Yvon Breton : « Des moments incroyables »

Romain Bardet of AG2R during of the twentieth stage of the 104th edition of the Tour de France cycling race, an individual time trial in Marseille, France, Saturday 22 July 2017. Photo : Sirotti / Icon Sport

Romain Bardet, ou la confirmation d’un talent brut hissé au rang de plus grand espoir du cyclisme français. En terminant pour la deuxième fois consécutive sur le podium du Tour de France, le coureur de chez AG2R LA MONDIALE a confirmé qu’il était l’un des mieux placés pour succéder à Christopher Froome. Quelques jours après l’arrivée sur les Champs-Élysées, Yvon Breton, Conseiller du directeur général de la société d’assurance, notamment en charge du sponsoring sportif, est revenu sur cette formidable aventure humaine de trois semaines. La Grande Boucle est bouclée…

 

Après trois semaines très intenses en émotion, Romain Bardet a finalement accroché un deuxième podium consécutif. Yvon Breton, que retenez-vous de cet incroyable Tour de France ?

Je n’aime pas trop les superlatifs, mais je trouve que c’est tout simplement extraordinaire. Bien qu’il soit troisième, contre une deuxième place l’année dernière, Romain est encore plus méritant cette année. Il s’est magnifiquement battu, sans profiter d’aucune circonstance favorable, comme cela avait peut-être été le cas l’année dernière. Il y est allé à la pédale, avec panache. Même si cela n’a pas toujours réussi, Romain n’a cessé d’attaquer, il a tout donné. Et puis, il ne faut pas oublier qu’un deuxième podium consécutif, cela n’était pas arrivé à un Français depuis pas mal d’années. Pour AG2R, c’est même un troisième podium en trois ans, après celui de Jean-Christophe Péraud. Je suis extrêmement fier, très sincèrement.

On imagine que l’impact d’une telle performance doit être énorme…

Oui, c’est invraisemblable. Je suis en vacances depuis lundi matin, et je m’attelle à répondre à tous les messages, qui sont tous plus sympathiques les uns que les autres. C’est vraiment formidable.

Toute l’équipe devait être très heureuse et satisfaite de ce Tour de France réussi…

Oui, nous avons fait la fête jusqu’à six heures du matin dans la nuit de dimanche à lundi. Nous étions tous fiers de ce résultat. J’ai trouvé Romain très soulagé et heureux, peut-être comme je ne l’avais jamais vu. Nous avons partagé des moments de joies, d’émotion et de soulagement. Jusqu’à la dernière seconde, sans faire de jeu de mot par rapport à la seconde qui séparait Romain de Landa, ce Tour est resté indécis. Il suffisait d’une chute ou d’une bordure pour que le podium s’éloigne définitivement. À l’arrivée, c’est tout simplement beaucoup de bonheur.

Le contre la montre a été extrêmement difficile pour Romain. Comment l’avez-vous vécu ?

Comme vous pouvez l’imaginer, l’ambiance était magnifique au Vélodrome. Pendant ces 23 kilomètres, tout le stade scandait le nom de Romain. On voyait qu’il était en difficulté, qu’il piochait beaucoup, même dans la montée. Très vite, il nous a dit qu’il n’était pas dans le bon rythme. Il savait qu’il ne pourrait pas rattraper Froome, mais il a fait preuve de beaucoup de courage. J’accorde beaucoup d’importance à cette notion. Il savait que le podium était en jeu et s’est arraché pour garder cette troisième place. Nous étions à Marseille, c’est probablement la Bonne Mère qui nous a souri (rires). À l’arrivée, la délivrance a été énorme pour toute l’équipe.

Vous avez d’ailleurs été profondément marqué par l’engouement général autour de Romain…

Oui, nous avons vécu un moment unique dimanche soir. Sur la Place de la Concorde où étaient réunis tous les cars, nous sommes tout simplement restés bloqués. Nous ne pouvions même pas repartir, tant la foule qui criait et scandait le nom de Romain était nombreuse. À la fin, il ne restait plus que notre car. Ce sont des moments incroyables, qui prouvent cet engouement et le capital sympathie incroyable autour de l’équipe.

Dimanche, une autre image a particulièrement ému le public avec la demande en mariage de Cyril Gautier en pleine étape…

C’est vrai. Dimanche soir, j’avais justement la chance d’avoir sa future femme à ses côtés. La sympathie, le partage, c’est exactement l’ADN de l’équipe. Cyril avait simplement envie de dire à la France entière qu’il aimait sa femme. Maintenant, il ne reste plus qu’à choisir la date, c’était d’ailleurs tout l’enjeu du repas de dimanche soir (rires). Cyril a fait un très bon Tour de France, il a tout donné pour aider Romain, je suis très heureux pour lui.

Comme vous l’avez souvent répété ces dernières semaines, c’est toute l’équipe qui fait aujourd’hui votre fierté. Le collectif est capital à vos yeux…

Oui, tout le monde a été énorme. Quand on voit ce qu’ont fait tous les coureurs et le staff – qu’il ne faut surtout pas oublier – c’est juste fantastique. Des mécaniciens aux administratifs, en passant par les personnes qui composent la cellule médicale, tout le monde est essentiel à AG2R. C’est un travail de longue haleine, nous construisons cette équipe depuis vingt ans. Aujourd’hui, c’est une très belle réussite, même s’il reste encore une marche à franchir.

Justement, cette marche, la dernière, est incontestablement la plus difficile. Comment voyez-vous l’avenir ?

Romain a pris conscience de ses possibilités. Il est également très heureux dans l’équipe, il a d’ailleurs re-signé jusqu’en 2020. Il sait qu’à AG2R, il aura tout un collectif derrière lui et un sponsor qui l’accompagnera toujours. On va bien évidemment continuer à l’aider. Vincent Lavenu, qui est le pilote sur le plan sportif, souhaite que nous puissions le renforcer d’un rouleur. Il n’a échappé à personne qu’ Oliver Naesen, le Champion de Belgique, a permis à Romain de revenir dans le peloton après une bordure. Heureusement qu’il était là car sans lui, peut-être que Romain n’aurait pas réussi à recoller. Et puis nous aimerions avoir un grimpeur qui puisse accompagner encore un peu mieux Romain. Nous réfléchissons actuellement à ce que nous sommes capables de faire dans nos arbitrages budgétaires. Dans des proportions bien évidemment plus modestes que la Sky, par exemple, qui a un budget plus de deux fois supérieur au notre.

La Sky de Christopher Froome a justement été impressionnante. À l’heure actuelle, pensez-vous qu’elle puisse être détrônée ?

C’est une équipe très forte et talentueuse, c’est évident. Mais je pense que nous pouvons rivaliser. Peut-être que je n’y croyais pas à 100% il y a quelques temps, mais je pense aujourd’hui que tout est possible. Nous allons continuer à nous appuyer sur notre centre de formation. Quand on voit le très beau Tour de Pierre Latour, qui a un très gros potentiel, nous pouvons être confiants. Je suis persuadé que sans ses soucis de santé de la dernière semaine, il pouvait viser le Top 10. Et puis derrière, nous avons encore de belles pépites qui vont intégrer l’équipe lors des prochains mois, comme cela se fait chaque année. Enfin, avec la visibilité qu’offre aujourd’hui l’équipe, des partenaires peuvent également être intéressés pour nous soutenir. Nous ne sommes pas en recherche active, mais si certains peuvent nous aider à renforcer l’équipe, nous sommes prêts à étudier tous les dossiers. D’autant que le cyclisme se tourne de plus en plus à l’international. Ce qui est certain, c’est que ce Tour 2017 conforte totalement notre stratégie de communication.

Quoi qu’il en soit, ces trois semaines ont dû être particulièrement stressantes pour vous, et ce du début à la fin…

Oui, c’est clair, d’autant que cette fois-ci, il y a eu du stress jusqu’au bout ! La Sky a été fair-play, je ne m’inquiétais pas pour cela. Mais avec une chute ou une bordure, tout pouvait arriver. Pour ne rien cacher, j’avais durant toute la journée de dimanche un petit bout de bois dans la poche. Dans ces circonstances, on se raccroche à beaucoup de choses…

Ce porte bonheur, il faudra le conserver sur les prochains Tour de France !

Celui-là, je vais même le vernir et en faire un pour toute l’équipe (rires) !

Propos recueillis par Bérenger Tournier

 

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