelles figures ?
Répéter toujours la même chose, ça m’ennuie. Le Freestyle Motocross, c’est un sport où il faut répéter sans cesse les figures pour ne pas aller droit vers la catastrophe. Pour moi, ce qui me permet de garder cette motivation et cette envie de m’entraîner, c’est de chercher de nouvelles choses. Au fil des années, je me suis aperçu que les gens préfèrent l’innovation à la perfection. Du coup, j’en ai fait un peu ma carte de visite. À nos débuts avec mon frère, on avait toujours envie de nouvelles choses, de nouvelles figures. Quand on arrivait sur les premières épreuves internationales, on n’avait sûrement pas le niveau des anciens mais notre but, c’était de nous faire remarquer. On voulait marquer notre sport, ça a commencé de cette manière. Réaliser à chaque fois ces « Best Tricks », c’est énormément de travail mais c’est également une exigence que je m’impose depuis mes débuts. Apporter ces figures compliquées, que ce soit à la petite démonstration du coin ou au gros événement international, c’était ce que je souhaitais.
Vous parlez énormément de votre frère…
C’est vrai, j’ai beaucoup appris avec lui. Au début, c’est lui qui nous guidait, qui organisait notre programme. Un jour, ça m’a pris un peu la tête, le petit frère a essayé de prendre le dessus. Pendant une période, nous étions presque plus rivaux que potes et surtout frères. Je pense d’ailleurs que son accident nous a beaucoup rapprochés. On fait un sport à risques ; peut-être qu’à un moment donné, nous étions un peu trop dans la compétition. Ce qu’il s’est passé m’a ouvert les yeux, et par la suite, on s’est presque plus aidés qu’auparavant.
Les accidents peuvent en effet être dramatiques dans votre discipline. Avez-vous pensé à arrêter face à la dangerosité de votre sport ?
Pas par rapport aux accidents, mais plutôt aux efforts qu’il faut consentir tout au long de l’année. Ces efforts, oui, ils m’ont presque poussé à arrêter. C’est une vie différente, très particulière. Au début, tous tes potes te disent que tu as de la chance, que tu as une vie exceptionnelle car tu n’as pas besoin de travailler. Mais en fait, je me suis vite rendu compte que je travaille sept jours sur sept et 24 heures sur 24 depuis maintenant douze ans. Ces sacrifices, c’est ce qui aurait tendance à m’éloigner un peu du sport. Mais pour en revenir aux accidents, nous sommes tous dans le même bateau. Ce n’est pas parce qu’il y en a un qui part que l’on doit tout arrêter. On est aussi là pour les autres et pour faire avancer les choses.
Vous avez 33 ans, il vous reste quelques belles années devant vous. Votre après carrière est-il malgré tout dans un coin de votre tête ?
J’y pense mais je n’ai pas encore d’idées précises de ce qui pourrait être fait. Grâce à mes figures, j’ai déjà laissé une trace dans mon sport, même si je ne me rends pas trop compte de son ampleur. En tout cas, ce que je veux aujourd’hui, c’est continuer à aller sur les grosses compétitions pour gagner. Le jour où je penserai vraiment à la suite, ce sera le moment d’arrêter. Après, j’ai du mal à trouver cet après Freestyle avec l’adrénaline et la passion qui vont avec.
Que peut-on vous souhaiter pour cette saison 2018 ?
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Propos recueillis par Bérenger Tournier