Le think tank Sport et Citoyenneté est bien décidé à changer les choses. Il a mis en place un nouvel outil permettant d’évaluer l’impact sociétal du sport. Une nouveauté qui pourrait conduire à beaucoup de choses positives pour le sport, comme l’explique Julian Jappert, directeur de Sport et Citoyenneté.
Pourquoi avoir mis en place un outil d’évaluation de l’impact sociétal du sport ?
Depuis onze ans, Sport et Citoyenneté est le think tank pluridisciplinaire dans le domaine du sport en France et en Europe. C’est-à-dire que nous associons toutes les disciplines comme les sciences économiques, les sciences sociales, le droit ou encore la médecine afin de réfléchir au rôle du sport dans la société. Depuis onze ans, nous travaillons afin de valoriser le rôle que le sport peut jouer sur ses externalités. Cela regroupe la santé, l’éducation, l’inclusion, le bénévolat, le développement durable et toutes les autres thématiques qui vont tourner autour de cette notion de citoyenneté. Mais depuis toutes ces années, on a constaté que ces externalités avaient un regard assez faux sur le sport. Elles considéraient soit le sport comme une activité ludique, soit comme une activité ultra-financée et corrompue. Pourquoi cette image biaisée ? Tout simplement car il n’existe pas d’outil de mesure qui peut dire clairement quel est le rôle du sport dans la société. Beaucoup de monde en parle, mais cela repose sur peu d’éléments tangibles. On s’est donc dit qu’il fallait lancer un défi à des spécialistes et des experts du sujet. On leur a dit il y a un an et demi, comme les économistes ont pu le faire, qu’il fallait créer des outils qui seraient capables de mesurer le rôle du sport. Aujourd’hui, ils sont arrivés à compiler diverses techniques en sciences sociales qui nous permettent de mesurer le rôle du sport dans la société.
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« Le monde du sport doit sortir de sa consanguinité »
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Comment fonctionne concrètement cet outil ?
Notre méthode tourne autour de cinq grandes thématiques : l’accès, la cohésion sociale, la durabilité, l’innovation et la culture et enfin les territoires et les usages. Ces cinq grands thèmes sont étudiés sur le terrain par des experts en sociologie, en ethnologie, en médecine, en géographie et ethnocratie. À la différence des sondages, ils ne vont pas prendre une photo instantanée de ce qu’il se passe. Ils vont plutôt passer du temps à réaliser des entretiens qualitatifs et quantitatifs. Ces entretiens permettent ensuite de faire remonter des attentes, des données, des impressions, des blocages ou encore des freins. Cela permet notamment d’évaluer ce qui fait, ou ne fait pas, que l’on pratique une activité physique. C’est un travail axé sur le long terme.
À qui cet outil est-il destiné ?
Je pense en particulier aux acteurs de terrain qui en ont un petit peu marre d’entendre que l’héritage des grandes compétitions va venir vers eux alors qu’ils ne peuvent pas le sentir. Avec cet outil-là, lorsque l’on va sur le terrain prendre le pouls de la population mais aussi des acteurs sociaux-sportifs, on sort des données réelles. Pour Paris 2024 par exemple, au regard de ces données sur tel ou tel territoire, comment se positionner ? Quel financement pour répondre à ces attentes ? Avec cet outil, on met une pression sur les acteurs du monde du sport. Notre outil et les résultats qui en découlent aident à la décision. D’ailleurs, les premiers résultats que nous avons récupérés sur le terrain entraînent déjà des réactions des acteurs concernés.
Évaluer cet impact sociétal du sport peut-il conduire à plus de soutien aux événements sportifs ?
Actuellement, on le voit d’ailleurs avec les gilets jaunes, on est dans des attentes citoyennes fortes où l’argent qui est investi doit être « rentable ». Or je suis convaincu qu’avec cet outil, qui doit rendre le sport plus fort en démontrant son rôle clé dans la société, d’autres domaines vont regarder le sport différemment. Le sport pourra ainsi être financé différemment avec une valorisation de notre domaine par le secteur public et le secteur privé. Le monde du sport doit sortir de sa consanguinité. Il doit être en mesure d’intéresser en vue de nouvelles sources de financement.
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« Justifier davantage de financements privés »
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Peut-il être un outil de persuasion envers le secteur économique ?
Tout à fait, même si ce sont les collectivités qui mettront les citoyens en mouvement. Ce ne seront pas les marques même si ces dernières travaillent de plus en plus sur la question de la responsabilité sociale. C’est quelque chose que l’on voit par exemple sur le Tour de France. Avant, au moment de l’arrivée de l’épreuve sur un territoire, l’organisateur lançait une étude concernant l’impact économique. Désormais, on voit que les mentalités changent. L’organisateur et la collectivité qui accueille se demandent avant tout ce que le passage de cet événement va apporter aux citoyens. Dans un cas comme celui-ci, l’acteur privé a donc tout intérêt à mesurer l’impact du sport pour pouvoir ensuite investir, en collaboration avec des fonds publics, sur un événement sportif. C’est donc un outil qui permettra de justifier davantage de financements privés.
Certains acteurs sont-ils déjà séduits ?
On discute avec tous les acteurs qui constituent la nouvelle gouvernance du sport. Tous sont à la recherche d’un outil d’évaluation et ont affiché leur intérêt pour ce que nous proposons. On devrait en savoir plus dans les mois à venir, mais c’est un outil qui intéresse en particulier les décideurs publics et aussi les organisateurs de grands événements sportifs, que ce soit à l’échelle nationale ou internationale.
Peut-il changer beaucoup de choses dans la perception que le grand public a d’un rendez-vous comme Paris 2024 ?
Je dis attention : notre outil n’est pas une baguette magique qui va inverser de grandes problématiques de société. Toutefois, je crois que chaque individu et chaque secteur doivent être responsables. Notre outil va permettre de responsabiliser davantage l’organisation de grands événements sportifs. C’est quelque chose qui pourra rassurer le grand public même si ce dernier, à l’approche de l’événement, sera bien plus passionné par les performances des athlètes et les médailles obtenues. De mon côté, j’espère simplement que l’outil que nous avons mis en place pourra convaincre les acteurs, et par ricochet le grand public, du bien-fondé d’une compétition qui pourrait avoir des conséquences extrêmement positives sur une population éloignée de l’activité physique.
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Sport et Citoyenneté dédié à l’étude du sport
Créé en 2007, Sport et Citoyenneté a bien grandi depuis. C’est aujourd’hui le seul think tank en Europe dont l’objet social est l’analyse des politiques sportives et l’étude de l’impact sociétal du sport. S’appuyant sur plus de dix ans d’expérience, Sport et Citoyenneté réuni plus de 300 experts au sein d’un comité scientifique et de réseaux thématiques. L’objectif est d’aboutir, par une réflexion transversale et pluridisciplinaire, à un échange d’idées alimentant les travaux de production du think tank. L’objectif de Sport et Citoyenneté est ainsi de participer au processus de construction des politiques publiques, nationales et européennes, autour des thématiques du sport, de la santé, de l’éducation, de la citoyenneté, du développement durable, de l’économie et de la cohésion sociale.
Plus d’informations sur www.sportetcitoyennete.com